Algérie

Les nuits cauchemardesques des contractuels de l'éducation



Les nuits cauchemardesques des contractuels de l'éducation
Je suis malade. J'ai mal partout. à‡a fait deux jours que je n'ai pas fermé l'œil. Comment le pourrais-je alors que nous vivons un véritable cauchemar», affirme Sidi Ali Chérif Aïcha, psychologue de formation et enseignante d'arabe dans le  primaire depuis plus de 7 ans. Cette contractuelle, enceinte de deux mois, a du mal à  parler. Elle  est à  bout de souffle. A peine si elle peut articuler quelques mots et entame une discussion avec nous pour évoquer les souffrances qu'ils endurent depuis le début de leur mouvement de protestation. Ces quinze jours passés à  la belle étoile, à  même le sol, ont eu raison de ses dernières forces. «M. Bouketta (le directeur des ressources humaines au ministère de l'Education nationale, ndlr) passe tous les matins à  5h sans daigner jeter un regard de compassion ou de sympathie sur nous. Cette indifférence est une insulte à  note égard, nous qui avons tant donné à  ce secteur», déplore notre interlocutrice. Et d'ajouter : «Nous subissons une véritable déchéance. Notre dignité est piétinée. On se retrouve sur le trottoir comme des sans-abri, sans qu'aucun responsable ne consente trouver une solution à  notre problème. Ils ont un cœur de pierre. Ils sont insensibles à  la douleur et à  la souffrance de leurs concitoyens.» La nuit de dimanche dernier a été vécue comme un cauchemar par les enseignants contractuels. Toute la nuit, ils ont «subi» les trombes d'eau qui tombaient sur eux. «Il pleuvait des cordes. On était trempés jusqu'aux os», raconte, dépité, Yacine Kerraï, enseignant à  Bordj Bou Arréridj. Selon ces contractuels qu'on a interrogés sur les lieux, ils n'ont dû leur «salut» qu'à la générosité légendaire des voisins qui les approvisionnent en denrées alimentaires, draps, matelas et couvertures pour faire face à  un froid de canard en ce début d'hiver.
Eau et gadoue
«Les services d'ordre nous ont intimé l'ordre de dégager le trottoir, arguant que nous troublons l'ordre public, comme si nous n'avions pas assez d'ennuis et de problèmes», dénonce Hakim Zennini, enseignant de français à  Aïn Defla.
«Nous ne faisons pas cela de gaîté de cœur. Nous sommes contraints de recourir à  cette ultime action de protestation dans l'espoir de nous  faire entendre par la tutelle. Quelle personne sensée pourrait accepter de passer la nuit dans ce froid qui vous givre les os, si ce n'était la gravité de notre situation '», s'est-il interrogé.
Même les femmes ont subi ces nuits «cauchemardesques». Le sourire et la joie ont déserté leurs visages.  Elles sont angoissées, stressées et inquiètes : la tutelle campe sur ses positions et ne se penche pas sur leur problème. Elles sont en colère et nous le font savoir : «C'est comme un feu qui se consume à  l'intérieur de tout notre corps. Qualifiez-le comme vous voulez : la rage, la colère…» «Des contractuels des wilayas d'Alger, de Boumerdès et de Bouira ont été recrutés. Pourtant, comme nous, ils sont des 'hors décret'.  C'est de la ségrégation, de l'injustice. Après nos protestations auprès de la tutelle, M. Bouketta nous a affirmé que leur recrutement s'est fait par erreur. De qui se moque-t-on '», s'interroge Hakim Zennini. Emmitouflé dans un burnous qui laisse à  peine entrevoir son visage, un protestataire est allongé à  même le sol. Comme une volonté de couper, au moins momentanément, avec le monde extérieur si «hostile», sans prêter attention aux passants et badauds qui s'arrêtent pour voir cette scène inédite, par curiosité ou en signe de compassion.
L'humiliation, la hogra, le manque de considération sont le lot quotidien des enseignants contractuels venus de plusieurs wilayas pour protester contre «l'injustice» et dénoncer la non-prise en charge de leurs revendications. Pourtant, un décret du président de la République recommande l'intégration de tous les enseignants contractuels qui occupaient un poste vacant jusqu'au mois de mars 2011….

 


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