Algérie

Les mille et une nuits



Billet du prince Camaralzaman à la Princesse de Chine CLXXXIIe nuit (Suite) Comme les deux reines ne s’étaient pas fait un secret de leur passion et qu’elles n’avaient pas le front de le déclarer de bouche au prince que chacune aimait en particulier, elles convinrent de s’en expliquer chacune par un billet; et, pour l’exécution d’un dessein si pernicieux, elles profitèrent de l’absence du roi Camaralzaman pour une chasse de trois ou quatre jours. Le jour du départ du roi, le prince Amgiad présida au conseil et rendit la justice jusqu’à deux ou trois heures après midi. A la sortie du conseil, comme il rentrait dans le palais, un eunuque le prit en particulier et lui présenta un billet de la part de la reine Haïatalnefous. Amgiad le prit et le lut avec horreur. «Quoi! perfide, dit-il à l’eunuque en achevant de lire et en tirant le sabre, est-ce là la fidélité que tu dois à ton maître et à ton roi?» En disant ces paroles, il lui trancha la tête. Après cette action, Amgiad, transporté de colère, alla trouver la reine Badoure, sa mère, d’un air qui marquait son ressentiment, lui montra le billet et l’informa du contenu, après lui avoir dit de quelle part il venait. Au lieu de l’écouter, la reine Badoure se mit en colère elle-même. «Mon fils, reprit-elle, ce que vous me dites est une calomnie et une imposture la reine Haïatalnefous est sage et je vous trouve bien hardi de me parler contre elle avec cette insolence». Le prince s’emporta contre la reine sa mère à ces paroles. «Vous êtes toutes plus méchantes les unes que les autres! s’écria-t-il; si je n’étais retenu par le respect que je dois au roi mon père, ce jour serait le dernier de la vie d’Haïatalnefous». La reine Badoure pouvait bien juger, par l’exemple de son fils Amgiad, que le prince Assad, qui n’était pas moins vertueux, ne recevrait pas plus favorablement la déclaration semblable qu’elle avait à lui faire. Cela ne l’empêcha pas de persister dans un dessein si abominable, et elle lui écrivit aussi, le lendemain, un billet qu’elle confia à une vieille qui était entrée dans le palais. La vieille prit aussi son temps de rendre le billet au prince Assad, à la sortie du conseil, où il venait de présider à son tour. Le prince le prit et, en le lisant, il se laissa emporter à la colère si vivement que, sans se donner le temps d’achever, il tira son sabre et punit la vieille comme elle le méritait. Il courut à l’appartement de la reine Haïatalnefous, sa mère, le billet à la main; il voulut le lui montrer; mais elle ne lui en donna pas le temps, ni même celui de parler. «Je sais ce que vous me voulez, s’écria-t-elle, et vous êtes aussi impertinent que votre frère Amgiad. Retirez-vous et ne paraissez jamais devant moi». Assad demeura interdit à ces paroles, auxquelles il ne s’était pas attendu, et elles le mirent dans un transport dont il fut sur le point de donner des marques funestes; mais il se retint et se retira sans répliquer, de crainte qu’il ne lui échappât de dire quelque chose d’indigne de sa grandeur d’âme. Comme le prince Amgiad avait eu la retenue de ne lui rien dire du billet qu’il avait reçu le jour d’auparavant, et que ce que la reine sa mère venait de lui dire lui faisait comprendre qu’elle n’était pas moins criminelle que la reine Badoure, il alla lui faire un reproche obligeant de sa discrétion et mêler sa douleur avec la sienne. A suivre...




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