Algérie

Les mille et une nuits



Histoire des amours de Camaralzaman, prince de l’île des Enfants de Khaledan, et de Badoure, princesse de la Chine CLXXIe nuit (Suite) Quoique la nourrice, mère de Marzavan, fût très occupée auprès de la princesse de Chine, elle n’eut pas néanmoins plus tôt appris que ce cher fils était de retour, qu’elle trouva le temps de sortir, de l’embrasser et de s’entretenir quelques moments avec lui. Après qu’elle lui eut raconté, les larmes aux yeux, l’état pitoyable où était la princesse et le sujet pour lequel le roi de Chine lui faisait ce traitement, Marzavan lui demanda si elle ne pouvait pas lui procurer le moyen de la voir en secret sans que le roi en eût connaissance. Après que la nourrice y eut pensé quelques moments «Mon fils, lui dit-elle, je ne puis rien vous dire là-dessus présentement; mais attendez-moi demain, à la même heure, je vous en donnerai la réponse». Comme, après la nourrice, personne ne pouvait s’approcher de la princesse que par la permission de l’eunuque qui commandait à la garde de la porte, la nourrice, qui savait qu’il était dans le service depuis peu et qu’il ignorait ce qui s’était passé auparavant à la cour du roi de Chine, s’adressa à lui. «Vous savez, lui dit-elle, que j’ai élevé et nourri la princesse; vous ne savez peut-être pas de même que je l’ai nourrie avec une fille de même âge, que j’avais alors et que j’ai mariée il n’y a pas longtemps. La princesse, qui lui fait l’honneur de l’aimer toujours, voudrait bien la voir; mais elle souhaite que cela se fasse sans que personne la voie ni entrer ni sortir». La nourrice voulait parler davantage; mais l’eunuque l’arrêta. «Cela suffit, lui dit-il; je ferai toujours avec plaisir tout ce qui sera en mon pouvoir pour obliger la princesse: faites venir ou allez prendre votre fille vous-même, quand il sera nuit, et amenez-la après que le roi se sera retiré: la porte lui sera ouverte». Dès qu’il fut nuit, la nourrice alla trouver son fils Marzavan. Elle le déguisa elle-même en femme, d’une manière que personne n’eût pu s’apercevoir que c’était un homme et l’amena avec elle. L’eunuque, qui ne douta pas que ce ne fût sa fille, leur ouvrit la porte et les laissa entrer ensemble. Avant de présenter Marzavan, la nourrice s’approcha de la princesse: «Madame, lui dit-elle, ce n’est pas une femme que vous voyez; c’est mon fils Marzavan, nouvellement arrivé de ses voyages, que j’ai trouvé moyen de faire entrer sous cet habillement. J’espère que vous voudrez bien qu’il ait l’honneur de vous rendre ses respects». Au nom de Marzavan, la princesse témoigna une grande joie: «Approchez-vous, mon frère, dit-elle aussitôt à Marzavan, et ôtez ce voile: il n’est pas défendu à un frère et à une sœur de se voir à visage découvert». Marzavan la salua avec un grand respect; et sans lui donner le temps de parler: «Je suis ravie, continua la princesse, de vous revoir en parfaite santé, après une absence de tant d’années, sans avoir mandé un seul mot de vos nouvelles, même à votre bonne mère». A suivre...


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