Algérie

Les mille et une nuits



Lettre de Schemselnihar au prince de Perse, Ali Ebn Becar CLXe nuit Comme les gens du prince étaient sortis de la chambre dès qu’ils avaient vu Ebn Thaher, afin de le laisser seul avec leur maître, Ebn Thaher alla ouvrir la porte lui-même et fit entrer la confidente. Le prince la reconnut et la reçut d’une manière fort obligeante. «Seigneur, lui dit-elle, je sais tous les maux que vous avez soufferts depuis que j’eus l’honneur de vous conduire au bateau qui vous attendait pour vous ramener; mais j’espère que la lettre que je vous apporte contribuera à votre guérison.» A ces mots, elle lui présenta la lettre. Il la prit; et, après l’avoir baisée plusieurs fois, il l’ouvrit et lut les paroles suivantes: La personne qui vous rendra cette lettre vous dira de mes nouvelles mieux que moi-même, car je ne me connais plus depuis que j’ai cessé de vous voir. Privée de votre présence, je cherche à me tromper en vous entretenant, par cas lignes mal formées, avec le même plaisir que si j’avais le bonheur de vous parler. On dit que la patience est un remède ô tous les maux; et toutefois elle aigrit les miens, au lieu de les soulager. Quoique votre portrait soit profondément gravé dans mon cœur, mes yeux souhaitent d’en revoir incessamment l’original, et ils en perdront toute leur lumière, s’il faut qu’ils en soient encore longtemps privés. Puis-je me flatter que les vôtres aient la même impatience de me voir? Oui, je le puis: ils me l’ont fait asse connaître par leurs tendres regards. Que Schemselnihar serait heureuse, et que vous seriez heureux, prince, si mes désirs, qui sont conformes aux vôtres, n’étaient pas traversés par des obstacles insurmontables! Ces obstacles m’affligent d’autant plus vivement qu’ils vous affligent vous-même. Ces sentiments, que mes doigts tracent et que j’exprime avec un plaisir incroyable, en les reflétant plusieurs fois, partent du plus profond de mon cœur et de la blessure incurable que vous y avez faite, blessure que je bénis mille fois, malgré le cruel ennui que je souffre de votre absence. Je compterais pour rien tout ce qui s’oppose à nos amours, s’il m’était seulement permis de vous voir quelquefois en liberté: je vous posséderais alors; que pourrais-je souhaiter de plus? Ne vous imaginez pas que mes paroles disent plus que je ne pense. Hélas! de quelques expressions que je puisse me servir, je sens bien que je pense plus de choses que je ne vous en dis! Mes yeux, qui sont dans une veille continuelle et qui versent incessamment des pleurs, en attendant qu’ils vous revoient; mon cœur affligé, qui ne désire que vous seul; les soupirs qui m’échappent toutes les fois que je pense à vous, c’est-à-dire à tout moment; mon imagination, qui ne me représente plus d’autre objet que mon cher prince; les plaintes que je fais au ciel de la rigueur de ma destinée; enfin, ma tristesse, mes inquiétudes, mes tourments, qui ne me donnent aucun relâche depuis que je vous ai perdu de vue, sont garants de ce que je vous écris. A suivre...


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