Algérie

Les Orientalistes chez Racim Ombres et lumières d’un mouvement controversé



Les Orientalistes chez Racim  Ombres et lumières d’un mouvement controversé
Publié le 25.11.2023 dans le Quotidien Le Soir d’Algérie

Par SARAH HAIDAR

L’exposition «Trésors de la peinture orientaliste» se tient à la galerie Mohamed-Racim jusqu’au 30 novembre. Près d’une centaine de toiles des plus grands maîtres du genre révèlent l’Algérie comme inspiration principale de ce mouvement complexe et controversé.
Le terme est devenu péjoratif : l’orientalisme renvoie aujourd’hui à une vision exotique et réductrice qui aborde son sujet comme une nature morte et le représente sous un angle essentialiste et déshumanisant.
La sentence n’est pas forcément injuste quand on connaît le contexte colonial qui a vu naître et a nourri ce courant artistique du XVIIIe siècle. Le mouvement a vu le jour dans le tumulte des campagnes napoléoniennes en Syrie et en Égypte, mais c’est en Algérie qu’il s’est réellement développé dès le début de l’occupation française. Comme les ethnologues, certains artistes embarquaient alors dans les expéditions coloniales destinées à «pacifier» le reste de l’Algérie après la prise de la capitale. Pendant que les chefs militaires perpétraient des massacres, certains peintres s’extasiaient devant la splendeur des paysages et la «primitivité» des indigènes.
L’orientalisme a continué à séduire public et critiques durant deux siècles avant de tomber, progressivement, en disgrâce en raison de sa corrélation intrinsèque avec le colonialisme. Éthiquement condamnable, il est également critiqué d’un point de vue artistique au vu de sa réification des populations représentées et son esthétique exotisante.
L’un des plus connus en Algérie est sans doute Etienne Dinet, devenu Nasreddine après sa conversion à l’islam. C’est un cas particulier puisque l’artiste a décidé de s’installer en Algérie et vivre avec ses autochtones, ce qui a longtemps conféré de la légitimité à son œuvre qui n’est pas exempte cependant des mêmes clichés qui entachent son école artistique.
Dans l’exposition organisée par la galerie Racim, on retrouve également Albert Marquet qui a séjourné en Algérie (1875-1947), plutôt tournés vers les paysages et les scènes de vie quotidienne, dont un grand nombre de tableaux est exposés au Musée des Beaux-arts d’Alger. Plus loin, une toile de Maurice Bompard (1857-1935) reproduit un campement nomade à Biskra alors que Gustave Lemaitre (1862-1920) saisit la lumière de la baie d’Alger. Quant à Eugène Deshayes (1828-1991), connu surtout pour ses paysages, il a également cédé à la tentation exotique parfaitement illustré par sa toile «Danseuses au clair de lune». On peut également découvrir les tableaux d’artistes algériens issus de ce courant, à l’instar de Ahmed Benslimane (1919-1951), natif de Boussaâda, élève d’Edouard Verschaffelt et ami d’Etienne Dinet ; Hocine Ziani et ses grands formats célébrant l’histoire et la culture algériennes ; Moussa Bourdine et ses toiles à l’huile essentiellement dédiées aux femmes, etc.
Issues pour la plupart d’une collection privée, ces toiles renseignent sur la diversité de ce mouvement artistique certes portés par un contexte condamné par l’Histoire mais dont certaines individualités ont pu transcender les codes imposés et livrer des œuvres techniquement et esthétiquement intemporelles. Bon nombre d’entre elles sont d’ailleurs exposées dans les musées algériens comme des pièces d’art et d’histoire mais aussi comme un butin de guerre !
S. H.



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