Algérie

Les mille et une nuits



Réponse du prince de Perse à la lettre de Schemselnihar CLXIIe nuit Ebn Thaher, voyant que son ami le pressait si fort, lui dit: «Il est vrai que cette affaire est de la dernière conséquence. J’avais résolu de la tenir secrète; mais, comme je sais l’intérêt que vous prenez à tout ce qui me regarde, j’aime mieux vous en faire confidence que de vous laisser penser là-dessus ce qui n’est pas. Je ne vous recommande point le secret: vous connaîtrez par ce que je vais vous dire, combien il est important de le garder. «Après ce préambule, il lui raconta les amours de Schemselnihar et du prince de Perse.» Vous savez, ajouta-t-il ensuite, en quelle considération je suis à la cour et dans la ville, auprès des plus grands seigneurs et des dames les plus qualifiées. Quelle honte pour moi si ces téméraires amours venaient à être découvertes! Mais, que dis-je? ne serions-nous pas perdus, toute ma famille et moi! Voilà ce qui m’embarrasse le plus; mais je viens de prendre mon parti. Il m’est dû et je dois; je vais travailler incessamment à satisfaire mes créanciers et à recouvrer mes dettes; et, après que j’aurai mis tout mon bien en sûreté, je me retirerai à Balsora, où je demeurerai jusqu’à ce que la tempête que je prévois soit passée. L’amitié que j’ai pour Schemselnihar et pour le prince de Perse me rend très sensible au mal qui peut leur arriver; je prie Dieu de leur faire connaître le danger où ils s’exposent et de les conserver; mais si leur mauvaise destinée veut que leurs amours aillent à la connaissance du calife, je serai au moins à couvert de son ressentiment; car je ne les crois pas assez méchants pour vouloir m’envelopper dans leur malheur. Leur ingratitude serait extrême, si cela arrivait: ce serait mal payer les services que je leur ai rendus et les bons conseils que je leur ai donnés, particulièrement au prince de Perse, qui pourrait se tirer encore du précipice, lui et sa maîtresse, s’il le voulait. Il lui est aisé de sortir de Bagdad comme moi, et l’absence le dégagerait insensiblement d’une passion qui ne fera qu’augmenter, tant qu’il s’obstinera à y demeurer.» Le joaillier entendit avec une extrême surprise le récit que lui fit Ebn Thaher. «Ce que vous venez de me raconter, lui dit-il, est d’une si grande importance, que je ne puis comprendre comment Schemselnihar et le prince de Perse ont été capables de s’abandonner à un amour si violent. Quelque penchant qui les entraîne l’un vers l’autre, au lieu d’y céder lâchement, ils devaient y résister et faire un meilleur usage de leur raison. Ont-ils pu s’étourdir sur les suites fâcheuses de leur intelligence? Que leur aveuglement est déplorable! J’en vois comme vous toutes les conséquences. Mais vous êtes sage et prudent, et j’approuve la résolution que vous avez formée; c’est par là seulement que vous pouvez vous dérober aux événements funestes que vous avez à craindre.» Après cet entretien, le joaillier se leva et prit congé d’Ebn Thaher. A suivre...


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