Pour un certain
nombre de générations d'Algériens et Algériennes, le 1er Novembre 1954 représente
le début de la fin d'une époque. Cette dernière définie de nuit coloniale était
condamnée à laisser place à la période du jour symbolisant l'apparition de la
clarté.
C'est à ce titre
que Novembre s'inscrit dans le subconscient de la nation algérienne désormais
renaissante pour d'autres destinées promues par l'Histoire. Comme, en quelque
sorte, une pénible traversée effectuée dans un long et sombre tunnel,
représentant des épreuves et noirceurs, lequel nécessairement se terminerait
par l'aboutissement défini en la délivrance et de la lumière. Cette année, nous
le fêtons sous le signe d'un chiffre couple : 55 ans déjà !
Avant le déclenchement du 1erNovembre 1954,
celui désigné en cycle prérévolutionnaire depuis, notamment, les années trente
du précèdent siècle et dont il se basait sur « l'octroi » de droits sollicités
par des personnalités et autres organisations humanitaires d'ici et d'ailleurs,
notamment après la deuxième guerre mondiale, auprès d'un système inique et,
donc, de non droit ; ainsi que par des propositions de réformes, dont les
élections douaristes , de la part d'élites politiques nationales disparates
voire antagonistes car manipulées par les forces coloniales conservatrices et
de ce fait, récupérables à chacune selon ses penchants, accointances, bas
intérêts personnels, et qu'elles se dirigeaient toutes en fin de compte
directement droit au mur. Une terrible impasse !
A cet effet, un des novembristes avait eu
l'amère constatation, dans ce sens, en surveillant selon les directives du MTLD
- Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques - les « élections »
effectuées à l'ombre des manigances des Beni ouiouiste : un ramassis de
guennours - enturbannés - et de burnous coloriés en bleu, blanc, rouge. Et des
ultras colonialistes. En un mot, une cohorte clownesque. Ce fils de la
Toussaint, dépité par ce fatras d'imbécillités et de décors exaspérants,
n'hésita pas à quitter son lieu d'affectation de supervision de ladite élection
de 1948, pour élire des soi-disant représentants du peuple algérien, et
complètement déçu il rentra la mort dans l'âme vers sa ville natale située à
plus de 30 Km. A pieds ! Quelles étaient ses pensées durant tout au long de ce
trajet ? Dieu seul le sait ! Il s'agit du coordinateur de l'organisation
révolutionnaire et membre dirigeant du comité dit des 22, le défunt Président
Mohamed Boudiaf mort assassiné la veille de la commémoration de la fête de…
l'indépendance en 1992.
Son autre compagnon le défunt Mostefa Ben
Boulaid, membre influent du comité des 22, premier responsable FLN/ALN de la
Wilaya 1, assassiné lui aussi dans une ténébreuse opération militaire coloniale
combinée tout au début de la lutte armée. Lui aussi était complètement dépité
par les agissements du système colonial. Outre sa privation abusive d'un droit
commercial acquis à la suite d'efforts personnels, d'une part et, surtout,
qu'il a été profondément touché par les agissements humiliants des tabors
marocains, entre autres soldatesques, à la solde de l'armée coloniale dans les
Aurès, d'autre part. Ainsi, il était convaincu que seule la voie des armes,
qu'il avait fit venir de partout par ses propres moyens, est l'unique issue
salutaire pour le peuple. Il l'avait affirmé à M. Vincent Monteil, l'envoyé du
Gouvernement général d'Algérie de l'époque, venu le visiter en prison et
enquêter en même temps sur les motifs et l'organisation du soulèvement. Le
défunt lui répondit : « vos injustices ».
A la veille du congrès de la Soummam il fut
éliminé par une bombe dissimulée dans un transistor, après son évasion
rocambolesque de la prison de Constantine, par un dénommé Kratoff des services
spéciaux de l'armée française, d'autant plus qu'il était tout désigne pour être
à la tête de la révolution au plan interne.
Le troisième fils de la Toussaint, lui aussi
assassiné après l'indépendance dans les années 1970, le défunt Krim Belkaçem,
d'extraction caidale, était considéré comme le lion de la majestueuse montagne
du Djurdjura. Chef historique de la wilaya 3, il n'avait cessé depuis les
années 1940 de braver la police coloniale. Son grand mérite fut l'organisation
efficace de la lutte armée dans ladite wilaya et même sa périphérie. Comme plus
tard l'avait fait, et sur un tout ordre de discipline révolutionnaire, son
successeur le défunt colonel Amirouche mort au combat libérateur. Il était l'un
des organisateurs du congrès de la Soummam tenu le 20 août 1956 dans sa wilaya,
et ce, un mois avant le rapt de l'avion dit des Cinq. Un nouveau tournant pour
le peuple algérien en proie aux pires manigances dont les prémisses de toutes
les nouvelles formes de « bleuîtes » coloniales non moins redoutables pour le
FLN /ALN. Il était le Chef de la délégation qui avait eue l'honneur de signer
les accords d'Evian avec la France désormais désenchantée mais bizarrement non
convaincue à ce jour notamment pour certains de ses complexés vis-à-vis du
verdict de l'Histoire, consacrant pourtant tous les droits aux français
d'Algérie mais, pour diverses raisons et ombrageux calculs d'intérêts dépassés,
ils n'en tenaient pas compte et quittaient massivement, chantages de l'OAS et
les vendettas dans tous les sens y aidant, la terre qui les à vu naîtrent,
grandirent et jouirent du beau climat du sud de la méditerranée et des
richesses notamment agricoles , et ce, quelques semaines après le 5 juillet
1962.
Le quatrième considéré, à juste titre reconnu
d'ailleurs par les ténors de l'armée française, comme le théoricien de la
révolution algérienne et un courageux martyr, est Larbi Ben Mhidi membre du
comité des 22. Après sa capture à Alger, il fut atrocement torturé puis
lâchement étranglé par le tortionnaire Aussares avouant, récemment, son crime
commandé pour des considérations qui restent, cependant, à élucider quant à son
élimination expéditive. Chef de la Wilaya 5 regroupant pratiquement tout
l'ouest Algérien, il participa au congrès de la Soummam tout en apportant, lors
de la rédaction de la plate-forme avec le défunt Abane Ramdane mort assassiné
par ses pairs, une terminologie révolutionnaire particulière réorganisant sur
de nouvelles bases le processus de la lutte armée. Un grand tournant aussi bien
du coté positif que négatif en termes organisationnels. Ainsi vont les
révolutions avec leurs hauts et bas moments ! A une question, de la part d'un
journaliste européen, sur les méthodes utilisées par la guérilla
révolutionnaire, dans tous ses sens, posant des bombes au milieu des civils, il
répondit : « Donnez nous vos bombardiers larguant des engins destructeurs sur
nos douars tuant sans discrimination et, alors, nous vous donnons nos couffins
cachant des bombes ». Et à une question sur son arrestation dans ledit
appartement en plein centre d'Alger, il répondit : « J'aurais dû ne jamais y
mettre les pieds ». Une phrase lourde de sens !
Le cinquième, premier responsable FLN/ALN de
la wilaya 2, est le défunt Mourad Didouche mort au combat dés les premiers mois
du déclenchement de l'insurrection. Natif d'Alger comme l'autre figure de proue
et non moins théoricien de la politique libératrice à savoir le défunt Mohamed
Belouizdad décédé à la suite d'une longue maladie. Le défunt Didouche Mourad
était cultivé et plein de modestie. Son action fut déterminante lors de la
préparation de la réunion des 22. Méconnaissant, cependant, l'ambiance de son
lieu d'affectation - le nord constantinois - qui était un véritable chaudron en
termes de caractéristiques liées à la population, pauvreté rurale, et bien
d'autres particularités naturelles et socioculturelles ardues que le défunt
martyr en saisissait peu la portée. Il tomba dans une embuscade fatale ourdie
par les forces de gendarmerie coloniale liée au bachaghisme actif dans la
région. Le 20 Août 1955 est une réplique, en quelque sorte, d'une région
traumatisée par tant d'injustices, de brimades et de lâchetés de la part des accointances
colonialistes. Son successeur Zighout Youssef subira le même sort.
Le sixième fils de la toussaint, et membre du
comité des 22, le défunt Rabah Bitat a été affecté en tant que responsable de
la wilaya 4 englobant presque tout le centre du pays. Originaire du
constantinois il dut accepter son affectation comme l'avait fait son compagnon
ci-dessus désigné. Il rencontra d'autres difficultés en raison de la présence
importante de colons, dans l'une des plaines la plus florissante du pays voire
la première au monde - la Mitidja -, et de leurs forces armées. Malgré ça, les
actes de sabotages furent retentissants, et ce, grâce au renforcement par la
wilaya 3 qui lui est limitrophe sur tant de points d'une part et, d'autre part,
de l'impact et ses multiples conséquences générées par une zone de prédilection
aux yeux de la colonisation la considérant comme l'Å“uvre - modèle - exemplaire
et représentative de leur présence. Ce qui est vrai si on considère, toutefois,
que ce sont des mains noires d'autochtones qui l'ont façonné tout en sachant
que ce sont les « pieds noirs » qui l'ont fouler aux…pieds en terme
d'exploitation minière ! Enfin, il fut un homme sincère, modeste et surtout
profondément peiné par les agissements absurdes voire contre patriotiques lors
de la décennie 1990 avec son lot de malheurs. Il l'avait dit, en toute
franchise, à qui de droit.
Et enfin les trois autres de la délégation de
l'extérieur à savoir : Le président Ahmed Benbela vivant, Hocine Ait Ahmed
vivant, et Mohamed Khider mort assassiné après l'indépendance. Ces quelques
types ci-dessus succinctement profilés sont représentatifs de tant d'autres
aussi bien vivants que disparus. Chaque militant de la cause nationale traîne
son ombre comme un boulet défini en souffrance, abnégation, en sacrifice mais,
également, de fausseté, lâcheté, de faiblesse et de retournement. Le tout jugé,
d'une façon ou d'une autre, par l'Histoire y compris dans l'au-delà. C'est
ainsi ! Rares sont ceux qui ont échappé aux défigurations et autres tentations maléfiques
en somme « normales » dans ce type de révolution ou seul le peuple a le dernier
mot. A l'image des 10 millions d'Algériens et Algériennes qui ont dit
majestueusement, en 1960, 1961, 1962, par le biais des grandes manifestations
populaires qui ont marqué les esprits d'ici et d'ailleurs, en les termes
suivants : Non aux incohérences et tergiversations de part et d'autre, Oui pour
la Liberté et l'Indépendance de la seule nation aujourd'hui, malheureusement,
et malgré elle, en face à d'autres « colonisabilités » en termes de difficultés
générant des carences non moins sournoises et de plus en plus exaspérantes
voire humiliantes. Un exemple, parmi d'autres, allant dans ce sens, est
représenté par un fait défini en réaction de la part du ministre français des
affaires étrangères, à l'encontre des déclarations d'un dirigeant algérien se
rapportant au passé colonial de la France, et ce, à la veille de la dernière «
visite d'Etat » du président Sarkozy dans le pays. Il avait publiquement
humilié le ministre des anciens moudjahiddines, et par ricochet tout le pays,
en les termes suivants : « Qui est cet individu qui se permet d'exiger des
comptes à la France ? » De l'arrogance pure ! Toujours à ce sujet, un ministre
algérien soi-disant de souveraineté avait répondu publiquement, via la
télévision nationale, à une question sur le niveau de gravité de ce fait,
ci-dessus rapporté, lié à la souveraineté justement : « je ne sait pas, et si
cela est arrivé comme vous le dite ledit ministre français n'aurait pas dut en
parler sinon s'en excuser » ( ?). Pourtant toute la presse nationale en parlait
en grandes manchettes ! Alors demander cette semaine « réparation » sur les
crimes commis par la France coloniale durant plus de 132 années, c'est vraiment
de la pure hypocrisie sinon du vain chantage « politico diplomatique » lié aux
bas intérêts et autres calculs conjoncturels de surcroît. Il aurait mieux valu
demander immédiatement, en son temps, des excuses publiquement sur les mots
déplacés voire gravissime dudit ministre français emporté, quand a lui, par une
hargne nostalgique d'une autre époque : Un terrible complexe ! Ce serait déjà
beaucoup pour les souverainetés nationales respectives si elles consolident les
intérêts réciproques des deux peuples notamment leurs jeunesses aspirants à
regarder voire s'élancer vers d'autres horizons notamment pour celle des pays
de la rive sud de la méditerranée.
A l'image des peuples maghrébins. Dont la
Tunisie qui vient, cette semaine, de réélire son président en place depuis 25
ans soit cinq mandats successifs. Les derniers arguments, présentés par les
adeptes endurcis d'un tel système de gouvernance, sont la stabilité de la
Tunisie et ses multiples essors socioéconomiques, dont la liberté de la femme
et l'Agriculture, réels effectivement ce qui n'est pas rien mais qu'en revanche
ce n'est pas tout, qu'ils comparent à ceux de notre pays certes rongé par
l'instabilité a cause, d'après leur point de vue, de la liberté de la presse et
le multipartisme ergotent-ils. Ce qui a permis de donner de l'eau au moulin des
laudateurs pivotant autour du sérail « carthaginois » de trouver l'échappatoire
idéale par exemple comparatif et donc de perdurer dans ce chemin non moins
dépourvu d'embûches. De notre part, nous disons que c'est plutôt l'unicité de
pensée et l'esprit dictatorial qui prévale dans un pays et qu'il ne peut l'être
dans un autre. C'est comme ça !
Malgré tout et en dépit de toutes les
maladresses, aussi bien au niveau de la gouvernance de moins en moins
efficiente, que de celui d'abus de pouvoir dont certains sont impardonnables
voire condamnables ; il n'en demeure pas moins que les ombres de Novembre
reviennent cette semaine nous rendrent visite, et ce, pour nous faire rappeler
le passé afin qu'on s'inscrit sereinement dans le présent et, enfin, nous
redonner de l'aplomb, confiance en nous même et de l'espoir pour l'avenir. Ils
le font à chaque 1er Novembre ! Donnons leur, donc, l'hommage qu'ils méritent
pour leur ultime sacrifice. Sans fioritures, ni excès de langage surtout !!
(*) Tous les
faits et dires relatés dans ce texte sont référencés
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Posté Le : 29/10/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ali Brahimi
Source : www.lequotidien-oran.com