Algérie

Les mille et une nuits



Billet du prince Camaralzaman à la Princesse de Chine CLXXVIIIe nuit (Suite) Le lendemain matin, pendant que la princesse Badoure recevait, dans une assemblée générale, les compliments de toute la cour au sujet de son mariage et comme nouveau roi, le roi Armanos et la reine se rendirent à l’appartement de la nouvelle reine, leur fille, et s’informèrent d’elle comment elle avait passé la nuit. Au lieu de répondre, elle baissa les yeux, et la tristesse qui parut sur son visage fit assez connaître qu’elle n’était pas contente. Pour consoler la princesse Haïatalnefous: «Ma fille, lui dit le roi Armanos, cela ne doit pas vous faire de la peine; le prince Camaralzaman, en abordant ici, ne songeait qu’à se rendre au plus tôt auprès du roi Schahzaman, son père. Quoique nous l’ayons arrêté par un moyen dont il a lieu d’être bien satisfait, nous devons croire néanmoins qu’il a un grand regret d’être privé tout à coup de l’espérance même de le revoir jamais, ni lui, ni personne de sa famille. Vous devez donc attendre que, quand ces mouvements de tendresse filiale se seront un peu ralentis, il en usera avec vous comme un bon mari». La princesse Badoure, sous le nom de Camaralzaman, roi de l’île d’Ébène, passa toute la journée non seulement à recevoir les compliments de sa cour, mais même à faire la revue des troupes réglées de sa maison et à plusieurs autres fonctions royales, avec une dignité et une capacité qui lui attirèrent l’approbation de tous ceux qui en furent témoins. Il était nuit quand elle rentra dans l’appartement de la reine Haïatalnefous, et elle connut fort bien, à la contrainte avec laquelle cette princesse la reçut, qu’elle se souvenait de la nuit précédente. Elle tâcha de dissiper ce chagrin par un long entretien qu’elle eut avec elle, dans lequel elle employa tout son esprit (et elle en avait infiniment) pour lui persuader qu’elle l’aimait parfaitement. Elle lui donna enfin le temps de se coucher, et, dans cet intervalle, elle se mit à faire sa prière; mais elle la fit si longue, que la reine Haïatalnefous s’endormit. Alors elle cessa de prier et elle se coucha près d’elle sans l’éveiller, autant affligée de jouer un personnage qui ne lui convenait pas que de la perte de son cher Camaralzaman, après lequel elle ne cessait de soupirer. Elle se leva, le jour suivant, à la pointe du jour, avant que Haïatalnefous fût éveillée et alla au conseil avec l’habit royal. Le roi Armanos ne manqua pas de voir encore la reine sa fille ce jour-là, et il la trouva dans les pleurs et dans les larmes. Il n’en fallut pas davantage pour lui faire connaître le sujet de son affliction. Indigné de ce mépris, à ce qu’il s’imaginait, dont il ne pouvait comprendre la cause: «Ma fille, lui dit-il, ayez encore patience jusqu’à la nuit prochaine; j’ai élevé votre mari sur mon trône; je saurai bien l’en faire descendre et le chasser avec honte, s’il ne vous donne la satisfaction qu’il doit. Dans la colère où je suis de vous voir traitée si indignement, je ne sais même si je me contenterai d’un châtiment si doux. Ce n’est pas à vous, c’est à ma personne qu’il fait un affront si sanglant». Le même jour, la princesse Badoure rentra fort tard chez Haïatalnefous. Comme la nuit précédente, elle s’entretint de même avec elle et voulut encore faire sa prière pendant qu’elle se coucherait; mais Haïatalnefous la retint et l’obligea de se rasseoir.   A suivre...


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