Histoire des amours de Camaralzaman, prince de l’île des Enfants de Khaledan, et de Badoure, princesse de la Chine
CLXXIIe nuit (Suite)
Ces paroles de Marzavan donnèrent de la curiosité au prince Camaralzaman, qui ouvrit les yeux et le regarda. Marzavan, qui avait infiniment d’esprit, profita de ce moment et lui fit son compliment en vers sur-le-champ, quoique d’une manière enveloppée, où le roi et le grand vizir ne comprirent rien. Il lui dépeignit si bien ce qui lui était arrivé avec la princesse de la Chine, qu’il ne lui laissa pas lieu de douter qu’il ne la connût et qu’il ne pût lui en apprendre des nouvelles. Le prince en eut d’abord une joie dont il laissa paraître des marques dans ses yeux et sur son visage. Quand Marzavan eut achevé son compliment en vers, qui surprit le prince Camaralzaman si agréablement, le prince prit la liberté de faire signe de la main au roi son père de vouloir bien s’ôter de sa place et de permettre que Marzavan s’y mît. Le roi, ravi de voir, dans le prince son fils, un changement qui lui donnait bonne espérance, se leva, prit Marzavan par la main et l’obligea de s’asseoir à la même place qu’il venait de quitter. Il lui demanda qui il était et d’où il venait; et après que Marzavan lui eut répondu qu’il était sujet du roi de Chine et qu’il venait de ses États: «Dieu veuille, dit-il, que vous tiriez mon fils de sa mélancolie! Je vous en aurai une obligation infinie, et les marques de ma reconnaissance seront si éclatantes, que toute la terre reconnaîtra que jamais service n’aura été mieux récompensé. «En achevant ces paroles, il laissa le prince son fils dans la liberté de s’entretenir avec Marzavan, pendant qu’il se réjouissait d’une rencontre si heureuse avec son grand vizir. Marzavan s’approcha de l’oreille du prince Camaralzaman; et, en lui parlant bas: «Prince, dit-il, il est temps désormais que vous cessiez de vous affliger si impitoyablement. La dame pour qui vous souffrez m’est connue: c’est la princesse Badoure, fille du roi de Chine, qui se nomme Gaïour. Je puis vous en assurer, sur ce qu’elle m’a appris de la vôtre. La princesse ne souffre pas moins pour l’amour de vous que vous ne souffrez pour l’amour d’elle». Il lui fit ensuite le récit de tout ce qu’il savait de l’histoire de la princesse, depuis la nuit fatale où ils s’étaient entrevus d’une manière si peu croyable; il n’oublia pas le traitement que le roi de Chine faisait à ceux qui entreprenaient en vain de guérir la princesse Badoure de sa folie prétendue. «Vous êtes le seul, ajouta-t-il, qui puissiez la guérir parfaitement et vous présenter pour cela sans crainte. Mais, avant d’entreprendre un si long voyage, il faut que vous vous portiez bien: alors nous prendrons les mesures nécessaires. Songez donc incessamment au rétablissement de votre santé». Le discours de Marzavan fit un puissant effet; le prince Camaralzaman en fut tellement soulagé par l’espérance qu’il venait de concevoir, qu’il se sentit assez de force pour se lever et ria le roi son père de lui permettre de s’habiller, d’un air qui lui donna une joie incroyable.
A suivre...
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Posté Le : 20/10/2008
Posté par : sofiane
Source : www.voix-oranie.com