Algérie

Les peuples sont l'autre challenge



Au-delà de la question de la mémoire qui peut réserver de mauvaises surprises aux deux gouvernements, Algériens et Français, qui travaillent à en désamorcer la charge explosive, les relations algéro-françaises auront à affronter un autre défi de taille. En effet, jusque- là mis de côté en raison de la complexité du dialogue qui avance en dents de scie, l'aspect populaire des rapports entre les deux pays prendra une autre dimension dans le cas du succès, d'ailleurs annoncé, de la première phase de reconstruction du partenariat renouvelée. Il est clair, jusque-là, qu'au niveau institutionnel, la volonté de ne rien laisser au hasard et de mettre toutes les chances du côté des Exécutifs pour réussir l'examen de passage est parfaitement illustré dans la tenue de ce Comité intergouvernemental de haut niveau (Cihn). On sent bien la détermination de poser les jalons d'une relation solide et pérenne. Une sorte de «point de non- retour» que les présidents, algérien et français, entendent visiblement franchir pour ouvrir d'autres dossiers communs autrement plus stratégiques. Mais dans la foulée de cette dynamique, les deux hommes ont besoin de s'appuyer sur des opinions publiques convergentes avec l'idée que se font Macron et Tebboune du partenariat. Autrement dit, l'assentiment des deux peuples est une donne incontournable dans un processus qui se veut historiquement inédit entre les deux pays.La question que poseraient les observateurs de la scène algéro-française est de savoir si effectivement les deux peuples se connaissent vraiment pour vouloir associer leurs destinées dans une démarche historique censée rayonner sur la Méditerranée et l'Afrique du Nord. Ce que les Algériens retiennent des Français, c'est principalement la minorité de pieds-noirs qui ne se voyaient pas algériens et regardaient dans le sens de la métropole. Les Algériens ont vu des moeurs différentes des leurs et assez peu de sympathie exprimée par les colons. Dans l'autre sens, la grande majorité des Français ignorent presque tout des souffrances causées par la colonisation au peuple algérien, bien qu'historiquement, ils ont conscience que l'Algérie était une ancienne colonie française. Les ultras de l'Algérie française recrutés, notamment parmi certains pieds- noirs, ont jeté un voile sur la partie algérienne de l'histoire de la France. Réellement donc, les peuples algériens et français ne se connaissent véritablement qu'à travers la nombreuse diaspora algérienne établie en France. C'est à cette catégorie d'Algériens et en même temps Français que revient la lourde responsabilité de faire rapprocher les deux peuples. Le président Tebboune qui n'a pas manqué de souligner l'apport important de la diaspora dans l'édification du pays, n'ignore certainement pas le rôle crucial des Franco-Algériens, dans la consolidation d'un partenariat qui se veut profond et multiforme. Assis entre deux chaises et donc fort d'une double culture, ces Algériens de sang et français de nationalité peuvent être le véritable socle d'un nouveau roman historique algéro-français. Il est certain que l'élite de cette frange des deux sociétés, algérienne et française, sent déjà le poids de la responsabilité. Il lui incombe de traduire les rapprochements institutionnels en dynamique populaire en Algérie comme en France. Mais le dire est bien plus aisé que de le faire. Les ennemis de ce rapprochement sont puissants en France. Ils ne voudront pas voir la véritable histoire de la colonisation éclater au grand jour. Ils y perdront au change. Aussi, peut-on pronostiquer une autre bataille en France même pour la fin effective de l'esprit colonial et partant, l'avènement d'un nouvel âge entre l'Algérie et la France.


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