Algérie - Patrimoine Architectural et Immobilier

Les périphéries oranaises : urbanité en émergence et refondation du lien social



Index de mots-clés : Ville(s), Algérie, Oran, Citadinité, Urbanité, Fragmentation, Modes d’habiter, Périphérie(s), Douar urbain

Introduction
Qu’est-ce que l’urbanité ?
Oran : une ville exceptionnelle dans le paysage urbain algérien
Sidi El Bachir : un douar périphérique
La périphérie : le laboratoire d’une urbanité en émergence
Conclusion

Introduction
1Pour les sociologues et les anthropologues, la problématique des périphéries, dans les pays du Sud, renvoie à la problématique sociale. De ce point de vue, la question des périphéries est en train de devenir — si elle ne l’est pas déjà — la principale question urbaine, puisque « toute la névralgie sociale s’exprime dans les tensions qui affectent l’espace urbain » (A. Geppert, 2003) s’y trouve condensée. C’est en ce sens que j’aborde, à partir d’une posture socio-anthropologique, les périphéries de la ville d’Oran comme laboratoire de la société, en ce sens que l’on peut y déceler l’émergence de nouvelles formes d’urbanité. L’apport de l’approche socio-anthropologique à la connaissance de l’urbanité pourrait alors résider dans la mise en lumière des enjeux actuels des villes, et notamment de ceux relatifs à l’urbanisation périphérique.

1 D’une manière plus générale, pour les travaux de l’École de Chicago, se référer à J.-M. Chapoulie, (...)
2La ville est un thème sociologique par excellence et, pour s’en convaincre, il suffit de se reporter au processus de fondation de la science sociologique depuis Ibn Khaldoun jusqu’à Émile Durkheim. Par la suite, les travaux de Georg Simmel et ceux de l’École de Chicago — notamment ceux de R. Park (1925) et de L. Wirth (1938) — ont montré que « la ville fait figure en sociologie de paradigme de la sociabilité moderne » (J.-S. Beuscart et A. Peerbaye, 2003, pp. 3-6)1. Face aux communautés traditionnelles qui assignent leurs individus à des identités non négociables, l’urbanisation parvient à substituer l’appartenance à des groupes sociaux multiples et moins contraignants. N’est-ce pas que « l’air de la ville rend libre », selon le célèbre adage allemand ? L’individu moderne, qui se pense comme unique, est selon G. Simmel, le produit de cette multiplicité des communautés d’appartenance dans lesquelles et entre lesquelles celui-ci se meut : « Plus la variété de groupes qui se rencontrent en nous est grande, plus le moi prend nettement conscience de son unité » (G. Simmel, 1999). Mais la ville est aussi un milieu géographique et économique qui se transforme en permanence, sous la pression des groupes sociaux, par exemple sous l’effet de l’exode rural et l’intensification des mobilités, mais elle change aussi — et peut-être plus encore — à la suite des bouleversements technologiques (automobile, électricité, techniques de communication, etc.).


3Centre urbain historique, Oran, deuxième ville algérienne, s’est présentée dans le paysage urbain algérien, tout au long de la période coloniale française, comme une ville exceptionnelle à plus d’un titre (A. Lakjaâ, 2008a). En effet, Oran a été la ville la plus « européenne » de l’Algérie : jusqu’en 1901, cette dominante a été majoritairement espagnole, puis, à compter de cette date, la population française a dominé jusqu’à l’indépendance en 1962. Le peuplement d’Oran comptait aussi une proportion non négligeable d’Israélites (11,5 % à Oran contre 12 % à Constantine et moins de 8 % à Alger). Ce chamboulement ethnique a été soutenu par une reconfiguration urbaine qui a fait écrire à R. Lespès : « À ce point de vue, sa physionomie générale est frappante. Un étranger pourrait la parcourir de l’Ouest à l’Est, selon sa plus grande dimension, sans soupçonner autrement que par la vue de deux ou trois minarets et par la rencontre de quelques indigènes musulmans, qu’elle en abrite un certain contingent » (R. Lespès, rééd. 2003, p. 122). De ce fait, Oran présente un intérêt réel dans la perspective d’une réflexion sur les mutations urbaines et sociales post-coloniales. Dans ce contexte caractérisé par des mutations urbaines aux tendances irréversibles2 — mais dont les effets demeurent incertains —, l’observateur ne peut échapper à l’interrogation suivante : quel avenir pour l’urbanité oranaise ? Mais, quand bien même les mutations en cours pourraient signifier que cette situation exceptionnelle est en train de prendre fin, il nous faut bien mentionner que si l’urbain est un, la ville, selon les cultures et l’histoire, est plurielle et n’affronte pas partout les mêmes défis3.

4Je propose à travers ce texte des lignes de réflexion sur l’urbanité que je situe à la croisée de la sociologie et de l’anthropologie.

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