Algérie

«Les pouvoirs publics auraient pu éviter à notre pays cette catastrophe»


«Les pouvoirs publics auraient pu éviter à notre pays cette catastrophe»
- En trois semaines, la fièvre aphteuse s'est propagée pour atteindre plusieurs wilayas du pays, notamment de l'Est et du Centre. Le ministère de l'Agriculture parle aujourd'hui de la maîtrise de la situation. Partagez-vous ce point de vue et où en est la situation 'Nous ne partageons pas cet avis et, pour l'heure, nous ne pouvons pas faire un point de la situation. Pourquoi ' Parce que tout simplement nous continuons à enregistrer de nouveaux foyers de fièvre aphteuse. Nous avons enregistré, pas plus tard qu'hier, un nouveau foyer qui s'est déclaré dans la capitale, qui n'est pourtant pas une région d'élevage. Le subdivisionnaire agricole de Staouéli l'a déclaré hier.- Cela est-il dû à la défaillance du dispositif mis en place 'Cela est dû à un ensemble d'éléments, entre autres le non-respect des mesures prises par le ministère de l'Agriculture. Les pouvoirs publics doivent savoir que pour prendre en charge ou limiter la propagation de la fièvre aphteuse, il faut l'implication de l'ensemble des partenaires, de la police à la gendarmerie en passant par les maquignons et les médecins vétérinaires. La gendarmerie aurait dû être associée à ce travail afin de contrôler, au niveau des autoroutes, la provenance du cheptel. Hier, le marché aux bestiaux de Boudouaou était ouvert, et ce, en dépit de l'instruction du ministère de tutelle portant sur la fermeture de tous les marchés jusqu'à l'éradication de la maladie.Les vétérinaires de Tizi Ouzou, mobilisés depuis la déclaration de cette épidémie, ont tenté vendredi de joindre les autorités pour leur faire part de certaines difficultés, en vain. Est-il normal que, en pareille crise, les autorités concernées abandonnent le terrain laissant le vétérinaire livré à lui-même ' Est-il normal que pour l'enfouissement d'une carcasse de bête, le vétérinaire se retrouve seul ou à frapper aux portes pour réclamer de l'aide ' Le problème de la fièvre aphteuse n'est pas du ressort uniquement du vétérinaire, mais de tout le monde, car il s'agit de l'intérêt national et de l'économie du pays.- Peut-on comprendre par là que les autorités n'ont pas mesuré l'ampleur des dégâts que peut engendrer cette maladie 'Les pouvoirs publics auraient pu éviter à notre pays cette catastrophe, s'ils avaient pris plus de précaution lorsque des foyers de cette maladie ont été signalés en Tunisie. Nos services vétérinaires ont notifié un premier foyer de fièvre aphteuse sur le territoire le 27 juillet dernier ; il concerne un élevage de bovins localisé au nord du pays. L'origine du foyer est liée à l'introduction illégale d'animaux en provenance de Tunisie, où la maladie s'est répandue depuis avril dernier.Certes, l'Algérie était en alerte et a même lancé une campagne de vaccination, mais le ministère a levé l'instruction en juin dernier, ce qu'il n'aurait pas dû faire. Aujourd'hui, nous avons des difficultés à mener à bien notre mission. Il faut savoir que les campagnes de vaccination sont prises en charge par les praticiens privés. Ces derniers ont été associés pour pallier le manque qui existe en la matière. Mais le problème qui se pose est le contrôle de la situation qui est du ressort exclusif du vétérinaire fonctionnaire.- Qu'en est-il du dépistage 'Faute de moyens, le vétérinaire fonctionnaire a perdu du terrain. Les autorités sont au courant de ce problème.- Vous avez justement fait part de vos inquiétudes en cette période d'épidémie quant aux conditions de travail des vétérinaires?Vous savez, il est très grave qu'en cette période d'épidémie, nous manquions du produit le plus élémentaire, à savoir le désinfectant approprié. C'est insensé ! Nul n'ignore que la fièvre aphteuse est un virus que l'on peut transmettre via nos chaussures. Il est vrai que pour endiguer la progression de la maladie, les éleveurs doivent s'abstenir de l'achat d'animaux, de laisser leurs bêtes sur place, de signaler les cas suspectés de fièvre aphteuse et aussi de procéder à des opérations de chaulage pour la désinfection. Mais actuellement, les produits de désinfection font défaut.Le ministère de tutelle demande aux vétérinaires de terrain d'être solidaires et de se mobiliser pour la circonstance, mais il oublie de mettre à leur disposition en quantité suffisante des kits complets, c'est-à-dire une tenue complète à usage unique, gants, cache-bottes... Ces vétérinaires ont aussi besoin de moyens de locomotion adéquats et non pas des véhicules ne transportant que deux personnes avec, bien sûr, suffisamment de carburant sans oublier les pulvérisateurs de désinfectant.- Avec ce manque de moyens, qu'en est-il alors du stockage de la viande consommable ' Avons-nous suffisamment de chambres froides 'Non, ça c'est un autre problème. Nous n'avons pas assez de chambres froides et nous avons attiré l'attention des pouvoirs publics sur cette question. Nos abattoirs ne sont pas dotés de suffisamment de chambres froides et nous avons aussi un manque d'incinérateurs pour brûler les produits saisis et les aliments contaminés. L'inquiétude des maquignons contraints d'égorger les bêtes malades est justifiée. C'est à l'Etat d'intervenir pour trouver une solution afin de mettre un holà à la spéculation.- La fièvre aphteuse a donc révélé les défaillances des pouvoirs publics?Effectivement, cette maladie a mis a nu les lacunes des pouvoirs publics. Le problème, à notre sens, n'est pas politique, il est stratégique. Il est beaucoup plus d'ordre structurel. Dans tous les pays du monde, il y a des procédures bien enregistrées concernant tous les types d'épidémie, notamment la fièvre aphteuse, la rage?Dès que les premiers signes apparaissent, le problème est canalisé. Chez nous, faute de procédure, chaque partie travaille avec les moyens du bord et selon son expérience. Le Syndicat des vétérinaires a sollicité une entrevue avec le ministre de l'Agriculture, mais ses représentants nous ont orientés vers son secrétaire général, auquel nous avons exposé les défaillances de nos services.


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