Algérie

Les mille et une nuits



Réponse du prince de Perse à la lettre de Schemselnihar CLXIIIe nuit (Suite) Le joaillier, ayant repris sa place auprès du prince, lui dit en souriant: «A ce que je vois, prince, vous avez des affaires importantes au palais du calife.» Le prince de Perse, fort étonné et alarmé de ce discours, répondit au joaillier: «Sur quoi jugez-vous que j’aie des affaires au palais du calife? -J’en juge, repartit le joaillier, par l’esclave qui vient de sortir. -Et à qui croyez-vous qu’appartienne cette esclave? répliqua le prince. -A Schemselnihar, favorite du calife, répondit le joaillier. Je connais, poursuivit-il, cette esclave et même sa maîtresse, qui m’a quelquefois fait l’honneur de venir chez moi acheter des pierreries. Je sais de plus que Schemselnihar n’a rien de caché pour cette esclave, que je vois, depuis quelques jours, aller et venir par les rues, assez embarrassée, à ce qu’il me semble. Je m’imagine que c’est pour quelque affaire de conséquence qui regarde sa maîtresse.» Ces paroles du joaillier troublèrent fort le prince de Perse. «Il ne me parlerait pas dans ces termes, dit-il en lui-même, s’il ne soupçonnait, ou plutôt s’il ne savait pas mon secret.» Il demeura quelques moments dans le silence, ne sachant quel parti prendre. Enfin il reprit la parole et dit au joaillier: «Vous venez de me dire des choses qui me donnent lieu de croire que vous en savez encore plus long que vous n’en dites. Il est important pour mon repos que j’en sois parfaitement éclairci: je vous conjure de ne rien dissimuler.» Alors le joaillier, qui ne demandait pas mieux, lui fit un détail exact de l’entretien qu’il avait eu avec Ebn Thaher. Ainsi il lui fit connaître qu’il était instruit du commerce qu’il avait avec Schemselnihar, et il n’oublia pas de lui dire qu’Ebn Thaher, effrayé du danger où sa qualité de confident le jetait, lui avait fait part du dessein qu’il avait de se retirer à Balsora et d’y demeurer jusqu’à ce que l’orage qu’il redoutait se fût dissipé. «C’est ce qu’il a exécuté, ajouta le joaillier, et je suis surpris qu’il ait pu se résoudre à vous abandonner dans l’état où il m’a fait connaître que vous étiez. Pour moi, prince, je vous avoue que j’ai été touché de compassion pour vous: je viens vous offrir mes services; et, si vous me faites la grâce de les agréer, je m’engage à vous garder la même fidélité qu’Ebn Thaher. Je vous promets d’ailleurs plus de fermeté je suis prêt à vous sacrifier mon honneur et ma vie; et, afin que vous ne doutiez pas de ma sincérité, je jure, par ce qu’il y a de plus sacré dans notre religion, de vous garder un secret inviolable. Soyez donc persuadé, prince, que vous trouverez en moi l’ami que vous avez perdu.» Ce discours rassura le prince et le consola de l’éloignement d’Ebn Thaher. «J’ai bien de la joie, dit-il au joaillier, d’avoir en vous de quoi réparer la perte que j’ai faite. Je n’ai point d’expressions capables de vous bien marquer l’obligation que je vous ai. Je prie Dieu qu’il récompense votre générosité, et j’accepte de bon cœur l’offre obligeante que vous me faites. Croiriez-vous bien, continua-t-il, que la confidente de Schemselnihar vient de me parler de vous? Elle m’a dit que c’est vous qui avez conseillé à Ebn Thaher de s’éloigner de Bagdad. Ce sont les dernières paroles qu’elle m’a dites en me quittant, et elle m’en a paru bien persuadée. A suivre...


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