Algérie

Les points faibles de notre système éducatif



Notre système éducatif connaît, depuis des années maintenant, une réforme globale touchant la restructuration de tous ses paliers, les programmes, les approches pédagogiques suivies ainsi que son organisation administrative.

Afin de contribuer à cette réforme tant décisive pour le développement futur scientifique et technologique du pays, nombre d'auteurs ont publié, dans la presse nationale, des articles diagnostiquant l'état de ce système et proposant différents remèdes à son redressement. De cette masse d'écrits, on dégage le constat largement partagé que notre système éducatif est défaillant suite à sa performance médiocre se manifestant par une déperdition très inquiétante et une dégradation continue du niveau d'instruction. Vu l'importance d'un tel secteur stratégique et ses retombées sur tous les autres secteurs d'activités du pays, je crois que la réussite de sa réforme nécessite l'implication de tous les membres de la communauté éducative. C'est dans cette optique que j'apporte, ici, ma propre contribution en examinant quelques uns de ses aspects actuels. Dans cet article, mon objectif principal est de mettre en évidence les anomalies que je juge majeures et essentiellement responsables de sa défaillance. En même temps, je propose des correctifs à entreprendre afin de remédier à ces anomalies à identifier.

Pour une fin d'argumentation, je rappelle d'abord quelques principes directeurs dans le domaine éducatif. Il est maintenant pratiquement établi que la performance d'un système éducatif dépend d'une multitude de facteurs internes et externes mais dont quelques uns sont fort déterminants. Parmi ces derniers, je cite particulièrement la qualité de la formation des formateurs et le degré de maîtrise de la langue d'enseignement par les apprenants à tous les niveaux d'instruction. En fait, ces deux facteurs cités ici sont des invariants pédagogiques fondamentaux en éducation. Les maîtres sont et resteront toujours les vecteurs privilégiés de transmission du savoir et du savoir-faire. Quelle que soit l'approche pédagogique à adopter : classique, par objectifs, par compétences... et quel que soit le rôle à assigner aux maîtres : instituteurs, répétiteurs, animateurs,... ces derniers ne pourront jamais mener convenablement leurs tâches sans qu'ils soient adéquatement et préalablement formés pour accomplir leur mission. Aussi, il est évident que la maîtrise de la langue d'enseignement est un préalable pour l'apprentissage de toute discipline académique en cycles moyen, secondaire et supérieur. En effet, la langue est véritablement la clé du savoir.

En entamant cette réforme, le ministère de l'Education a clairement reconnu qu'une proportion importante des enseignants des cycles primaire et moyen est sous-qualifiée. Afin de remédier à ce problème fondamental au sein de notre système éducatif, le ministère de tutelle vise sur le long terme à requalifier professionnellement les enseignants concernés. Avant la réforme actuelle, la formule proposée consiste à un recyclage court de ces enseignants. Certes, le recyclage périodique d'un éducateur est nécessaire au cours de sa carrière mais il ne peut être bénéfique que pour un enseignant ayant reçu une formation initiale solide. L'autre formule pour élever le niveau des enseignants accusant des carences académiques et pédagogiques consiste à leur proposer une formation de longue durée dans des instituts universitaires. Je crois que cette solution est plus efficace et rentable à condition qu'elle soit planifiée et exécutée avec tout le sérieux nécessaire en incitant cette catégorie d'enseignants à cette formation par l'octroi d'avantages multiples. L'autre aspect anormal caractérisant notre système éducatif est le problème linguistique. Ce dernier se manifeste sans équivoque par le fait que nos apprenants vivent malheureusement pas moins de deux dépaysements linguistiques en cours de leur scolarité. Le premier dépaysement est vécu par les écoliers fraîchement scolarisés suite à la différence notable de leur dialecte de l'arabe scolaire. Cette situation ne nous est pas spécifique. Elle est vécue par beaucoup de pays arabes mais à des degrés différents. L'autre dépaysement en milieu de formation est le changement brusque de la langue d'apprentissage, de l'arabe vers le français, que supportent actuellement très mal les bacheliers optant pour les filières scientifiques et techniques à l'université. Comme conséquences néfastes de la non-maîtrise de la langue d'instruction par les apprenants, je mentionne particulièrement leur assimilation superficielle des matières enseignées et le manque de clarté, de rigueur et de précision dans leur expression. Il est important de rappeler, ici, que toutes ces dernières qualités dans le raisonnement ne se manifestent que par et dans le langage. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si la commission Attali place, dans son rapport pour le gouvernement français, la maîtrise de la langue française en tout premier lieu comme compétence fondamentale dès la fin de la sixième. On lit particulièrement dans ce rapport dans son volet éducatif [1] : « décision fondamentale 1 : se donner les moyens pour que tout élève maîtrise le français, la lecture, l'écriture, le calcul, le travail en groupe, l'anglais et l'informatique ». Alors, comment peut-on envisager une solution à la situation linguistique au sein de notre système éducatif ? Il faut absolument éviter ou tout au moins alléger le dépaysement linguistique chez les apprenants. Donc, il faut absolument accorder une importance capitale à l'enseignement de la langue arabe le long de tous les cycles scolaires et viser qu'elle soit maîtrisée par tous les élèves en fin de cycle secondaire. Quant au français comme langue étrangère à pratiquer en cycle universitaire dans l'enseignement scientifique et technique, la solution est tout à fait classique. Il faut tout simplement préparer les étudiants à ce fait en accordant une importance non moindre à l'apprentissage des langues étrangères véhiculaires des innovations et des progrès scientifiques. Afin de confirmer cette dernière importance, il est utile, ici, de se demander pourquoi on exige de nos étudiants, désirant poursuivre leurs études dans les universités étrangères, une certaine maîtrise des langues des études. La réponse est archiévidente. Ce pré-requis linguistique est nécessaire pour une instruction normale dans toute discipline académique.

Aussi, on reproche souvent à notre enseignement qu'il est basé sur la mémorisation, le « par coeurisme » et la restitution des faits enseignés. Ceci est une réalité qu'on ne peut nier mais comment peut-on alors expliquer cet état de fait ? A mon avis, il y a deux raisons essentielles derrière ce phénomène. Elles sont des conséquences directes des deux aspects négatifs de notre système éducatif évoqués ci-dessus. Il y a, d'un côté, le réflexe de la compensation du déficit flagrant en expression orale et écrite chez l'apprenant. Pour contourner son handicap linguistique, l'apprenant fait automatiquement appel au secours de la mémoire. De l'autre côté, il y a un manque d'innovation dans la conception et la formulation des questions d'examens et de tests chez beaucoup d'enseignants. On privilégie toujours le type de questions : définir, citer, énumérer qui, naturellement, demandent un certain effort de mémorisation. Donc, si tout le monde préconise l'approche menant au développement des opérations cognitives chez les apprenants telles qu'apprendre à généraliser, à synthétiser, à formuler une hypothèse, à extrapoler, à schématiser, à critiquer..., il est évident qu'il faut d'abord réunir les conditions nécessaires afin d'atteindre cet objectif tant souhaité.

Pour conclure, je dois noter, ici, que les deux points faibles de notre dispositif éducatif identifiés et discutés dans cet article, qui sont à mon avis au coeur de sa défaillance, doivent focaliser toute l'attention de nos décideurs en éducation. Particulièrement ici, je dois signaler le fait paradoxal suivant : malgré un apport assez conséquent de la technologie de l'éducation au secteur éducatif (équipement informatique, support pédagogique multimédia, usage des calculatrices, tableaux blancs, data shows... ) le niveau général d'instruction ne cesse de se dégrader. La raison en est très simple. Quels que soient les moyens matériels et pédagogiques à fournir, qui sont certes nécessaires, ne peuvent suffire à eux seuls à rendre performant notre système éducatif sans la qualification de toutes ses ressources humaines. La disponibilité d'enseignants compétents et dévoués à leurs tâches est le facteur le plus déterminant dans la quête d'un système éducatif performant.


* Département de physique
Université de Tlemcen



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