Algérie

Les plateaux de la terreur



L'affaire de la rougeole, comme celle du poulet, montre toute la faiblesse d'une scène audiovisuelle immature et inexpérimentéeLa résurgence de la rougeole et l'effondrement annoncé de la filière avicole sont les deux «faits d'armes» d'une faune d'illuminés et de charlatans cathodiques.
La résurgence brutale de la rougeole dans au moins deux wilayas du pays a déjà fait plusieurs victimes. La demande sur le poulet a connu une chute de 20% en l'espace de quelques semaines seulement. Ces deux événements qui impactent négativement la santé des Algériens et l'économie du pays ont un point commun: un usage chaotique et loin de tout professionnalisme de nouveaux médias audiovisuels nationaux.
Tous les Algériens se souviennent du climat d'angoisse qui leur a été imposé, l'année dernière, par des informations annonçant des décès de nourrissons après leur vaccination. Sans qu'aucune preuve n'ait été établie quant à un lien direct entre l'acte vaccinal et la mort des bébés, des médias audiovisuels et des titres de la presse écrite ont ameuté l'opinion, allant jusqu'à monter un scénario invraisemblable sur des lots de «vaccins-tueurs», achetés auprès de laboratoires suspects. Les assurances du ministère de la Santé, des responsables de l'Institut Pasteur et de nombreux éminents spécialistes n'ont rien changé à la suspicion d'une population apeurée, pour la simple raison que les chaînes de télévisions privées détruisaient systématiquement les arguments des scientifiques en rapportant des propos de charlatans à la petite semaine qui déployaient un discours totalement décousu, mais parce que bénéficiant de temps d'antenne bien plus supérieur que celui des spécialistes, ils sont parvenus à faire admettre aux familles algériennes que la vaccination n'était pas utile à leurs enfants, voire même porteuse de graves périls pour leur santé.
Tous les Algériens ont certainement encore en mémoire l'échec de l'opération d'immunisation contre deux maladies mortelles, la rubéole et la rougeole, lancée l'année dernière, au niveau de tous les établissements scolaires du pays. Les charlatans qui s'étaient fait aider par une Toile affolée, ont totalement réussi leur coup, au-delà de tout espoir. Moins de 10% de la population ciblée avaient été touchés par ladite opération. En un instant, tous les enfants algériens âgés entre 6 et 15 ans n'étaient pas protégés contre une maladie létale.
La moitié de cette population est constituée de futures mamans. Parce que n'ayant pas été vaccinées contre la rubéole, elles courent le risque de mettre au monde des handicapés lourds. La victoire des charlatans et des obscurantistes, les Algériens la payent aujourd'hui.
Une très importante épidémie de rougeole sévit à El Oued et Ouargla. Des centaines de personnes touchées et plusieurs morts sont déjà comptabilisés. C'est le butin de cette campagne de dénigrement menée tambour battant par des énergumènes, dont des chaînes de télévision et journaux qui ont gonflé la voix pour atteindre tout le territoire national. Agissant au nom de la sacro-sainte liberté d'expression, ces médias ont tout simplement fait faire au pays un bond en arrière de plusieurs décennies.
Le drame dans cette histoire de résurgence de la rougeole dans un pays qui dépense 10 milliards de dollars par an pour protéger ses enfants d'une mort «bête», c'est que la leçon n'a pas été retenue.
Ces mêmes télévisions et journaux ne semblent pas se sentir responsables de la situation sanitaire compliquée qu'ils ont créée, en ouvrant leurs antennes et colonnes à des «criminels». En fait, le massacre continue et nous assistons à une autre campagne tout aussi «nauséabonde», qui concerne, cette fois l'économie nationale. Un sombre président d'une anonyme association de défense des consommateurs s'est mis dans la tête de détruire la filière avicole en accusant les abattoirs de ne pas respecter la chariaâ dans l'abattage des poulets. Les avis religieux autorisés sous l'autorité du ministère des Affaires religieuse, les assurances fermes des vétérinaires quant au respect du processus d'abattage et la traçabilité de l'acte d'abattage au plan sanitaire et les serments «sur l'honneur» du personnel chargé de l'abattage du poulet, n'y ont rien fait. Ces chaînes de télévision reproduisent les propos de tout ce beau monde, mais les détruisent systématiquement en donnant la parole à des individus, dont le seul «diplôme» est celui d'être des «bêtes médiatiques». La gestion de ce «scandale» suit la même logique que la campagne anti-vaccination. Des «ignorants» en matière de religion et d'aviculture sont présentés comme de grands spécialistes qui viennent sur les plateaux accuser ouvertement des cadres du ministère des Affaires religieuses et des Wakfs et des scientifiques d'être des corrompus. Avec un verbe impertinent et une attitude suffisante, à la limite de l'irrespect, ces «illuminés» sont parvenus à vaincre la sagesse des religieux et les connaissances des scientifiques. Cette campagne contre la filière avicole n'a pas tardé à porter ses «fruits». La demande sur le poulet a chuté de 20% après quelques semaines de battage médiatique. Dans ces 20%, il y a des dizaines de milliers de travailleurs qui ont perdu leurs emplois. Cela, parce que quelques télévisions privées ont cru bon monter une «belle opération médiatique». L'affaire de la rougeole, comme celle du poulet, montre toute la faiblesse d'une scène audiovisuelle immature, inexpérimentée et vecteur de beaucoup de dangers. Il faut que cela cesse.


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