Algérie

Les partis, entre le zèle politique et l'insouciance populaire



Aucun Etat ne peut se passer de partis. Plus qu'une utilité publique, ils sont une exigence démocratique. S'ils sont là on les apprivoise, s'ils n'y sont pas on les fabrique. Un parti n'est grand que par, d'abord la grandeur de ses idées ensuite de ses hommes et enfin de sa dynamique à pouvoir changer et bouger les êtres et les choses. Lorsque la vantardise empêche le bon sens d'unir la saveur du mythe à la réalité de l'erreur; le projet tardera à venir et le parti vacillera d'une rive à l'autre. L'indépendance dans un parti ne reste qu'une chimère. L'indépendance, justement, n'est pas le propre d'un parti. C'est la nature de l'homme de parti et non de l'homme du parti. Sa présence structurelle semble donner, entre deux échéances électorales, l'impression d'une simple existence d'un néant dynamique, soit l'illusion de la coquille vide. Ces partis qui politiquement sont censés gérer et prendre place de libérateurs et rédempteurs, artisans du sentiment nationaliste, de la promotion démocratique, de la justice sociale, du rassemblement national... ne seraient-ils plus habités par ces élans rassembleurs et unitaires de changement et de progrès? Auraient-ils tous subi le syndrome de l'usure et du vieillissement méthodique et fonctionnel? Cet anachronisme qui ne devait point sévir au sein des forces vives et centrifuges serait pourtant devenu une nature essentielle pour le fonctionnement de tous les appareils, tant au plan central que local. Si la libération du pays avait exigé, dans le temps, l'utilité nécessaire d'un front unique apte à pouvoir mener vers les rives de l'indépendance l'immense volonté populaire, il en serait un peu autrement après la période post-indépendance. Le parti, se transformant en un appareil usuel de propagande, commençait à se faire sortir de l'option politique qui devrait tendre à réunir davantage les potentialités managériales et gestionnaires. Il faisait plus dans l'inquisition que dans la persuasion politique. L'Etat se confondait dans la rigueur qu'exerçait, par fonction non élective, le commissaire du parti. L'administration ne trouvait issue que dans l'application de résolutions. L'unicité du parti n'avait rien apporté comme élément fondateur d'une nation si ce ne fut cette discipline, quoique honnie mais indispensable pour éviter toute dérive. Le moindre vent de vouloir dire ou faire des choses en dehors d'un «cadre organisé» s'assimilait, de facto, à un acte contre-révolutionnaire. La démocratie n'avait qu'une signification occidentale et bourgeoise au moment où l'appropriation de l'outil de travail, la justice sociale et l'égalitarisme rimaient avec la négation des classes. L'embourgeoisement, condamné à plus d'un titre, sera, une fois la démocratie mise sur scène, un mode apte à appâter les foules et gagner, croit-on, l'estime de la populace. Les slogans d'à bas l'impérialisme et la réaction se tairont et les vociférateurs feront la chaîne devant les ambassades des pays qualifiés ainsi. Le parlement en 1976 ne constituait qu'un regroupement de gens réunis pour la galerie tout en faisant office d'une preuve tenant lieu d'un amphithéâtre de libre expression dans le cadre d'une démocratie «responsable et organisée». Ça continue pour autant qu'il y ait une diversité et une multitude dite politique. En fait de classes, elles n'avaient, certes, aucun statut juridique sauf que la réalité matérielle de certains pontes en disposait autrement. L'opulence ne signifiait pas un rang mercantile donné, beaucoup plus qu'elle voulut signifier un état d'esprit. La division sociale n'était pas douée d'être perçue telle une expression justifiant l'option politique prise dans la théorie de la lutte des classes. La bourgeoisie d'alors se limitait à un affichage idéologique tacite et dissimulé, parfois contraire, dit-on aux principes de la révolution populaire. L'édification nationale formée de tâches de grandes envergures tels que le barrage vert, la transsaharienne, le volontariat dans la campagne, devait se partager par tout un chacun sans quoi les idéaux majeurs d'une révolution jeune et ferme n'auraient point eu les mérites dignes de la grandeur d'une nation à peine sortie des affres séculaires de la dépendance colonialiste. Ce fut un temps où l'engagement politique ne variait nullement de l'ardeur à pouvoir continuer la révolution autrement et sur d'autres fronts. L'école, la rue, l'usine et tout espace de la vie active ne pouvait être extrait à un militantisme qui ne cesse de déborder jusqu'aux fins de tous les rouages institutionnels. Le parti qui jusqu'ici remporta la victoire sur un plan et la perdit sur tous les autres, se trouvait coincé entre les serres d'un système qui voulut en faire un simple mécanisme de règlement de compte historique. Tantôt il prêchait la bonne parole au profit d'un pouvoir, tantôt il faisait dans l'éloge et la déification de personnes. Il était ainsi devenu, au regard des foules, le réceptacle de l'échec de toute politique. Il en prescrivit insidieusement d'en faire le parti unique. Il jouait le rôle sans avoir, en finalité, le mot ou l'ultime mot. Dans cette lancée le FLN ne pouvait survivre aux mites qui le rongeaient. Les figures de proue commençaient à lui causer une sérieuse hémorragie pour voir d'autres noms s'élever et s'ériger à l'avenir en des symboles incontournables dans l'échiquier politique algérien. Octobre 1988 ne fut, en d'autres termes, qu'un salut politique pour la résurrection du FLN. Jusqu'aux soupirs languissants de l'agonie organique, il lui avait permis, en fin de cheminement, un certain «ressourcement». Bien ou mal opérée, cette nouvelle démarche dynamique n'aurait pas réussi totalement du seul fait de l'insistance farouche et sournoise de l'ancienne garde. Manoeuvrant à distance, les caciques ne lâchent pas les rênes qui les ont traînés aux zéphyrs de la gloire du jeune Etat. Les coulisses ne sont plus utiles, pour eux plus que ne le sont les eaux troubles de ce qu'ils qualifieront de démocratie. Cette dernière est là, d'abord au service de leurs intérêts. Puis, elle aura à servir, dans un proche avenir, ceux de leurs relais que sont les futurs certains personnages politiques façonnés dans le côté cour de l'immeuble, côté infecte de la corporation. D'autres partis naîtront dans le sillage douloureux d'octobre. Ils ne seront, en réalité, bien visibles et agités que lors d'approches électorales. C'est ainsi que l'on s'aperçoit, au fur et à mesure de l'effilement de toutes les élections, que les batailles dans ces partis n'ont jamais pris l'allure de courants idéologiques contradictoires. Les conflits opposaient les personnes, les clans et les familles et non les idées ou la nature de projets sociaux. Il reste édifiant encore de pouvoir constater avec lassitude que même avec la survenance, d'ailleurs salutaire d'autres associations politiques, certains partis privilégiés tiennent à contrario du discours à imposer une caste au nom d'une légitimité, non plus historique mais militantiste. L'opportunisme est confectionné grâce à l'octroi d'une carte ou le renouvellement d'une autre. La lutte n'apparaît qu'autour de l'échéance de vote qui fera, croit-on toujours savoir, des hommes publics pour ceux qui ne sont que de quelconques noms usuels. Les éventuels candidats dont les portraits lacérés et en déchets pavoisent toujours les arcades des villes, n'ont de cure que la magouille des secrets, le béni-amiss politique et la hargne inégale d'occuper le confort d'un bureau qu'ils n'auraient pas pu avoir par diplôme ou qualification professionnelle. Le sens éveilleur de ceux qui ne vivent que par la légende, les rapports et la carte du parti, ne seront certainement pas capables d'entraîner, dans un élan enthousiaste, l'électorat comme fut le cas lors des dernières législatives. Comment une population locale qui ne connaît de certains noms que l'habitude de les voir ressurgir aux moments opportuns, puisse croire le discours redondant tendant à faire du renouveau et du rajeunissement, un credo sacro-saint du parti nouvelle version alors que le plateau candidatural qui lui serait présenté n'offre que du réchauffé (sabah)? Qu'ont-ils fait ces éternels candidats, ratés à tout métier, retraités précoces en perpétuelle attente de meilleures opportunités électorales? Ils pensent avoir sous la main les instances élues alors qu'ils n'arrivent point à faire l'unanimité dans leur quartier! Parfois dans la famille! Avec un personnel et un esprit des années du parti unique, l'ensemble des partis n'iront pas vers le fond philosophique de la démarche qu'ils semblent, à priori, préconiser. Ils demeureront otages des caciques et de groupes corporatistes fort jaloux envers toute «pénétration» étrangère. Faisant dans une nébuleuse volonté, leur propension de changement, ils n'arborent qu'une démocratie de bavardage dénuée de toute logique propre à un parti où le centralisme démocratique est une règle d'or. La défection collective de militants, les abdications successives de chefs des structures locales, désavoués par les commissions centrales dans l'établissement de listes n'ont cessé de mettre à jour le malaise que connaissent tous les partis. Les opportunistes, les attentistes et les profiteurs, sans idéologie ni conscience et dont l'unique but n'est autre que de continuer à se positionner dans un confort matériel singulier ainsi que les acteurs des scandales fonciers et financiers, ont fait déjà leur apparition. Par principe, par coutume «boulitique», il échoit au simple citoyen de juger juste à la lumière (?) du mandat électif écoulé, les prouesses passives et actives des auteurs élus qui ont causé l'érosion au crédit-confiance accordé aléatoirement à tous les partis, lors des dernières élections législatives ou municipales. Ainsi à travers le menu offert aux électeurs, la diversité des profils ne doit pas présenter une indigence accrue en matière de valeur politique. Le plateau électoral à dévoiler, lors des prochaines joutes, aurait et c'est déjà dans l'air de la pré-campagne, un goût insipide, fade et amer tant les éléments le composant seraient extraits des archives mouillées soit intronisées nouvellement à la faveur toujours d'accointances clanales ou parentales. Supplantés par leurs arrière-gardes, du moins pour la majorité, les partis n'entendent pas se rénover. Ils ont la peau dure. Ils ne devaient ce respect, quelquefois intact, que par le mythe qu'ils tentent d'entretenir au moyen de recours itératif et sans cesse rabâché à la légitimité historique ou l'exigence démocratique. Mais en réalité que leur reste-t-il de tout cela? Ils ne sont, en fait, que des paravents utiles et indispensables pour mener à bien le scénario dû à une comédie, voire une tragédie électorale. La tentative, du moins déclarée, d'opérer la décantation menant vers un assainissement progressif des formations politiques, viendra, peut-être, par la révision du code communal. Pourquoi pas aussi de celle du code électoral? Ainsi comme l'affirmait M. Daho Ould Kablia «en fait, ce sont les partis qui désignent les maires», faisant allusion au classement fait par tête de liste. Tout devra changer prédisait-il (voir le quotidien «El Khabar» du 03 septembre 2007). Les partis auraient à gagner en crédibilité non sans faire ablation de tous les microbes qui les gangrenent et faire table rase des méthodes qui les abîment, des clans qui les minent et de la fourberie immorale qui gravite comme un essaim autour de leur noyau dur. Si le rajeunissement pris en option dans la démarche du renouvellement des instances, chez certains partis, la notion n'exprime pas qu'il fallait confier des tâches de commandement (el kiada) honorifiques à des gamins ou à des personnes quelconques et indifférentes. Aussi le renouvellement ne peut rimer, chez les autres, avec la réincarnation des momies ou la réparation pâteuse des épaves retirées, sans scrupules, du cimetière politique. Le cas d'un élu national de l'antique Sitifis est édifiant à ce titre. L'angoisse électorale va encore se situer, pour de nombreux adeptes partisans, entre le zèle de certaines candidatures et l'insouciance de tout l'électorat.


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