Algérie

Les petites ficelles pour réduire les importations algériennes font désordre


Les directions régionales de commerce ne délivrent plus de visa de franchise de droits de douanes aux entreprises sous le coup d'un redressement en litige avec l'administration fiscale. Pourtant, la loi considère, avec le sursis légal, comme en règle avec les impôts les entreprises qui s'acquittent de 20% du montant du redressement en attendant l'issue du recours. Encore un artifice gouvernemental pour réduire les importations.

Qui piétine lois et règlements et tire les prix à la consommation vers le haut.

La liste des entreprises algériennes qui peuvent bénéficier de la franchise des droits de douane lorsqu'elles importent de l'Union européenne ou de la Zone arabe de libre-échange (ZALE) s'est réduite depuis l'été dernier. C'est le résultat d'un « durcissement » administratif dans l'interprétation du décret exécutif 10/89 du 10 mars 2010 d'Ahmed Ouyahia, qui « fixe les modalités de suivi des importations sous franchise de droits de douane dans le cadre des accords de libre-échange ». Dans la liste des 07 documents exigés par le décret en accompagnement de la demande de visa, figure « un extrait de rôle apuré ». Rien d'étrange jusque-là. Les entreprises en dette avec l'administration fiscale peuvent être exclues de cet avantage de la franchise de droits de douane. De même, le premier ministre a profité de cette « carotte » du visa de franchise de droits de douane pour exiger également que les entreprises qui le sollicitent déposent effectivement leurs comptes sociaux auprès du CNRC (Registre de commerce). La complication est survenue depuis la rentrée de septembre dernier lorsque de nombreuses entreprises importatrices – pour revente en l'état ou pour leur propre procès de production – se sont vues refuser le visa de franchise de droits de douane par leur direction régionale de commerce. Motif: leur sursis légal délivré par l'administration fiscale n'était plus considéré comme équivalent à « un extrait de rôle apuré ». L'article 74 du code des procédures fiscales est pourtant limpide. Payer 20% du montant d'un redressement contesté permet d'obtenir la mainlevée en attendant l'issu du recours.

Le sursis légal délivré par l'administration fiscale équivaut bien à un extrait de rôle apuré en la circonstance. C'est d'ailleurs bien ainsi que les directions régionales ont interprété le décret d'Ahmed Ouyahia depuis mars 2010. Avant de changer d'attitude sous le coup d'une instruction cette fois non écrite.

LES PRODUITS ASIATIQUES EPARGNES DE FAIT

La statistique est difficile à cerner du nombre d'entreprises algériennes touchées par cette restriction « bureaucratique » en infraction avec les textes de lois et les règlements. Les chefs d'entreprise n'aiment pas communiquer autour d'une difficulté administrative liée à un redressement fiscal subi par leur entreprise. « Un redressement fiscal ne doit jamais arriver aux oreilles d'un partenaire banquier. Sinon, cela se complique pour l'accès au crédit » explique un opérateur privé de la zone industrielle de Rouïba, « C'est pour cela que cette affaire de la non-reconnaissance du sursis légal par la direction du commerce n'est pas encore prise en charge ouvertement par les entreprises qui la subissent ». Le Forum des chefs d'entreprises (FCE), occupé depuis trois mois par la campagne électorale pour sa présidence, ne s'est pas emparé de la question, même si quelques-uns de ses membres ont soulevé cette affaire du « refus abusif du visa franchise » dans les coulisses de l'élection du 17 novembre dernier. L'exclusion des entreprises disposant d'un sursis légal des impôts du visa de franchise des droits de douanes a déjà comme conséquence l'augmentation du prix de certains intrants dans les filières de la transformation industrielle, de l'agroalimentaire, de la chimie industrielle ou de la fabrication de détergents. Les produits asiatiques ne provenant pas d'une zone de libre échange ne sont, de fait, pas touchés par la restriction de la franchise de droits de douane qui touche essentiellement les produits européens.

DOMMAGE COLLATERAL D'UNE JURISPRUDENCE DJEZZY ?

Pour Mohamed Ferchiche, de l'université de Blida, «la motivation de la limitation des importations paraît évidente dans la plupart des mesures restrictives du gouvernement touchant les entreprises. L'effet LFC 2009 est retombé dès 2010 avec la poursuite de la hausse des importations au-delà des 40 milliards de dollars. Nous sommes cette année sur un rythme de 45 à 46 milliards de dollars. Il ne faut pas chercher plus loin le stress officiel ». Autre indice confirmant bien la volonté de « contenir » les importations en franchise de droits de douane, un nouveau visa est exigible pour chaque opération d'importation, même si la ligne de produits est identique pour l'année.        Un des chefs d'entreprise touchés par le rejet du sursis légal parle aussi d'une « jurisprudence Djezzy » dans le mauvais sens. L'Etat algérien fait feu de tout bois pour affaiblir l'opérateur russo-égyptien de téléphonie mobile qu'il veut préempter. Ainsi, OTA s'est vu refuser le visa de franchise pour importer des équipements pour son réseau.    En dépit du sursis légal obtenu par Djezzy, en attente d'un recours devant l'administration fiscale. Le refus du visa aux autres entreprises serait un dommage collatéral, « sous couvert de cohérence ».


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