Algérie

Les ministres arabes en réunion à Alger: «Le temps de l'eau facile est révolu»



En exposant la question de l'eau, les pays arabes ont mis en exergue les difficultés qu'ils ont à assurer leur droit à la ressource dont 66% leur provient de régions extérieures ou est détenue par Israël. C'est hier que le Conseil ministériel arabe a tenu sa toute première session au Palais des Nations de Club des pins à Alger en présence des représentants des 22 pays arabes membres de la Ligue arabe dont 9 seulement ont envoyé leur ministre de l'eau. L'ouverture des travaux a été faite par Abdelmalek Sellal, ministre algérien des Ressources en eau, avec à ses côtés Amr Moussa, le secrétaire général de la Ligue arabe, ainsi que le président du Conseil mondial de l'eau, Loïc Fauchon. Il y avait aussi à la tribune le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, mais juste pour des considérations protocolaires. Entre autres propos de Sellal, son appel aux pays arabes pour une gestion concertée des eaux à travers la mise en place de mécanismes et de recommandations que le Conseil devra initier. Institué seulement en novembre dernier sur décision de la Ligue arabe, le Conseil en question est à ses premiers balbutiements. Dès la tenue de sa première session, il a débattu d'un ordre du jour de 15 points. Les participants à la réunion d'Alger devront élaborer un rapport qu'ils soumettront au prochain sommet arabe. Mais d'ores et déjà, il est souligné en coulisses un décalage entre l'Algérie qui en est aujourd'hui aux grands projets de transfert d'eau de barrages en barrages et les autres pays arabes qui en sont seulement à la mobilisation de la ressource dans la mesure où 66% de leurs besoins en eau leur proviennent de pays extérieurs. Si pour certains d'entre eux, ils tirent l'eau de sources en provenance de la Turquie ou de l'Ethiopie, d'autres, ceux du Moyen-Orient, n'en reçoivent qu'une infime quantité en raison du vol et la surexploitation par Israël des ressources de la région. «Notre session se tient dans des circonstances sensibles et au moment où des transformations dangereuses interviennent dans le monde», a déclaré Sellal en rappelant les problèmes climatiques et environnementaux. Il demande aux Arabes de s'entendre sur une coopération en matière de développement durable, de protection de l'environnement et de mobilisation et préservation des ressources naturelles. A plusieurs reprises, il est fait référence à la coopération entre l'Algérie, la Libye et la Tunisie à propos d'une utilisation équitable de la nappe du Sahara oriental qu'ils se partagent géographiquement. Sellal estime que «c'est une expérience dont l'impact a été positif dans nos pays respectifs». Ce qui le laisse appeler à une unification de la vision arabe en matière d'eau, ceci, dira-t-il, «pour renforcer la place du monde arabe et nous permettre de faire entendre nos préoccupations».

«A un tournant de l'histoire de l'eau»

Le président du Conseil mondial de l'eau fera remarquer pour sa part que «nous sommes à un tournant de l'histoire de l'eau parce que la population mondiale a augmenté avec en face une urbanisation effrénée (...)». Dans les 50 ans à venir, dira-t-il, «les effets climatiques et de l'industrialisation nous obligeront à partager l'eau avec la nature parce qu'on ne peut plus se permettre de lui donner une eau de mauvaise qualité, elle nous fait payer immédiatement nos erreurs, nos oublis et parfois notre mépris à son égard». Pour Loïc Fauchon, «nous avons besoin d'une croissance basée non sur le pillage mais sur le partage. Le temps de l'eau facile est révolu.»

Il est question pour les pays arabes de s'interroger, entre autres, comme l'a relevé Fauchon, sur le fait que les pays occidentaux acceptent de faire passer un pipeline de pétrole du sud vers le nord mais n'acceptent pas qu'il y ait transfert de l'eau du nord vers le sud. Le conférencier trouvera un lien étroit entre l'eau et la maîtrise de l'énergie. Il propose de traiter l'épuration de l'eau «d'une manière plus économique, d'évaluer nos compétences hydrologiques à l'avenir et pourquoi pas se passer de cultures qui demandent de grandes quantités d'eau en se contentant de les importer». Fauchon fera savoir aux pays arabes que le Conseil qu'il préside «est prêt à travailler avec eux sur la paix de l'eau». En termes plus crus, il est possible que le Conseil participe à des négociations sur l'eau entre les quatre pays arabes (Syrie, Palestine, Liban et Jordanie) et Israël. Il terminera son allocution en appelant à l'adhésion au Conseil qu'il préside qui compte à ce jour près de 90 pays membres à travers le monde. Fauchon annoncera aussi la tenue d'un forum sur l'eau en mars 2012 à Marseille, une ville, dira-t-il, «qui est aussi arabe, vous ne serez pas dépaysés». Forum qui abritera un sommet des chefs d'Etat en plus de réunions de parlementaires et de représentants des collectivités locales, en tant qu'acteurs dans la gestion de l'eau. Sa recommandation aux Arabes «ne laissez pas les autres dire quelles sont les solutions que vous pouvez mettre en oeuvre vous-mêmes. Faites entendre plus haut votre voix.»

Le secrétaire général de la Ligue arabe saluera la création du Conseil arabe de l'eau parce que, soulignera-t-il, «les problèmes de l'eau s'inscrivent en gras et en tête des préoccupations des pays arabes». Amr Moussa estime que les Arabes ne doivent plus agir d'une manière individuelle. Il est donc question pour le Conseil d'élaborer une stratégie commune pour traiter de la problématique de l'eau sur la base d'une concertation, d'un dialogue et d'une coopération entre tous les pays membres de la Ligue. L'élaboration d'un système arabe d'informations et de données hydriques a aussi été retenue. Aux délégués jordaniens et syriens, il demandera de commencer à planifier la restitution des eaux sous occupation.

Le centre arabe de la sécurité hydrique est appelé à collaborer étroitement avec les gouvernements arabes et le Conseil de l'eau pour mettre au point une stratégie de gestion de la ressource. La ceinture verte de l'Afrique du Nord, dira le SG de la Ligue arabe, devra s'étendre au Moyen-Orient. «C'est un projet sur lequel nous travaillons actuellement pour faire face à la désertification et aux changements climatiques», dira-t-il.


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