Algérie

Les parieurs



Les parieurs
Il suffit d'un rien pour mettre le feu aux poudres. Un petit «rien de rien», comme disait Edith Piaf, prélude la catastrophe. Les Algériens, comme conditionnés, s'échauffent au quart de tour. Rien que pour un derby footballistique, la ville de Béjaïa a vécu une fin de week-end cauchemardesque. Au coup de sifflet final, les galeries des deux clubs de la ville se sont violemment accrochées. La bataille, qui a dévasté les tribunes, s'est poursuivie à l'extérieur du stade à coups de pierres et de gourdins. Intercédant pour les départager, les services de l'ordre public n'ont pas échappé, non plus, à la furia des deux camps. Les hostilités se sont poursuivies jusqu'à tard dans la nuit. On déplore des dégâts matériels et des blessés. Pour les mêmes raisons, les jeunes supporters de Hadjout ont aussi envahi le terrain ce week-end, en agressant sauvagement l'équipe hôte de Sidi Bel Abbès. Bilan : trois footballeurs grièvement blessés et une délégation profondément traumatisée. Il y a justement une semaine, les Constantinois du CSC ont été pareillement assaillis par leurs hôtes de Aïn Fekroun. Là encore, trois joueurs ont été aussi blessés. Les exemples comme ceux-là sont légion, notamment dans les divisions inférieures où le manque de médiatisation inspire davantage les fauteurs de troubles. Les arènes du sport-roi se transforment ouvertement en champs de guérilla où s'entrechoquent des armes blanches de toutes sortes. L'allègement des dispositifs sécuritaires, appelés à couvrir la campagne électorale et d'autres points chauds comme les événements de Ghardaïa, accentue le problème en cette fin de saison où chaque formation veut gagner, coûte que coûte, pour échapper à la relégation ou assurer une place honorable sur le podium. Le sport, bien avant la performance, est fondamentalement question de fair-play, d'éthique, de solidarité et d'humanisme. Il est essentiellement un facteur d'amitié et de rapprochement. Les déclarations irresponsables de certains dirigeants, les propos orduriers de certains techniciens et les insanités proférées par des athlètes sur les colonnes de la presse dite spécialisée agissent comme un catalyseur sur cette furie qui sommeille dans chaque supporter. Qu'un jeune fan s'emporte, cela peut se pardonner. Mais, le dirigeant, l'entraîneur et le joueur n'ont pas le droit à l'erreur. Leurs propos et leurs actes doivent être mesurés et empreints de sportivité. Ils n'ont pas le droit d'inciter implicitement leurs inconditionnels à la bagarre et à la confrontation physique. C'est manifestement un crime anti-sportif. À partir de là, on peut extrapoler sur le phénomène de la violence tout court où des quartiers et des villages entiers s'entredéchirent, comme aux temps sombres du Moyen-Âge, à coups de haches et de sabres. Ici, la responsabilité incombe pareillement aux gens sensés de part et d'autre qui, par leur silence ou leur complaisance, se rendent complices de crimes abominables. Nul n'a le droit de se taire quand il s'agit de sauver des vies humaines ou d'éviter une effusion de sang. Cela s'appelle de la non-assistance à personne en danger. Quand certains hommes politiques menacent publiquement de rééditer «le scénario ukrainien» si l'on vient à contrarier leurs ambitions, il apparaît évident que toutes les petites crises que nous vivons se résument à un grand problème d'éthique. Le fond du problème n'est pas dans les petites gens qui s'étripent dans la rue. Elles en sont les victimes. Les vrais coupables ce sont leurs inspirateurs en col blanc qui attendent la fin de la rixe pour empocher les paris. Alors, à tous ces parieurs, nous demandons un peu de mesure et de décence.K. A.




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