Algérie

Les mille et une nuits



Réponse du prince de Perse à la lettre de Schemselnihar CLXIe nuit (suite) Ebn Thaher, après avoir marché quelque temps avec l’esclave confidente, la quitta et retourna dans sa maison, où il se mit à rêver profondément à l’intrigue amoureuse dans laquelle il se trouvait malheureusement engagé. Il se représenta que le prince de Perse et Schemselnihar, malgré l’intérêt qu’ils avaient de cacher leur intelligence, se ménageaient avec si peu de discrétion, qu’elle pourrait bien n’être pas longtemps secrète. Il tira de là toutes les conséquences qu’un homme de bon sens en devait tirer. «Si Schemselnihar, se disait-il à lui-même, était une dame du commun, je contribuerais de tout mon pouvoir à rendre heureux son amant et elle; mais c’est la favorite du calife, et il n’y a personne qui puisse impunément entreprendre de plaire à ce qu’il aime. Sa colère tombera d’abord sur Schemselnihar; il en coûtera la vie au prince de Perse, et je serai enveloppé dans son malheur. Cependant, j’ai mon honneur, mon repos, ma famille et mon bien à conserver il faut donc, pendant que je le puis, me délivrer d’un si grand péril.» Il fut occupé de ces pensées durant tout ce jour-là. Le lendemain matin, il alla chez le prince de Perse, dans le dessein de faire un dernier effort pour l’obliger à vaincre sa passion. Effectivement, il lui représenta ce qu’il lui avait déjà inutilement représenté; qu’il ferait beaucoup mieux d’employer tout son courage à détruire le penchant qu’il avait pour Schemselnihar que de s’y laisser entraîner; que ce penchant était d’autant plus dangereux que son rival était plus puissant. «Enfin, seigneur, ajouta-t-il, si vous m’en croyez, vous ne songerez qu’à triompher de votre amour. Autrement, vous courez risque de vous perdre avec Schemselnihar, dont la vie vous doit être plus chère que la vôtre. Je vous donne ce conseil en ami, et, quelque jour, vous m’en remercierez.» Le prince écouta Ebn Thaher assez impatiemment. Néanmoins, il le laissa dire tout ce qu’il voulut; mais, prenant la parole à son tour: «Ebn Thaher, lui dit-il, croyez-vous que je puisse cesser d’aimer Schemselnihar, qui m’aime avec tant de tendresse? Elle ne craint pas d’exposer sa vie pour moi; et vous voulez que le soin de conserver la mienne soit capable de m’occuper! Non, quelque malheur qui puisse m’arriver, je veux aimer Schemselnihar jusqu’au dernier soupir.» Ebn Thaher, choqué de l’opiniâtreté du prince de Perse, le quitta assez brusquement et se retira chez lui, où, rappelant dans son esprit ses réflexions du jour précédent, il se mit à songer fort sérieusement au parti qu’il avait à prendre. Pendant ce temps-là, un joaillier, de ses intimes amis, le vint voir. Ce joaillier s’était aperçu que la confidente de Schemselnihar allait chez Ebn Thaher plus souvent qu’à l’ordinaire et qu’Ebn Thaher était presque toujours avec le prince de Perse, dont la maladie était sue de tout le monde, sans toutefois qu’on en connût la cause; tout cela lui avait donné des soupçons. Comme Ebn Thaher lui parut rêver, il jugea bien que quelque affaire importante l’embarrassait; et, croyant être au fait, il lui demanda ce que voulait l’esclave confidente de Schemselnihar. Ebn Thaher demeura un peu interdit à cette demande et voulut dissimuler, en lui disant que c’était pour une bagatelle qu’elle venait si souvent chez lui. «Vous ne me parlez pas sincèrement, lui répliqua le joaillier, et vous m’allez persuader, par votre dissimulation, que cette bagatelle est une affaire plus importante que je ne l’ai cru d’abord.»   A suivre...


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