Algérie

LES OMBRES ET L'ECHAPPEE BELLE DE SALIMA MIMOUNE Le Maître et Maria



Retrouver son amour de jeunesse, cela n'arrive pas que dans les rêves. Maria, l'éternelle révoltée, et Chakib, l'idéaliste, qui se sont retrouvés dans une auberge de Tikjda une trentaine d'années après leur séparation, sont les deux personnages qui nous le rappellent dans ce roman qui se lit comme dans une histoire vraie.
I ls s'aiment malgré les années passées loin l'un de l'autre, même si autour d'eux beaucoup de choses ont changé, même si leurs rêves ont été piétinés. Le roman les Ombres et l'Echappée belle de Salima Mimoune, paru aux éditions l'Harmattan en France, est une autofiction. L'auteure, économiste de formation, née à Taher (Jijel), a fait ses études à l'université de Constantine. C'est dans cette «ville des vertiges» que se sont connus ses deux héros Maria et Chakib. Tikjda, sur les montagnes enneigées, est comme un refuge pour Chakib. Ce jour-là, il est à l'auberge. «Je buvais et trinquais à la beauté et à l'insouciance des lieux et je me retrouvais au fil des heures propulsé presque une trentaine d'années en arrière. Je me remémorai la virée effectuée dans cette même auberge, un soir de réveillon, en compagnie d'étudiants et d'étudiantes. Je les revis tous, proclamant dans la joie leurs idées et leurs rêves, bravant haut et fort les cynismes : «A l'amour !», «A la liberté !», «A ce beau pays !», «A une Algérie algérienne, avant et après tout !». Il était là depuis un moment déjà lorsque Maria apparaît. «Des ondes me parcoururent l'esprit et le cœur avant même de terminer mon mot. La lueur de la flamme éclaira son visage. J'entendis à peine le fracas de mon verre sur le sol et le tonnerre au-dehors. «Mon Dieu !... Est- ce possible '» Chakib raconte à Maria sa vie à Alger après avoir quitté Constantine. Maria raconte ses trois années passées en France, puis son retour dans «la ville des vertiges». En trente années, Constantine a beaucoup changé. Alger et l'Algérie tout entière aussi ont suivi la même courbe descendante. «Dans la ville des vertiges, la violence si elle n'est pas juridique, elle est verbale ; et si elle n'est pas physique, elle est dans les regard...», dit Maria à son ami. Elle raconte sa dispute avec le chef de service Daniel Saltête, qui provoqua son retour en Algérie. «Tout comme la Corse, l'Algérie devait être française. L'Algérie était à nous (…). Qui a découvert les hydrocarbures ' Personne ne peut le nier, ce sont les Européens, les Français… Nous étions de droit chez nous ! Mon père avait presque la moitié des vignobles de Tlemcen et de Mascara ; d'ailleurs, j' y ai beaucoup travaillé», martèle Saltête. «Bien sûr la France rêvée s'étendait de ‘‘Dunkerque à Tamanrasset ; l'Algérie en était «une partie intégrante»… Vous avez juste oublié de compter avec ses vivants et oublié ses morts», réplique Maria. Les années 1970, ah ! la belle époque des rêves de l'adolescence et de la jeunesse. Les copains ont pour noms ou surnoms «Le Che» (Guevara), Nadia l'Autrichienne, Feriel le sosie de Romy Schneider, Omeya, Nazim, Haïder, Amine ou Yasser. Cette joyeuse bande faisait un tour à la Cinémathèque algérienne au moins une fois par semaine. «Au sein de l'enceinte universitaire se tenaient des galas avec des groupes venus de tous les horizons. Je me remémorais Timgad, un site historique témoin de l'occupation romaine durant des millénaires (…). Nous improvisions entre copains et copines nos propres mises en scène où nous osions interpréter Ferrat, Moustaki, Reggiani et bien d'autres artistes.» Tout d'un coup, un funeste présage, des nuages apparaissent à l'horizon. «Je revis notre dernière année ensemble… Mille neuf cent quatre-vingt-trois. L'organisation islamiste des Frères musulmans, fondée en Egypte, essaimait depuis des années déjà ses idées en Algérie.» Les Ombres et l'Echappée belle, un roman que Rachid Boudjedra trouve très bien écrit, est à lire, absolument ! D'ailleurs, il serait judicieux de le réediter en Algérie. Ceux qui ont connu les «dix glorieuses» des années 1970, se retrouveront certainement dans cette histoire et dans certains de ses personnages. Ceux, malheureux, qui ne les ont pas connues auront une idée de cette période et de la régression loin d'être féconde qu'ont connue le pays, la société et les mentalités chez nous.
Kader B.
Roman Les Ombres et l'Echapée belle de Salima Mimoune (Ed. l'Harmattan, France) 248 pages


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