Algérie

Les moyens de lutte contre la récidive mal appréhendés


Entrées en vigueur depuis le 1er avril dernier, les nouvelles dispositions relatives aux peines alternatives ont fait l'objet hier d'une journée d'étude, organisée par l'administration pénitentiaire dans le cadre du programme européen d'aide à réforme de la justice (Meda 2). Plus d'une centaine de juges d'application des peines, de procureurs adjoints, de présidents de chambre et de sections pénales ainsi que des représentants de l'administration pénitentiaire et judiciaire ont pris part aux travaux animés par des experts de l'Union européenne et pris connaissance des expériences espagnole, française et norvégienne en la matière. Connu en Europe depuis une trentaine d'années, le système de peines alternatives a été introduit en Algérie dans le cadre de la réforme de la justice et mis en application depuis un mois. Il s'agit de la substitution de l'incarcération par les travaux d'intérêt général au profit des auteurs de délits mineurs non récidivistes condamnés à des peines de moins de 18 mois d'incarcération.Pour Salah Rahmani, directeur du projet d'appui à la réforme de la justice, « la crédibilité de ce système dépend surtout de la capacité et de la volonté des institutions d'accueil à remplir leur rôle social et d'utilité publique ». Il s'est néanmoins interrogé sur « les types d'institution publiques qui seront à même de remplir la fonction sociale essentielle à la solidarité et à la cohésion ». De même qu'il s'est demandé si l'institution judiciaire peut prévenir tous les risques à travers ce cahier des charges signé entre les employeurs et la main-d''uvre pénale. Autant de questions soumises à débat et « qui serviront de pistes de réflexion sur les mesures alternatives à l'incarcération », a-t-il conclu. Le premier responsable de l'administration pénitentiaire, Mokhtar Felioune, a fait part des différentes dispositions prévues par la nouvelle loi, en expliquant qu'elles ont pour objectif d'abord de limiter la récidive « en hausse continuelle », mais aussi à aider le détenu à ne pas rompre le lien avec la société, tout en s'acquittant de sa dette envers elle. Il a mis en exergue les résultats « positifs » du programme de réinsertion dont bénéficient les détenus, en se basant sur le nombre d'inscrits aux cours d'enseignement et de la formation professionnels. « Nous avions enregistré 3165 inscrits entre 2003 et 2004, alors qu'en 2008-2009, ils sont 20 694 détenus inscrits. En 2003, il y a eu 151 détenus ayant réussi leur examen du baccalauréat, en 2008, ce nombre est passé à 481, alors qu'en 2009, ils sont 1676 inscrits pour cette épreuve. Pour ce qui est de la formation professionnelle, en 2003, 1557 détenus étaient inscrits, alors qu'en 2008, le chiffre est passé à 14 720 », a déclaré M. Felioune, précisant au passage que ces efforts peuvent être très rentables, « si l'environnement social les accompagne par une meilleure compréhension ». Directeur du service pénitentiaire et de la probation parisien et président de l'Organisation européenne de probation, Patrick Madibou, a estimé que la peine alternative « est un outil efficace pour la lutte contre la récidive, mais qui reste confrontée à la difficulté de faire admettre à l'opinion que la sanction pénale n'est pas nécessairement la prison ». Le conférencier a relevé que « le système de probation aide à la réinsertion et constitue une réponse à une catégorie de délinquance. Il permet également de réduire les charges dues à l'incarcération mais aussi à soulager les établissements pénitentiaires de la surpopulation », précisant qu'une journée de prison coûte de loin plus cher qu'un travail d'intérêt général ou de liberté conditionnelle.Il a révélé qu'aujourd'hui, au sein de l'Union européenne, 30 pays ont adhéré au système de probation, 40 sont membres actifs, 30 des membres associés et 4 autres des membres affiliés. « La probation reste quand même perçue comme étant une mesure qui arrange plus le détenu que la société, ce qui appelle à des campagnes de sensibilisation et de vulgarisation pour une meilleure acceptation », a noté M. Madibou, avant de souligner que la France, qui a adopté le système de probation en 1958, enregistrait, en 1975, 25 000 bénéficiaires de ces mesures, alors qu'actuellement, ce nombre a atteint 64 000, auxquels il faut ajouter les 170 000 personnes qui ont bénéficié du régime de la liberté conditionnelle. Il a relevé par ailleurs que ce système diffère néanmoins d'un pays européen à un autre, puisque, exception faite pour la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, où ces mesures sont appliquées, y compris aux condamnés dangereux et récidivistes, beaucoup d'autres pays préfèrent les consacrer aux délits mineurs, non récidivistes. Les travaux se sont poursuivis l'après-midi avec les expériences espagnole et norvégienne, ponctuées par des débats, notamment des questions sur les modalités et les chances de réussite de ces mesures, avant d'être clôturés par des recommandations allant dans ce sens .
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