Algérie

«Les obstacles à lever sont assez nombreux» Floriane LE NORCY,Chargée de Projets Filières à Bretagne Commerce International


«Les obstacles à lever sont assez nombreux» Floriane LE NORCY,Chargée de Projets Filières à Bretagne Commerce International
L'Institut des techniques d'élevage (ITELV) et Bretagne Commerce International ont signé en 2011 un protocole d'accord pour le développement de la filière laitière dans trois wilayas pilotes. Dans cet entretien, Floriane Le Norcy chargée de suivre ce programme dresse le bilan et revient sur les questions à prendre en charge. L'insuffisance des cultures fourragères et carences en formation chez les éleveurs figurent parmi les points soulevés.
-Où en est le programme de modernisation de la filière lait en Algérie dans le cadre du projet Alban '
Dans le cadre du programme de coopération entre l'ITELV et Bretagne Commerce International, dont le protocole d'accord a été signé en 2011, nous avons déployé des actions de terrain pour le développement de la filière laitière dans les trois wilayas pilotes de Relizane, Blida et Souk Ahras à partir de janvier 2012. Trois groupes d'appui aux éleveurs (Gapel) de quatre conseillers aux éleveurs ont été installés par l'ITELV.Les 12 conseillers ont suivi une formation initiale d'un mois en Bretagne, qui, outre la formation pratique et la remise à niveau théorique, a permis de mettre en place un plan d'action pour le recrutement d'adhérents au suivi des Gapel et des élevages.
De retour sur le terrain dans les wilayas, les Gapel ont su convaincre plus de 350 éleveurs de participer au suivi régulier par les conseillers. Ces derniers ont mis en 'uvre le plan d'accompagnement dans ces élevages avec des visites successives pour accompagner l'éleveur dans l'amélioration de ses pratiques. Les conseils concernent en premier lieu l'alimentation et le confort de la vache laitière, puis l'enregistrement des données de l'élevage pour un suivi fiable de la production et de la reproduction. Parmi les grands changements constatés dans les élevages accompagnés par les Gapel, on peut citer : l'accès en permanence des animaux à l'eau d'abreuvement, le fractionnement des distributions d'aliment, la mise en place d'enregistrements de base' Chez de nombreux éleveurs, un début d'augmentation des quantités de lait produites a aussi été constaté.
Cette première année a surtout permis aux conseillers des Gapel, grâce aux formations régulières des instructeurs bretons, d'acquérir une «boîte à outils» du conseiller. Dans la continuité, nous mettons désormais la priorité sur le transfert de ces outils vers l'éleveur laitier, ce qui suppose de bien préparer les conseillers des Gapel à transférer leurs savoir-faire sous une forme adaptée à la compréhension et aux priorités des éleveurs. Les formateurs travaillent donc à constituer avec les Gapel la «boîte à outils» de l'éleveur. Celle-ci doit permettre de répondre aux défis rencontrés par les éleveurs laitiers en ce moment : maîtriser le coût de l'alimentation, offrir aux animaux les conditions leur permettant de bien produire et de se reproduire'
Par ailleurs, le programme encourage fortement le développement fourrager : les éleveurs ont bien compris l'importance capitale du fourrage, mais son développement est un travail de longue haleine car les obstacles à lever sont assez nombreux (disponibilité des terres pour le fourrage, mise en place ou raccordement à l'irrigation, importation des semences, disponibilité de bon matériel de culture'). Nous poursuivons ce travail en 2013, via des actions de formation, et aussi avec les entreprises du programme Alban et espérons qu'il portera ses fruits cette année.
-Qu'en est-il des autres actions '
Parallèlement à ce suivi individuel, les GAPEL ont aussi développé d'autres actions, notamment des ateliers techniques réunissant les éleveurs en groupe pour une journée de formation sur le terrain, dans le champ ou dans l'étable d'un éleveur accueillant le groupe. Ces actions ont eu beaucoup de succès et ont permis de constater que les éleveurs sont prêts, et même très demandeurs, pour travailler en groupe : échanger des informations, des expériences, des bonnes pratiques. C'est donc un axe que nous avons renforcé en 2013. Les formateurs bretons interviennent au moins une fois par mois lors d'ateliers techniques, et/ou d'ateliers de formation au travail en groupes, en plus de la formation au suivi individuel des éleveurs. Pour cette dernière, chaque GAPEL a, cette année, un formateur breton référent unique qui revient dans la wilaya pour chaque session de formation au suivi individuel.
12 actions de formation ont eu lieu en Algérie dans chaque GAPEL en 2012, et déjà 5 en 2013. En outre, les entreprises du Club Alban se mobilisent aussi pour soutenir l'action du programme en appui au développement de la filière lait. Plusieurs d'entre elles, par exemple, se sont mobilisées pour constituer une offre de bâtiment d'élevage adaptée aux conditions d'élevage algériennes. Actuellement, plusieurs éleveurs adhérents au programme ont prévu de transformer leur bâtiment. Ces éleveurs sont très souvent des leaders, très réceptifs aux conseils et capables de mettre en 'uvre les meilleures pratiques de la conduite de l'élevage. Ils sont investis dans leurs wilayas, et dans les groupes d'éleveurs, nous comptons beaucoup sur eux pour être moteurs du programme et de son appropriation par les éleveurs laitiers des wilayas, c'est très important.
-Sur quels axes interviennent les experts de Bretagne Commerce International '
Les formateurs que nous mobilisons interviennent sur tous les aspects en lien avec la conduite d'un élevage laitier.
Bretagne Commerce International fait intervenir des experts d'horizons différents, en fonction des besoins identifiés auprès des éleveurs en Algérie. Nous adaptons toujours notre «vivier» de formateurs aux besoins qui émergent.
Ainsi, les formateurs qui interviennent dans la formation des conseillers des GAPEL à l'accompagnement individuel des éleveurs sont des spécialistes du suivi global de l'élevage. Ayant pour métier au quotidien de faire progresser des élevages français et du monde entier dans tous les domaines (alimentation, production, reproduction, hygiène'), ils sont des «généralistes» de haut niveau.
D'un autre côté, les formateurs que nous faisons intervenir lors des ateliers techniques sont des spécialistes : par exemple de la luzerne, de l'hygiène, du confort de l'animal, et même de la formation des groupes d'éleveurs'
-Quelles sont les lacunes à combler '
J'éviterai de parler de lacunes : tous les éleveurs, à différents niveaux, ont un savoir-faire dans la conduite de leur élevage. Il s'agit plutôt, soit de renforcer ces savoir-faire, soit de faire changer les habitudes acquises. Les priorités que nous identifions concernent en premier lieu la conduite de l'alimentation et le confort des animaux. Une fois que les pratiques se seront améliorées sur ces deux aspects, il sera possible de travailler sur la reproduction qui ne peut être réussie que si les animaux sont en bonne santé et en bonne forme.
Néanmoins, un manque important pour les élevages laitiers réside dans l'insuffisance des cultures fourragères. Au-delà du programme de formation d'Alban, la mobilisation doit concerner l'Algérie toute entière. Etant donnée la concurrence dans l'utilisation des terres au nord de l'Algérie, dans les zones où les élevages sont les plus nombreux, avec le maraîchage, la céréaliculture et l'urbanisation, il faut très vite encourager le développement des zones dédiées à la production fourragères, par exemple plus au sud. Nous nous impliquons pour y participer avec des partenaires algériens, mais il faut aller encore plus vite pour réussir le développement laitier.
-Qu'en est-il de la perception des éleveurs algériens touchés jusque-là par la formation et qu'en est-il également des problèmes rencontrés sur le terrain '
Globalement, la perception des éleveurs sur le terrain est très bonne. Les changements préconisés par les GAPEL sont entendus, et les éleveurs commencent à les mettre en 'uvre. Un autre bon indicateur est le fait que les éleveurs soient réceptifs et motivés pour s'organiser ensemble au sein de groupes d'éleveurs. Ils rencontrent néanmoins des difficultés dans l'application des conseils quand par exemple, l'aliment disponible sur le marché ne répond pas aux standards minimaux de qualité, ou que certains produits ne sont pas disponibles (semences fourragères, bacs d'abreuvement'). Sur ces sujets, nous travaillons aussi, avec les entreprises du club Alban, à proposer des solutions dans la mesure de nos moyens.
-Comptez-vous rééditer l'expérience connaissant les besoins de l'Algérie pour le développement et la structuration de la filière lait '
Bien entendu, nous souhaitons poursuivre notre action dans les 3 wilayas du programme et au-delà. Les modalités ne sont pas encore connues mais les sollicitations sont nombreuses : la filière laitière en Algérie est très dynamique !
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