Algérie

Les mille et une nuits



Lettre de Schemselnihar au prince de Perse CLXIVe nuit (Suite) Pendant que le joaillier s’entretenait avec le prince de Perse, la confidente avait eu le temps de retourner au palais et d’annoncer à sa maîtresse la fâcheuse nouvelle du départ d’Ebn Thaher. Schemselnihar avait aussitôt écrit cette lettre et renvoyé sa confidente sur ses pas, pour la porter au prince incessamment, et la confidente l’avait laissée tomber par mégarde. Le joaillier fut bien aise de l’avoir trouvée ; car elle lui fournissait un beau moyen de se justifier dans l’esprit de la confidente et de l’amener au point qu’il souhaitait. Comme il achevait de la lire, il aperçut cette esclave qui la cherchait avec beaucoup d’inquiétude, en jetant les yeux de tous côtés. Il la referma promptement et la mit dans son sein; mais l’esclave prit garde à son action et courut à lui. «Seigneur, lui dit-elle, j’ai laissé tomber la lettre que vous teniez tout à l’heure à la main je vous supplie de vouloir bien me la rendre.» Le joaillier ne fit pas semblant de l’entendre et, sans lui répondre, continua son chemin jusqu’en sa maison. Il ne ferma point la porte après lui, afin que la confidente, qui le suivait, y pût entrer. Elle n’y manqua pas; et lorsqu’elle fut dans sa chambre: «Seigneur, lui dit-elle, vous ne pouvez faire aucun usage de la lettre que vous avez trouvée, et vous ne feriez pas difficulté de me la rendre, si vous saviez de quelle part elle vient et à qui elle est adressée; d’ailleurs, vous me permettrez de vous dire que vous ne pouvez pas honnêtement la retenir.» Avant que de répondre à la confidente, le joaillier la fit asseoir; après quoi il lui dit «N’est-il pas vrai que la lettre dont il s’agit est de la main de Schemselnihar, et qu’elle est adressée au prince de Perse?» L’esclave, qui ne s’attendait pas à cette demande, changea de couleur. «La question vous embarrasse, reprit-il; mais sachez que je ne vous la fais pas par indiscrétion: j’aurais pu vous rendre la lettre dans la rue; mais j’ai voulu vous attirer ici, parce que je suis bien aise d’avoir un éclaircissement avec vous. Est-il juste, dites-moi, d’imputer un événement fâcheux aux gens qui n’y ont nullement contribué? C’est pourtant ce que vous avez fait, lorsque vous avez dit au prince de Perse que c’est moi qui ai conseillé à Ebn Thaher de sortir de Bagdad pour sa sûreté. Je ne prétends pas perdre le temps à me justifier auprès de vous; il suffit que le prince de Perse soit pleinement persuadé de mon innocence sur ce point. je vous dirai seulement qu’au lieu d’avoir contribué au départ d’Ebn Thaher, j’en ai été extrêmement mortifié non pas tant par amitié pour lui que par compassion de l’état où il laissait le prince, dont il m’avait découvert le commerce avec Schemselnihar. Dès que j’ai été assuré qu’Ebn Thaher n’était plus à Bagdad, j’ai couru me présenter au prince, chez qui vous m’avez trouvé, pour lui apprendre cette nouvelle et lui offrir les mêmes services qu’il lui rendait. J’ai réussi dans mon dessein; et, pourvu que vous ayez en moi autant de confiance que vous en aviez dans Ebn Thaher, il ne tiendra qu’à vous de vous servir utilement de mon entremise. Rendez compte à votre maîtresse de ce que je viens de vous dire et assurez-la bien que, quand je devrais périr en m’engageant dans une intrigue si dangereuse, je ne me repentirai point de m’être sacrifié pour deux amants si dignes l’un de l’autre.» A suivre...


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)