Algérie

Les mokrani déportés en Nouvelle Calédonie



Les mokrani déportés en Nouvelle Calédonie
-En 1864 le Cheikh Mohammed El Mokrani (portrait ci-contre) reçoit du général Devaux un blâme en raison de l’aide qu’il avait apportée au cheikh Bouakkaz ben Achour en 1864-1865 et est rétrogradé en 1870 au titre de bachagha ,Haut dignitaire de la hiérarchie administrative. Afin de palier la famine qui s’installe en 1867 et qui touche alors les campagnes, il investit sa fortune personnelle et emprunte de nombreuses sommes a la banque d’Algérie et au juif Mesrine. Mais après le départ du gouverneur général militaire Mac Mahon en 1870 et la prise en main du pouvoir par les autorités civiles, celles-ci refusent d'honorer l'engagement d'El Mokrani, et le plonge ainsi dans une crise financière l'obligeant à hypothéquer ses biens. Par ailleurs il perçoit dans le remplacement du régime militaire par le pouvoir civil un moyen d'asseoir la domination des colons européens sur les Algériens. Ceci, ajouté à la proclamation du décret Crémieux du 24 octobre 1870 qui accorde la citoyenneté française aux juifs et qui fit dire au Cheikh « Je préférerais être sous un sabre qui me trancherait la tête mais jamais sous la houlette d'un juif» renforce son sentiment d'injustice et l’encourage à se révolter . Il lance ainsi le 16 mars 1871 la plus importante insurrection contre la puissance coloniale française.
Les prémices de la première phase de l'insurrection d'El Mokrani, déclenchée après qu'il eut présenté pour la deuxième fois sa démission de son poste de bachaga sont marquées par les insurrections à Ahras par El Kablouti et à Laghouat par Ben Chohra et Bouchoucha. Le déclenchement effectif est marqué par la restitution au ministère de la guerre de son insigne de bachaga et la tenue de plusieurs réunions avec ses hommes et de hauts dirigeants. Le 16 mars, débute son avancée vers la ville de Bordj bou Arréridj à la tête d'une troupe estimée à sept mille cavaliers afin de faire pression sur l’administration coloniale. L’insurrection atteint par la suite Miliana, Cherchell, M’sila, Boussaâda Touggourt, Biskra, Batna et Ain Salah. Cependant plusieurs désaccords naissent au sein de la famille d’El Mokrani. Face a cette situation ce dernier rejoint le cheikh Haddad, chef de la confrérie musulmane soufie Rahmaniyya, qui proclame le djihad contre les colons le 8 avril 1871. 145000 hommes, issus de deux cents cinquante tribus sont mobilisés. Mais malgré les capacités de mobilisation pour le combat les désaccords refont surface particulièrement suite à la mort d’El Mokrani le 05 Mai 1871 au cours de la bataille de Oued Souflat. Ces conflits ont lieu entre Aziz, fils de Cheikh El Haddad, et Boumezrag frère d’ El Mokrani. Le recul de la résistance est également lié au conflit interne aux zaouïas (établissement d’enseignement religieux) de Rahmaniyya. Le 08 octobre 1871 Boumezrag se dirige vers le Sahara. Les Français en prennent connaissance et l’arrêtent le 20 janvier 1872 à Ouargla . Il est envoyé au bagne de Nouvelle Calédonie. le 19 Avril 1873 le Cheikh El Haddad est condamné à cinq ans d’emprisonnement mais meurt dix jours après sa détention.
[http://www.vuici.com/images/carte-nouvelle-caledonie.gif] Nouvelle Calédonie - Nouméa Apres l’arrestation de Boumezrag l’armée française parvient à mettre fin à l’insurrection. C’est alors que les sentences tombent. Le 10 mars 1873, s’ouvre au tribunal de Constantine le procès des chefs de l’insurrection : 149 des 212 accusés sont envoyés en prison et pour 84 le verdict sans appel est la déportation en Nouvelle-Calédonie. Parmi eux on peut citer Aziz Ben Cheikh El Haddad. Par ailleurs les tribus ayant participé à l'insurrection sont obligée de régler des impôts selon l’ampleur de leur contribution au soulèvement : 70 francs pour toute personne ayant attiré l'attention des responsables de l'administration française, 140 francs pour toute personne s’étant mobilisée et 210 francs pour toute personne ayant pris part au combat et déclaré publiquement son opposition à la puissance coloniale. Tous refus de payer est obligatoirement suivis d’une saisie des biens personnels. La politique de déportation en Nouvelle-Calédonie fut par la suite généralisée à la population ayant participé activement à l’insurrection. Au total 200000 insurgés sont alors exilés dans les bagnes du pays, où ils retrouvent les communards parisiens mais beaucoup périssent bien avant d’atteindre l’île. Jean Allemane cite le chiffre de deux tiers morts durant leur détention.
Ces nouveaux arrivants, appelés « les Kabyles du Pacifique », ne reverront jamais leur pays.La traversée dura cinq mois et les déportés étaient enfermés dans des cages en fer. De nombreux détenus mouraient, de maladies tels la phtisie, le scorbut, la gangrène ou d’inanition, ne réclamant aucun soin médical. Le carnet de bord du médecin Major Dubuquois décrit avec précision les conditions de voyage de ces déportés : "Il se sont volontairement laissés mourir", " 1 405 personnes à bord, 320 condamnés dont 39 Kabyles, sur ces derniers il y a 5 décès". Ces derniers se nourrissaient de façon inadéquate, il subissait les rationnements et souffrait d’insalubrité. A l’île des Pins où ils sont détenus les insurgés kabyles côtoient d’autres insurgés, les Communards, auxquels une étroite solidarité les unit.
Bagne de Nouméa Arrivé en Nouvelle-Calédonie les déportés sont placés dans des bagnes ; qui ; mis en place par Napoléon III ; permettront l’apport d’une main d’œuvre gratuite qui peuplera ainsi l’archipel. Les bagnes coloniaux effrayent les forçats désignés à l’exil, arrachés à leur pays et leur famille. Inauguré en 1864, le bagne de Nouvelle-Calédonie est censé accueillir les prisonniers dans de meilleures conditions qu’en Guyane : sans les maladies et les conditions climatiques éprouvantes. Cependant, la colonie se peuple à marche forcée. Une loi est instaurée ; « la loi du doublage » : un prisonnier condamné a moins de huit ans doit doubler son exil en restant le même nombre d’années sur le territoire après sa libération. Au-delà de 8 ans de peine, aucun retour au pays n’est possible.
Certains condamnés connaissent un sort plus cruel que leurs camarades. Les bagnards exécutent presque tous des travaux forcés d’intérêt général ; ils bâtissent eux-mêmes leur prison et les infrastructures nécessaires à la vie en communauté pour l’urbanisation du territoire. A Nouméa, enchaînés les uns aux autres, ils effectuent les travaux de remblaiement du centre ville, l’exploitation de la forêt, l’ouverture des routes, l’assèchement des marécages, port de lourdes charges jusqu’à l’épuisement. Les plus robustes remplissent les « contrats de la chair humaine » : des centaines de forçats sont loués quatre fois moins cher que la main d’œuvre libre pour creuser dans les mines pendant environ 20 ans. Ceux qui sont condamnés à la réclusion à perpétuité n’exécutent pas les travaux forcés et sont parqués dans de minuscules cellules sombres et humides. Les hommes ne sortent pas et n’aperçoivent jamais la lumière du jour. Pour servir les colons libres, le gouverneur Guillain crée la catégorie des « assignés », composée de condamnés à la conduite satisfaisante et autorisés à travailler chez des particuliers comme « garçons de famille » s’adonnant aux tâches ménagères : repassage, lessive et cuisine. D’autres assignés sont affectés à l’administration du bagne.
Les déportés kabyles ont connu exactement le même sort que les communards français, et il y a donc eut entre eux une sorte de complicité. Ses deux catégories de prisonniers étaient entièrement opposées. Elles n’avaient rien de comparable historiquement géographiquement et culturellement parlant, mais elles étaient toutes deux animées d’un sentiment d’injustice et ont combattu l’état français en place et aussi connu la même sentence, l’enferment loin des leurs. C’est ce qui a permis le rapprochement de tous les prisonniers.
Président Gambetta ( portrait ci-contre),En 1879, les communards bénéficient d’une amnistie suite à la lutte menée par de nombreux intellectuels français tels que Victor HUGO, Emile ZOLA… mais cette amnistie exclut les Algériens. En retrouvant leur pays, les communards lancent une sensibilisation de l’opinion française sur le sujet des kabyles déportés à l’exemple de Louise MICHEL ou de Henri ROCHEFORT. Ce dernier d’ailleurs, après s’être évadé en 1874, s’installe à Bruxelles et crée son journal, La Lanterne, qui consacrera beaucoup de temps à la cause des déportés. Ce travail de sensibilisation porte ses fruits. C’est ainsi que sous la pression de la Gauche et des français déportés, le président Gambetta décide l’amnistie pour tous les condamnés. Il est a noté que cela n’a pas empêché que, tacitement, on ne libérera que les communards Parisiens en détournant cette loi mais c’est grâce à ses derniers qu’on libérera les Algériens.
Une fois libérés, les uns rentrent en Algérie mais d'autres restent en Nouvelle-Calédonie. On peut être amené à penser qu'ils n’ont pas choisi de s’installer et qu’ils auraient aimé rentrer eux aussi. A titre d’exemple, l’on tente par tous les moyens de retenir Boumezrag, qui représente toujours une menace et ce dernier serait même entré dans l’armée française pour mener une répression, avec cinquante autre soldats algériens, contre la révolte d’une minorité Calédonienne, les Canaques.Aujourd’hui, il reste encore des traces de la présence de ses kabyles dans le Pacifique. En effet, assez prêt de Nouméa, chef-lieu de la Province Sud, se trouve la « Vallée des arabes » et non loin de la il y a le cimetière des Arabes où sont enterrés les anciens déportés algériens. Les personnes sont enterrées dans le pur rite musulman, tombes orientées vers la Mecque. En plus du cimetière, on retrouve aussi des populations qui s’efforcent de ne pas « oublier » leur culture et leurs traditions. Ils parlent en effet certains mots d’arabe, font parti d’une association de musulmans de la région, ils ont aussi une mosquée et un centre religieux où l’on célèbre toutes les fêtes musulmanes. En pénétrant dans le Nessadiou (vallée des arabes), on a l’impression de se retrouver dans un véritable petit village kabyle.
Centre Islamique de Nessadiou

Ainsi, l’insurrection contre la puissance coloniale française menée par El Mokrani s’étend dans tout le nord du pays. Apres l’arrestation de Boumezrag, l’armée française parvient à mettre fin au soulèvement et condamne les chefs de la résistance. Le verdict mène les chefs et par la suite la population ayant participé à l’insurrection en Nouvelle-Calédonie ; condamnés à l’exil.Environ 200000 insurgés rejoignent les bagnes après une traversée longue et pénible. Tout au long du voyage, les « Kabyles du Pacifique » sont enfermés dans des cages et transportés dans des conditions malaisées: beaucoup meurent de maladie et de faim avant d’atteindre l’île.Arrivés en Nouvelle Calédonie, ils sont placés dans les bagnes. Par ailleurs ils participent au peuplement de l’archipel en fournissant une main d’œuvre importante utilisée pour bâtir les prisons et urbaniser le territoire. Certains assignés peuvent cependant servir les colons libres mais la majorités des détenus restent dans les prisons où ils côtoient les communards parisiens. Ces deux catégories d’insurgés s’unissent par un lien de solidarité renforcé par un même sentiment d’injustice et d’éloignement. Ainsi, l’amnistie dont bénéficient les communards français mènera par la suitela grâce des insurgés Kabyles.

yabous,le 15/06/2010

a.mokrani


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