La dégradation de la situation sécuritaire en Afrique du Nord a-t-elle a eu un impact significatif sur les investissements directs étrangers 'Depuis 2011, on est dans une instabilité politique avec parfois des problèmes sécuritaires. Il y a eu, en gros, plusieurs phénomènes qui se sont développés. D'abord, j'ai l'impression que l'instabilité politique, ça fait surtout fuir les petites et moyennes entreprises. Les grandes entreprises et multinationales qui investissent dans l'énergie, les télécoms ou les banques sont moins volatiles. Et finalement elles sont moins freinées par ces contextes de changement politique.Ce qu'on voit depuis trois ans, c'est que le montant des investissements n'a pas vraiment baissé en Afrique du Nord. Il est resté relativement stable autour de 15 à 16 milliards de dollars par an, mais le nombre de projets a lui beaucoup baissé. On est passé de 300 projets à 226 l'année dernière. Cela veut dire qu'on a beaucoup plus de gros projets. C'est l'?uvre de gros opérateurs.Y a-t-il des disparités entre les différents pays de la région 'Oui, bien sûr. Il y a un pays qui a clairement tiré son épingle du jeu, c'est le Maroc. Quand ses voisins avaient des situations problématiques, lui avait plus d'investissements. Cela peut aussi être lié à la politique de ce pays pour attirer les investissements. En Algérie, en Egypte et en Libye, c'est relativement stable ces dernières années. Cela avait pas mal baissé en Egypte en 2011, depuis ça s'est stabilisé.On est à un peu moins de 5 milliards de dollars par an. En Libye, il y avait déjà très peu de projets annoncés dès 2010, et depuis 2013 on a des problèmes dans les investissements annoncés. La situation dans ce pays ne donne aucune visibilité. En Algérie, on a un niveau d'investissement relativement stable en gros depuis 2011.2012 a été une bonne année, avec à peu près 4 milliards. Sinon, on est autour de 2 milliards d'euros en 2013. Il n'y a donc pas eu de progression, ni de chute notables depuis 2011. Là où c'est plus compliqué, c'est en Tunisie. En 2010-2011, ce n'était pas trop mauvais. Certains pays comme les Etats-Unis ont immédiatement investi après la révolution. Il y a eu aussi le Qatar. Mais, en gros, dans ce pays, les investisseurs sont en situation d'attentisme. Ce qui ne va pas s'améliorer avec ce qui s'est passé dernièrement.Est-ce qu'aujourd'hui l'élément sécuritaire pèse plus lourd dans la décision d'investir que l'environnement économique, politique ou le ralentissement mondial 'A partir du moment où on a l'impression que les individus étrangers peuvent être menacés eux-mêmes, c'est évidemment un gros frein. C'est un pré-requis essentiel pour pouvoir investir dans un pays.A ma connaissance, il n'y a pas eu d'attaques dans les industries où des cadres de sociétés étrangères auraient été visés. Je ne sais pas à quel point ça peut avoir un impact, mais il me semble que le message que les terroristes veulent envoyer pour prendre le cas de la Tunisie, c'est de toucher un secteur clé, tuer le tourisme. Mais, il est clair que cela pourrait repousser des projets.Ce qui se passe dans la région est-il susceptible de redéfinir la cartographie des flux des IDE dans le monde 'Ce qui est nouveau dans la région depuis trois ans, c'est que les investisseurs du Golfe sont revenus. Ils avaient complètement disparu entre 2008 et 2010, notamment à cause de la crise financière et le fait qu'il n'y avait pas de projets qui les intéressaient. En 2013, ils sont devenus les premiers investisseurs en Afrique du Nord avec 9 milliards d'euros. C'est une recomposition du partenariat entre l'Afrique du Nord et l'étranger.Comment expliquez-vous ce regain d'intérêt'Je pense qu'il y a une volonté stratégique de porter leur influence dans la région et de créer un marché d'influence arabe et de proximité autour d'eux. Il y a la situation du pétrole qui, quand il remonte, leur donne de la liquidité pour investir, et il y aussi une maturité sur certains secteurs comme l'agriculture ou l'agroalimentaire où ils n'étaient pas présents avant.A moyen terme, comment voyez-vous les perspectives dans la région 'Si on fait le bilan des trois dernières années et qu'on fait une projection, je dirai que les gros opérateurs vont continuer à investir, puisqu'ils n'ont pas arrêté de le faire ces trois dernières années, alors qu'il y avait des situations en Egypte et en Tunisie qui suscitaient des questions. Il y a quand même eu des projets.Ce qui m'inquiète, c'est que les PME vont venir d'une manière beaucoup plus frileuse et en nombre beaucoup moins important. Or, pour créer des emplois rapidement, il vaut mieux des investissements de PME. Ce sont elles qui créent le plus d'emplois à court terme compte tenu de la nature des secteurs dans lesquels elles investissent (mécanique, télécoms, consulting, etc.).
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 06/07/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Safia Berkouk
Source : www.elwatan.com