Algérie

Les milliards de l'Etat et les ratés du sport algérien



On disait que le sport algérien allait renaître de ses cendres et qu'il redeviendrait un secteur des plus performants. Grâce à l'application du décret 05-405 relatif aux Fédérations sportives, nous allions enfin avoir des sportifs de grand talent.
Les Fédérations en question allaient être dotées de directions compétentes avec de grands dirigeants. Bref, on nous promettait des montagnes.
Quatre ans plus tard, on remarque qu'on n'a même pas eu droit à des collines, à peine de petits amas. Le drame, c'est que l'aide de l'Etat n'a pas diminué. Bien au contraire, elle a augmenté pour atteindre des sommets.
Il faut le dire : jamais, depuis le mois de juillet 1962, quand le pays avait accédé à son indépendance, le sport n'avait reçu autant d'argent de la part des pouvoirs publics. En somme, les résultats sur les terrains des compétitions ont été inversement proportionnels à la contribution de l'Etat, donc du contribuable algérien, sachant que cet argent émane du Trésor public.
Selon un état établi par les services du ministère de la Jeunesse et des Sports, les subventions accordées à 13 Fédérations sportives olympiques (athlétisme, aviron, boxe, escrime, handisport, haltérophilie, judo, taekwondo, volley-ball, lutte, natation, tir, voile) durant la période allant de 2000 à 2011 ont dépassé les 507 milliards de centimes. On est passé de 4, 1 milliards de centimes investis en 2000 à ces 13 Fédérations à près de 144 milliards de centimes en 2011. Et rien que pour 2012, on parle d'une enveloppe de plus 230 milliards de centimes.
Cette aide de l'Etat s'est particulièrement accrue durant les trois dernières années 2009, 2010, 2011, immédiatement après l'installation des nouvelles directions des Fédérations sportives issues de l'application du décret 05-405, passant de 87 milliards de centimes à 137 milliards de centimes pour aboutir à 144 milliards de centimes.
L'année où le sport algérien s'est enrichi de 5 médailles olympiques aux Jeux de Sydney de 2000 (1 en or, 1 en argent et 3 de bronze), une année où le terrorisme était encore virulent et dévastateur en Algérie, le budget alloué aux 13 Fédérations sportives dont on parlait plus haut avait été de 4,1 milliards de centimes.
En 2012, année des Jeux de Londres, elles avaient reçu, jusqu'au mois d'avril dernier, plus de 237 milliards de centimes. Et à Londres, elles enverront nettement moins d'athlètes que lors des Jeux précédents avec la quasi certitude que ce serait un véritable miracle si l'Algérie venait à obtenir une toute petite médaille de bronze.
Le judo ou le gouffre sans fond
S'il est une discipline qui reflète bien la régression du sport algérien durant l'olympiade en cours, c'est bien celle du judo. Voilà un sport qui, en 2008, avait réussi à qualifier 12 de ses athlètes aux Jeux olympiques de Pékin, et là-bas, il s'en était sorti avec une médaille d'argent (Amar Benikhlef) et une de bronze (Soraya Haddad).
Pour réaliser cette performance, la Fédération nationale avait reçu un peu plus de 1 milliard de centimes en 2007, année où les qualifications pour Pékin étaient en jeu, puis un peu plus de 11 milliards de centimes en 2008 pour mieux préparer les 12 athlètes qualifiés aux Jeux. En 2011, pour faire pour le mieux lors des phases qualificatives pour les Jeux de Londres, la Fédération nationale de judo a obtenu de la part de l'Etat plus de 35 milliards de centimes et il se dit que cette somme pourrait avoisiner les 37 milliards de centimes en 2012.
Pour quel résultat ' A peine deux athlètes qualifiés pour les Jeux de Londres, deux filles. La première, Soraya Haddad, bénéficie de l'aide financière de sa Fédération mais elle ne lui doit rien sur le plan de la préparation. C'est un athlète qui s'entraîne en solo, loin de l'équipe nationale. Ses résultats, elle les doit à elle et à elle seule. On ajoute que la Fédération ne devra, en aucun cas, parler de «son» argent.
La somme qu'elle a dégagée pour la préparation de cette athlète n'est que l'argent de l'Etat qui le doit à Soraya conformément aux dispositions de la loi 04-10 sur le sport en matière d'aide de l'Etat aux internationaux. Quant à la seconde judokate, Sonia Asselah, qui ira aux Jeux de Londres, elle a gagné ce privilège non pas au niveau mondial mais grâce au quota de l'Afrique.
On est en droit alors de se demander à quoi a servi l'application du décret 05-405 ' Très certainement à faire reculer le sport algérien et surtout à lui faire gaspiller plus d'argent.
Le judo a utilisé, selon les chiffres donnés par le MJS, plus de 70 milliards de centimes en deux ans pour qualifier deux athlètes au Jeux de Londres. En 2007 et 2008, il avait eu besoin de 12 milliards de centimes pour envoyer 12 athlètes aux Jeux de Pékin. On veut bien que l'on nous avance comme excuse des coûts sans cesse croissants en matière de prise en charge, cela ne saurait expliquer le ratage en règle de la Fédération en question.
L'argent de l'Etat, c'est de l'argent public
Nous ne visons pas le judo spécialement mais l'ensemble des Fédérations sportives. L'athlétisme n'a, par exemple, pas de quoi se réjouir de ce qui s'est fait depuis les Jeux de Pékin.
Cette discipline pourrait n'envoyer qu'une toute petite poignée d'athlètes à Londres alors qu'elle a bénéficié d'enveloppes budgétaires conséquentes (9 milliards en 2009, 13 milliards en 2010 et 14 milliards en 2011). Elle a eu au moins un petit mérite, celui d'avoir demandé aux athlètes de ne pas dormir sur leurs lauriers et de réaliser les minimas pour Londres en 2012, ceux qu'ils avaient réussis en 2011 n'étant pas pris en compte.
Voilà qui nous mène à nous poser la question de savoir si le MJS compte continuer dans cette voie, à savoir abreuver sans cesse des Fédérations qui ne rapportent presque rien. Peut-on continuer à soutenir des directions de Fédérations qui ont montré leurs limites au risque de voir le sport algérien sombrer corps et âme ' C'est un problème national et crucial quand on sait l'impact sociologique qu'a le sport dans notre pays.
L'argent public doit être utilisé au mieux dans l'intérêt de nos sportifs et de nos Fédérations, notamment en matière de renouvellement des élites, donc de formation. Si on persiste dans cette voie, on court droit au mur et alors, gare aux dégâts !




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