Algérie

«Les personnes qui tiennent le pays n'ont pas changé»



«Les personnes qui tiennent le pays n'ont pas changé»
-Le vote de la récente Constitution ouvre- t-il la voie à un renforcement de l'Etat profond issu de l'ère Moubarak 'On retombe dans des mécanismes qui étaient ceux de l'ancien régime. On le voit bien avec la nouvelle loi sur les manifestations : la Constitution reconnaît le droit de manifester, mais suivant des modalités qui sont définies par une loi très restrictive qui réduit de fait ce principe à néant. Tous les textes à portée constitutionnelle adoptés depuis 2011 n'ont pas véritablement l'ambition de s'inscrire dans le temps comme ce fut le cas pour celui de 1971.Leur vocation est plutôt d'institutionnaliser un rapport de force à un instant T. Avec la dernière mouture constitutionnelle, le référendum et les consultations électorales qui doivent suivre, les nouvelles autorités espèrent faire oublier l'illégitimité qui a marqué leur prise de pouvoir et qui constitue une sorte de péché originel : le renversement d'un Président démocratiquement élu.-L'armée peut-elle être de nouveau en première ligne, comme ce fut le cas en 2011-2012 avec le Conseil suprême des forces armées 'Depuis toujours, l'armée trace le cours de la vie politique égyptienne et de ses soubresauts : Moubarak n'aurait pas démissionné si l'armée ne l'avait pas poussé à le faire et Mohamed Morsi n'aurait pas été évincé sans son intervention. Mais après l'échec cuisant de la transition menée par le Conseil suprême des forces armées, j'ai longtemps cru que les militaires ne voulaient plus être sur le devant de la scène.Or, aujourd'hui, le retour d'un général à la tête du pays n'est pas exclu : le ministre de la Défense, Abdelfatah Al Sissi, pourrait en effet confirmer sa candidature à la Présidentielle très prochainement.-La tenue rapide d'élections semble une priorité pour le gouvernement intérimaire. Quels sont les enjeux de ces scrutins, surtout si l'opposition peine à se faire entendre 'Comme pour le récent référendum, les enjeux seront minimes. Les voix dissidentes seront étouffées sans que cela suscite de remous à l'intérieur comme à l'extérieur du pays. Pour le pouvoir en place, la priorité sera de sauvegarder un semblant de processus démocratique pluraliste et ainsi se badigeonner d'un vernis de légitimité.-Les contestations sociales sont-elles assez fortes pour peser dans l'équation politique des prochains mois 'Un problème de finances publiques va certainement se poser : au lendemain de l'éviction de Mohamed Morsi, l'Egypte a été sauvée de la faillite par les prêts des Etats du Golfe (essentiellement saoudien et émirati), ce qui a permis d'augmenter mécaniquement les salaires et de financer toute une batterie de mesures sociales. Mais cette dépendance vis-à-vis des pays du Golfe s'apparente à une nouvelle forme de rente (aléatoire de surcroît) et ne promet aucun développement économique raisonné.-En 2011, vous préfériez parler d'une «révolution de palais» ; le régime ne pouvait pas avoir été évincé au bout de 18 jours de révolte, aussi fulgurante et massive soit-elle. Trois ans après, est-ce toujours le cas 'Les personnes qui tiennent réellement le pays (armée, milieux d'affaires, figures de la vie politique) n'ont pas changé. Il y a eu tout au plus quelques aménagements : quelques personnalités vraiment trop liées à des affaires de corruption ont été jugées, des mouvements ont sans doute été opérés dans la haute hiérarchie militaire. Mais les récents épisodes indiquent un retour décomplexé de piliers de l'ancien régime Moubarak (Fathi Sourour président du Parlement, Ahmed Chafiq candidat malheureux à la Présidence et ancien ministre de Moubarak?). Beaucoup d'hommes d'affaires ont attendu que la tempête passe, leurs boutiques tournent toujours. Par ailleurs, la dernière campagne en faveur du «oui» au référendum montre à quel point les médias sont aujourd'hui inféodés au pouvoir, bien plus qu'à la fin de la période Moubarak, où existait une vraie presse d'opposition, aujourd'hui disparue.




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)