Algérie

Les pendules à l'heure



Les pendules à l'heure
«Cinéma: muet de naissance» Max FavalelliCela fait bientôt cinquante ans que je connais mon ami Benny et cela fait autant de temps au moins qu'il voue au 7ème art un véritable culte. Il a vécu toute sa vie à 25 images/seconde au point qu'il a fini par ressembler à son idole de jeunesse, Buster Keaton. Je vous en parle pour la simple raison qu'il m'a interpellé dernièrement, après avoir lu mes brèves réflexions sur le métier de scénariste dans une société qui respecte l'art et l'artiste, et il m' a demandé d'éclairer le lecteur sur le travail de découpage technique, tâche qui échoit sous nos latitudes à la bonne à tout faire, le réalisateur et qui est une étape importante dans le processus de production d'un projet qui finit par se poser sur un écran d'une salle vide, et qu'on appelle «film». Toutes les étapes sont cruciales pour la réussite de cette oeuvre et chacune mérite que l'on s'y arrête un moment. Mais avant, ne vaudrait-il pas mieux parler de la place de ce qui aurait pu être une industrie comme une autre, dans un pays que l' «on» s'est forcé de désindustrialiser dès le début' Or, dans tous les pays où le 7ème art a été florissant, les industries traditionnelles étaient déjà développées: ce qui n'est pas le cas de notre pays qui était agricole et rural.D'abord, avant toute chose, il faut rendre à César ce qui lui appartient: on ne cessera jamais de rendre hommage au père de la communication de l'Algérie combattante: Abane Ramdane. C'est lui qui, après avoir posé les fondations d'El-Moudjahid, a fait appel à un combattant internationaliste pour qu'il mette sa caméra-mitraillette au service de la lutte armée. Vous aurez sans doute reconnu là l'humble silhouette familière de René Vautier qui peut être considéré, après Abane, comme le créateur du cinéma algérien. Les circonstances de son recrutement sont narrées avec bonheur dans le livre fleuve de la Guerre d'Algérie dirigée par un autre géant de la communication: Henri Alleg. «Il faut déduire notre esthétique des besoins de notre combat», disait Berthold Brecht: Ainsi, la caméra mise au service de la lutte armée deviendra au lendemain de l'Indépendance, un moyen supplémentaire de propagande pour le régime en place. Bien sûr, il faut rendre hommage à la générosité de ceux qui, une fois la paix revenue, ont pensé à mettre cet outil précieux au service d'une Révolution qui se voulait en marche. Le pays exsangue a puisé dans ses dernières réserves l'argent nécessaire pour porter la voix d'un peuple au-delà des frontières et permettre aux artistes locaux d'exprimer l'immense détresse d'un peuple. La nationalisation des salles de cinéma, la réactivation des ciné-bus, la création d'un Institut du cinéma algérien, l'envoi de jeunes en formation à l'étranger, l'ouverture d'une cinémathèque, tout cela procédait des ambitions d'un pouvoir qui voulait d'une part, permettre au génie créateur algérien de s'exprimer et d'autre part, se donner les moyens de contrôle des masses populaires.Mais peut-on vraiment parler d'un cinéma national quand les infrastructures les plus élémentaires n'existent pas: l'absence d'un laboratoire de développement performant a longtemps pesé dans la politique de production, tourner à Alger et développer à Paris sera la gymnastique à laquelle se livreront ceux qui ont eu la lourde tâche de gérer un cinéma handicapé de naissance.




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