Algérie

Les mille et une nuits



Billet du prince Camaralzaman à la Princesse de Chine CLXXXVIIème nuit Cela ne doit pas vous inquiéter, reprit la dame; tant pis pour lui s’il fait des fautes, il les payera. Ne songeons plus à lui; songeons seulement à nous réjouir». Ils continuèrent de tenir table, avec d’autant plus d’agrément qu’Amgiad n’était plus inquiet comme auparavant de ce qui arriverait à l’indiscrétion de la dame, qui ne devait pas forcer la porte, quand même la maison eût appartenu à Amgiad. Il ne fut pas moins de belle humeur que la dame, et ils se dirent mille plaisanteries, en buvant plus qu’ils ne mangeaient, jusqu’à l’arrivée de Bahader, déguisé en esclave. Bahader entra comme un esclave, bien mortifié de voir que son maître était en compagnie et de ce qu’il revenait si tard. Il se jeta à ses pieds en baisant la terre pour implorer sa clémence; et, quand il se fut relevé, il demeura debout, les mains croisées et les yeux baissés, en attendant qu’il lui commandât quelque chose. «Méchant, esclave, lui dit Amgiad, avec un œil et un ton de colère, dis-moi s’il y a au monde un esclave plus méchant que toi? Où as-tu été? Qu’as-tu fait, pour revenir à l’heure qu’il est? -Seigneur, reprit Bahader, je vous demande pardon; je viens de faire les commissions que vous m’avez données; je n’ai pas cru que vous dussiez revenir de si bonne heure. -Tu es un maraud, repartit Amgiad, et je te rouerai de coup, pour t’apprendre à mentir et à manquer à ton devoir». Il se leva, prit un bâton et lui en donna deux ou trois coups assez légèrement; après quoi il se remit à table. La dame ne fut pas contente de ce châtiment: elle se leva à son tour, prit le bâton, et en chargea Bahader de tant de coups, sans l’épargner, que les larmes lui en vinrent aux yeux. Amgiad, scandalisé au dernier point de la liberté qu’elle se donnait, et de ce qu’elle maltraitait un officier du roi de cette importance, avait beau crier que c’était assez, elle frappait toujours: «Laissez-moi faire, disait-elle, je veux me satisfaire et lui apprendre à ne pas s’absenter si longtemps une autre fois». Elle continuait toujours avec tant de furie, qu’il fut contraint de se lever et de lui arracher le bâton, qu’elle ne lâcha qu’après beaucoup de résistance. Comme elle vit qu’elle ne pouvait plus battre Bahader, elle se remit à sa place et lui dit mille injures. Bahader essuya ses larmes et demeura debout, pour verser à boire. Lorsqu’il vit qu’ils ne buvaient et ne mangeaient plus, il desservit, il nettoya la salle, il mit toutes choses en leur lieu; et, dès qu’il fut nuit, il alluma les bougies. A chaque fois qu’il sortait ou qu’il entrait, la dame ne manquait pas de le gronder, de le menacer et de l’injurier, avec un grand mécontentement de la part d’Amgiad, qui voulait le ménager, et n’osait rien lui dire. Lorsqu’il fut temps de se coucher, Bahader leur prépara un lit sur le sofa et se retira dans une chambre où il ne fut pas longtemps à s’endormir, après une si longue fatigue. A suivre...


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