Algérie

Les Oranais et les banques islamiques: Les intérêts, Tantaoui et les voitures


Depuis une trentaine d'années, le nombre d'institutions financières islamiques dans le monde a atteint plus de 300, réparties sur plus de 75 pays. Le total de leurs actifs dépasse les 300 milliards de dollars et augmente en moyenne de 15% par an.

Dernière en date à vouloir s'implanter en Algérie, la banque islamique Noor. Après avoir ouvert son premier bureau de représentation en Tunisie, elle va proposer des services bancaires conformes aux principes de l'islam en Afrique du Nord. Le groupe, dont le siège se trouve aux Emirats Arabes Unis, vise une expansion régionale à travers l'élargissement des activités de la banque en Algérie, en Egypte, au Maroc et en Mauritanie. Cet intérêt pour le marché nord-africain en général, et algérien en particulier, témoigne de l'engouement rencontré par ces établissements bancaires « très spéciaux » parmi la population locale. Rencontré à la sortie d'une agence d'Al Baraka, sise à Haï Sid El-Bachir (Plateau St Michel anciennement), Madjid, cadre dans une entreprise nationale, ne cache pas sa satisfaction d'être un client d'une banque islamique.

« Au moins, j'ai la conscience plus tranquille quand je passe par ce genre de banque parce que ça m'évite de tomber dans le péché ». Le mot est lâché et c'est justement cette peur de l'interdit qui fait le fonds de commerce de ces enseignes. Un marché prometteur en jachère qui est appelé, de l'aveu même du premier Argentier du pays, à se développer à l'avenir. Ainsi, opérateurs économiques et particuliers peuvent avoir accès à un éventail de prestations de service offert par ces banques. Cela va de la «mourabaha », la « moucharaka » et les coopératives d'épargne au crédit sans intérêt, en passant par le leasing et les titres islamiques (chèques).

Si ce genre d'établissements financiers peut devenir monnaie courante dans le paysage bancaire algérien, il n'en demeure pas moins une exception en Europe. Abdelkrim, un enfant de St Pierre, installé depuis une dizaine d'années à Birmingham, a été confronté au dilemme des intérêts bancaires. Pratiquant convaincu, il s'interdisait de fréquenter les banques anglaises mais se retrouvait forcé d'y recourir. « Depuis l'ouverture en septembre 2006 de la Banque Islamique de Grande-Bretagne, la première banque islamique au Royaume-Uni, les choses ont changé. Et au-delà de l'aspect religieux, les guichets sont devenus un milieu de rendez-vous pour la communauté musulmane », dira Abdelkrim.

Pour nombre d'Algériens qui ont opté pour ces agences de banques, le déclic aura été les nombreuses fatwas dénonçant les intérêts bancaires en les déclarant « illicites ». Sarah, enseignante dans un lycée d'Oran, ne se prononce pas sur la question. Rencontrée du côté des Halles centrales chez un concessionnaire de véhicule, qui propose deux options pour le financement du crédit automobile, elle semble perplexe et peu certaine du choix à faire. Les crédits auto représentant l'un des segments les plus importants de l'activité des banques, les professionnels de la vente de voitures ont été « contraints » de proposer à leurs clients le choix des banques. Banque islamique ou classique, leurs clients peuvent choisir l'établissement financier qui les intéresse. « Question argent, cela revient au même, que j'opte pour Baraka ou Cetelem, c'est du pareil au même. Je dois rembourser la même somme, à mille dinars près, chaque mois », résumera-t-elle sans embarras. « Je ne sais pas ce qu'une banque islamique peut offrir de plus!»

Comme Sarah, ils sont nombreux à ne pas saisir les nuances entre les deux pratiques. « C'est hram ou pas, qu'ils nous le disent une bonne fois pour toutes !», s'emporte Toufik, patron d'un café. La barbe soignée, Toufik se dit commerçant avant tout mais veut se garder de tomber dans l'illicite. « Dans le doute, il vaut mieux s'abstenir et c'est pour ça que j'évite d'avoir à faire avec les autres banques ». Pour Kader, universitaire, le problème ne se pose même pas. « Tantaoui, celui d'Al-Azhar (son doigt indique une direction quelconque dans l'espace), a bien affirmé que les intérêts bancaires sont licites. Alors pourquoi chercher des problèmes là où il n'y en a pas ?». Pour l'histoire, en avril 1995, le mufti d'Egypte, Cheikh Mohamed Sayyed Tantaoui, affirme que les intérêts bancaires sont « licites ».

Cheikh Saleh, dont le groupe a notamment investi dans des banques islamiques, comme la Banque Takwa installée aux Bahamas, accuse Cheikh Tantaoui de tenir des propos « tordus ». La polémique rebondit lorsque le même Tantaoui, devenu entre temps cheikh d'Al-Azhar, s'est insurgé de nouveau contre les banques dites « islamiques » et demande la suppression de cette appellation, qui laisse supposer que les autres ne le sont pas.

Cette vision est épousée par Habib, 35 ans, qui dit refuser les banques islamiques parce que ce qu'elles revendiquent n'est autre que des intérêts sous une autre forme. Pour Zoubir, la cinquantaine bien tassée, la comparaison tient au niveau des prestations de service qu'offrent les différentes institutions bancaires. «L'orientation idéologique ne m'intéresse pas», conclut-il.


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