Algérie

Les obstacles du 9e art en débat


L'expérience du jeune groupe de bédéistes, créé au lendemain de la révolution du jasmin en 2012, la naissance de ses collaborations avec de nombreux artistes algériens et les difficultés auxquelles fait face la BD en Tunisie particulièrement et dans le Maghreb ont été relatées par la scénariste et le bédéiste du collectif.Le collectif indépendant de bédéistes tunisiens Lab 619 ? clin d'?il au code à barres tunisien ? a animé un agréable moment d'échange avant-hier autour du 9e art avec le public algérois, qui s'était réuni au concept-store Brokk'art. L'expérience du jeune groupe de bédéistes, créé au lendemain de la révolution du jasmin en 2012, la naissance de ses collaborations avec de nombreux artistes algériens, les difficultés auxquelles ils font face, et les thèmes de ses numéros ont été relatés par sa scénariste et coordinatrice Abir Gasmi, et le bédéiste algérien Kamel Zakour. La découverte de bédéistes algériens s'était faite au 7e numéro. "Lorsque nous nous sommes rendus au Fibda (Festival international de la bande dessinée d'Alger), nous avions rencontré plein de dessinateurs algériens. Nous étions sidérés que des bédéistes de talent ne produisaient pas. Il y avait tellement de talent, mais en Tunisie, on ne voyait aucune production qui venait d'Algérie. Ce sont des voisins, des potes. On leur a proposé d'intégrer notre équipe", raconte Gasmi. Après ce premier contact, le collectif tente d'explorer l'identité, les frontières, avec, entre autres, Rym Mokhtari, Kamel Zakour, Sidali Dekkar, à travers une résidence d'une semaine. Mettre en avant les ressemblances et les contrastes entre ces artistes séparés par une frontière, physique mais aussi mentale, émotionnelle et fictive. Le numéro consacré à l'immigration, qui a réuni des auteurs tunisiens, marocains, algériens, palestiniens ou encore libanais, a permis, selon la coordinatrice, "d'apprendre énormément sur les expériences des autres". La suite logique aux thèmes précédents était l'exploration de l'identité. "Un numéro très expérimental aussi, autant sur le fond que sur la forme, et qui a nécessité l'utilisation d'un risographe."
Toutes ces expériences ont mené à la création d'un numéro spécial, intitulé Tassayyob (se lâcher), où carte blanche avait été donnée aux différents artistes. "On a eu 160 pages dans ce numéro, le 10e, avec uniquement des Tunisiens et Algériens. Ce numéro nous a aussi permis de mettre en avant les talents d'une nouvelle génération de bédéistes, et ça permet également à ceux qui en sont passionnés de se dire ?oui, on peut vivre de la BD'. Même les ONG se rendent compte maintenant que la BD est devenue un excellent médium pour aborder des sujets lourds." Mais malgré ce foisonnement artistique et la visibilité grandissante du Lab 619, notamment grâce à la manière dont des sujets assez lourds y sont traités, beaucoup d'obstacles restent à surmonter.
Aux problèmes de financement auxquels il fait face depuis sa création, qui menacent même les capacités du collectif à imprimer les numéros, s'est ajouté un certain mépris de la bande dessinée dans les sociétés arabes. "Il faut dire que la loi sur les associations fait qu'un bureau exécutif n'a pas le droit d'être rémunéré, alors que les gens qui travaillent dans ces collectifs sont ceux qui fournissent le plus d'efforts. Il y a une loi sur l'économie solidaire et sociale qui tarde à voir le jour en Tunisie. Après, on a eu pas mal de collaborations qui nous ont permis de sortir des numéros." Côté vente et distribution, les ennuis : "Pour les librairies en Tunisie ce n'est pas la joie. Certains libraires ne disent même pas que notre BD se vend chez eux. Mais heureusement, on a quand même réussi à miser sur quelques endroits qui collaborent avec nous sans prendre aucun pourcentage. Pour les ventes, le plus gros se fait dans les évènements, des ventes-dédicaces. Pour survivre, on s'est tourné aussi vers les produits dérivés."
Yasmine Azzouz
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