Livres
Le crépuscule d'un anonyme. Roman de Bouziane Ben Achour. El Kalima Editions, Alger 2024, 152 pages, 1.200 dinars
Une bien triste histoire que celle de Bouchta Barakat, un postier (facteur du village) à la retraite. Fils de chahid (le seul du village), célibataire, abandonné par sa deuxième épouse, vivant en reclus car individualiste, seulement dopé au gros vin rouge, solidement barricadé dans ses convictions (honnêteté, droiture, patriotisme), n'accordant qu'un intérêt limité aux personnes qui l'entourent et à leurs commérages. Un seul ami, le «jeune» facteur qui a pris la suite car le considérant comme appartenant à une autre génération, bien distincte de celle d'aujourd'hui.
Il est assez heureux comme cela. Mais, ne voilà-t-il pas qu'une certaine bureaucratie locale, certainement ne supportant pas cette façon de voir la vie, va lui «inventer» des problèmes (lui enlever sa qualité de fils de chahid, détruire sa maisonnée...). Il se laisse alors aller, cherchant la mort pour échapper aux persécutions qui se multiplient. Seul un miracle pourrait parvenir à le sauver. Il en sera ainsi !
L'Auteur : Journaliste, romancier, critique de théâtre et dramaturge, auteur de quatre essais sur l'art dramatique en Algérie, et un ouvrage sur les grandes figures emblématiques du patrimoine musical algérien («Figures du terroir»). Plusieurs œuvres de fiction dont certaines en langue arabe. Grand prix de la fondation Mohamed Dib en 2011 pour son roman «Brûlures».
Extraits : «Il en veut peut-être un peu à sa mère, qui a fait l'effort certes de l'inscrire à l'école publique et obligatoire mais n'a jamais fait celui de le serrer une seule fois contre elle en l'absence de son géniteur absent du foyer conjugal, émigré en France, résistant contre la France» (p 13), «Sa fiche communale, cette précieuse relique qui porte en elle l'esprit du père. Une relique qui diffuse ses ondes et ses odeurs, qui le réinvente en faisceaux vibrants de présence restauratrice. La perdre, c'est perdre les traces de l'ancêtre, c'est éparpiller une nouvelle fois ses cendres et son honneur» (p 59), «Animé d'yeux soulignés au «khôl» et d'un appétit sans bornes, le premier magistrat de la commune a le projet d'agrandir son île afin de satisfaire toutes les tentations à venir. Les siennes et celles de ses proches. Il faut garantir aise, confort et nourriture à ces porteurs de louche qui viennent en courant dès qu'on les siffle. Ils sont animateurs de projet. Le projet des mangeurs aux mains tendues» (p 75), «Certes, le vin crée des dépendances mais il invente aussi des sorties honorables à l'homme vaincu : il lui fait miroiter des enclaves capables de nourrir les utopies, lui improvise des îles du vendredi pour se planquer épisodiquement, lui fabrique des cocons de repli à douceur de miel» (p 140).
Avis - La vie très simple d'un homme simple et à principes bousculé par un entourage compliqué.
Citations : «Le képi du fonctionnaire. Chez l'administration postale qui l'emploie, c'est le matériel de fonction qui passe en premier» (p 69), «C'est plus facile de passer de journaliste à imam au pays des impies et de Hanouna que de se recycler comme opposant encarté chez soi» (p 94), «Une bataille, ça ne dort jamais ! C'est comme le feu qui couve sous la cendre : un petit coup de vent et tout s'attise simultanément» ! (p 108), «Ce n'est pas la mort qui me fait peur, c'est la vie misérable que je mène qui me terrorise» (p 144).
Douleurs muettes. Nouvelles de Fatiha Belkacem. Editions El Qobia, Alger 2022, 78 pages
Faïza, Fodil, Kallou, Attika, Ra chida, Samia, Zahra, Rabea, Zakia, Wahiba, Miryam, Latifa, Nacera, Fadila.
Quatorze récits de vies douloureuses, s 'exprimant à travers cet ouvrage qui a réussi, en peu de pages, à résumer les «douleurs muettes», surtout féminines. Douloureuses parce qu'elles expriment, à travers des mots simplement dits et franchement écrits des situations multiples mais «invisibles» sinon à travers les conséquences... emplissant, par la suite, soit les pages de la presse, soit les bancs des tribunaux, soit les cellules des prisons, soit les lits d'hôpitaux.
Donc, quatorze récits de vies allant de la vie familiale heurtée, l'histoire d'amour freinée par la maladie, l'indifférence des parents, le traumatisme sexuel... au harcèlement des perversle comportement de «belles-mères», le mensonge et la tromperie... en passant par la longue attente d'un époux aimant, le suicide après un abandon, l'époux «absent» et le mariage forcé.
L'Auteure : Née à Boufarik en 1949. Etudes en philosophie, correspondante d'un journal, carrière dans une banque en tant que cadre dirigeante... Aujourd'hui, résidant à Blida, elle gère un établissement de restauration où l'on consomme, dit-on, de la très, très bonne cuisine. Note : sœur du défunt journaliste Kamel Belkacem. Déjà auteure d'un ouvrage-récit, «En ouvrant le livre de ma vie».
Extraits : «Elles sont si nombreuses ces personnes condamnées à se taire en traînant leurs lourds secrets dans leurs sépultures» (p 5).
Avis - Les douleurs «muettes» ne sont pas aussi rares qu'on le croit, sont bien plus nombreuses et bien souvent bien plus proches. Des récits douloureux..., souvent déprimants car très réalistes. On y sent, aussi, la révolte de l'auteure.
Citations : «Beaucoup de personnes sont anxieuses face à ce calme; celui-ci est relatif selon les êtres. Le silence peut être une échappatoire utile plus ou moins pour certaines personnes.
Il peut être pesant ou salvateur, explicatif ou interrogatif, ami ou ennemi, silencieux ou criard...» (p 21), «La première (note : la première union par le mariage) est un contrat social avec beaucoup d'obligations et la seconde (note : une seconde union) un contrat moral sans engagements ni responsabilités et pour la plupart des cas on craint beaucoup plus la société que la morale qu'on peut piétiner quand on le souhaite, par lâcheté ou facilité» (p 61).
Posté Le : 00/00/0000
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : un Président qui joue aux apprentis-sorciers
Source : www.lequotidien-oran.com