Le président du Conseil libyen de transition (CNT), Moustapha Abdeljalil, dont la visite en Algérie a été annoncée puis reportée à maintes reprises depuis le mois de décembre dernier, est finalement arrivé, hier en fin d'après-midi, à Alger. L'annonce, samedi soir, de sa venue a d'ailleurs quelque peu surpris dans la mesure où plus personne ne l'attendait vraiment.
Surtout que M. Abdeljalil a actuellement des questions beaucoup plus urgentes à gérer comme celle en rapport avec les conflits intertribaux qui menacent de précipiter la Libye dans une guerre civile ou celle, encore, liée à l'organisation, le 19 juin prochain, de l'élection, de l'Assemblée constituante libyenne. Une élection qui paraît de plus en plus hypothéquée en raison justement de l'insécurité ambiante.
Attendu ou pas, ce déplacement de deux jours confirme, à tout le moins, le retour progressif à la normale des relations algéro-libyennes, après une brouille entre les deux parties de près d'une année. Il vient en quelque sorte couronner les efforts consentis de part et d'autre depuis novembre 2011 pour dissiper les malentendus (et sans doute aussi aplanir les divergences) apparus au cours du soulèvement de la population libyenne contre l'ancien régime de Tripoli, en février 2011. Les réserves émises par l'Algérie, au même titre d'ailleurs que l'Union africaine (UA), au soutien déterminant apporté alors par l'OTAN aux rebelles libyens dans le renversement du colonel Mouammar El Gueddafi avaient, rappelle-t-on, eu pour effet d'empoisonner les relations entre Alger et le CNT. Cette position avait été interprétée par la rébellion libyenne comme un soutien à El Gueddafi, ce dont s'étaient défendues les autorités algériennes qui avaient soutenu le principe d'un règlement pacifique à la crise.
Conjonction d'intérêts
L'accueil digne d'un chef d'Etat réservé hier par le président Bouteflika à M. Abdeljalil à l'aéroport international d'Alger montre aujourd'hui que l'Algérie ne voit désormais aucune objection à travailler avec le nouveau régime libyen. Un régime qu'elle a d'ailleurs fini par reconnaître, le 22 septembre 2011 (quelques jours après la chute de Tripoli) et avec lequel elle se sait obligée un jour ou l'autre de composer, ne serait-ce que pour éviter une «afghanisation» de la région.
Même s'il est aisé de deviner qu'il est venu à Alger à reculons par crainte notamment des réactions que pourrait susciter sa visite au sein des rebelles, dont beaucoup restent quelque peu remontés contre l'Algérie, il se trouve que le chef du CNT sait aussi très bien que pour asseoir son pouvoir actuellement contesté et bâtir le nouvel Etat libyen, il a tout intérêt à se rapprocher du voisin algérien. L'hypothèse se tient, d'autant que les puissances occidentales sur lesquelles il avait compté, il y a une année, pour pilonner les positions des unités d'El Gueddafi, semblent aujourd'hui l'avoir lâché.
Le fait que le président du CNT ait accepté de séjourner 48 heures à Alger prouve que sa visite dépasse le simple cadre protocolaire et que des dossiers de fond seront mis sur la table des discussions. A commencer par celui, sensible, de la sécurité.
Si les autorités algériennes, élevées dans le culte du secret, n'ont pas dit grand-chose sur les thèmes qui seront discutés lors de cette visite, il semblerait en revanche que M. Abdeljalil n'ait pas caché son souhait, outre de se voir rassurer quant à l'appui de l'Algérie à sa politique, de repartir à Tripoli avec de quoi justifier concrètement son séjour.
D'ores et déjà, l'on sait que le gouvernement algérien s'est proposé, par le biais du ministère de l'Intérieur, à redonner vie aux services de sécurité libyens et à veiller à la sécurité de la frontière commune. Ce qui n'est déjà pas du tout négligeable lorsque l'on a conscience du chaos dans lequel se trouve actuellement la Libye, avec en prime une prolifération d'armes encore jamais vue dans la région et une résurgence de la rébellion touareg à l'évolution imprévisible.
Selon la chaîne saoudienne Al Arabia, qui a tendu hier le micro à l'un des porte-parole du CNT, Moustapha Abdeljalil devrait essayer encore de convaincre le président Bouteflika de lui remettre la famille El Gueddafi. Légitime de sa part, dirait-on. Après tout, qui ne tente rien n'a rien ! Encore que la réponse d'Alger est connue d'avance. Mais au-delà, il paraît clairement que l'Algérie est disposée à faire le maximum pour aider la Libye à se remettre sur les rails.
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Posté Le : 16/04/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Zine Cherfaoui
Source : www.elwatan.com