En ces temps-là, le brave Hocine, dont on ne peut pas dire qu'il était jeune parce qu'à 20 ans il était déjà père de famille et investi des lourdes responsabilités qui en découlent, n'avait pas vraiment la tête au foot. Nous sommes au début des années 1970, la JSK venait de gagner son premier titre de champion d'Algérie après seulement quelques saisons d'une historique accession parmi l'élite du football national. Les temps étaient durs un peu pour tout le monde et il avait plus à coeur de faire bouillir la marmite que de se perdre dans un bouillonnement de jeunesse.Et puis Hocine ne connaissait pas grand-chose, pour ne pas dire rien au football. La télévision était encore un luxe lointain, l'électricité un fantasme. Il fallait parcourir deux fois une dizaine de kilomètres à pied et pouvoir se permettre une consommation pour s'attabler dans l'un des cafés du chef-lieu de commune. Autant dire une folie inaccessible pour le brave Hocine et ceux de sa condition. Mais le dénuement n'a jamais pu vaincre certaines passions, et dans le village, quelques jeunes intrépides allaient déjà au bout de leurs palpitations : aller au stade. Une quarantaine de kilomètres pour rejoindre Tizi Ouzou et le stade Oukil-Ramdane pour enfin mettre des visages sur leurs idoles et vibrer pour leurs exploits. Hocine n'en rêvait même pas, même si, par la force des choses, il avait fini par intégrer le «mouvement».Il pensait s'en tenir à regarder des ados, souvent plus jeunes que lui, se disputer une pelote faite de menus chiffons et quelques fois, suprême bonheur, un «vrai» ballon en plastique. Mais un jour, ses petits cousins et copains du village avaient décidé de lui offrir une virée au stade.Il en avait d'abord rigolé, puis accepté en faisant semblant que c'était pour leur faire plaisir. Aller dans une grande ville était déjà un événement en soi pour lui et voir la JSK un bonheur que tout le monde ne pouvait pas se permettre. Il ne connaissait toujours pas grand-chose au foot mais il ne s'agissait pas que de cela. Dans la tribune pleine à craquer, il était comme perdu dans cette foule qui savait, contrairement à lui, à quoi s'en tenir.Et lorsqu'il y a eu le premier but, Hocine a sauté de joie, les bras levés et cherchant des congratulations qui, curieusement ne venaient pas. Au contraire, le pauvre Hocine a failli être lynché, n'était l'intervention protectrice de siens qui ont quand même réussi à calmer l'agressivité des autres spectateurs qui les entouraient.Ce jour-là, la JSK affrontait le Mouloudia d'Alger qui avait les mêmes couleurs traditionnelles, le vert et le rouge. Son club de coeur jouait donc en tenue blanche et c'est le Mouloudia qui avait marqué quand Hocine avait commencé à jubiler !Slimane LaouariCette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
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Posté Le : 30/03/2016
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Le Temps d'Algérie
Source : www.letempsdz.com