Algérie

Les mille et une nuits



Les mille et une nuits XCIXe nuit Schéhérazade, réveillée avant le jour, reprit ainsi la parole: Sire, Bedreddin ne passa pas tranquillement la nuit; il se réveillait de temps en temps, et se demandait à lui-même s’il rêvait ou s’il était réveillé. Il se défiait de son bonheur, et cherchant à s’en assurer, il ouvrait les rideaux et parcourait des yeux toute la chambre. «Je ne me trompe pas, disait-il, voilà la même chambre où je suis entré à la place du bossu, et je suis couché avec la belle dame qui lui était destinée». Le jour, qui paraissait, n’avait pas encore dissipé son inquiétude, lorsque le vizir Schemseddin Mohammed, son oncle, frappa à la porte, et entra presque en même temps pour lui donner le bonjour. Bedreddin Hassan fut dans une surprise extrême de voir paraître subitement un homme qu’il connaissait si bien, mais qui n’avait plus l’air de ce juge terrible qui avait prononcé l’arrêt de sa mort. «Ah! C’est donc vous, s’écria-t-il, qui m’avez traité si indignement et condamné à une mort qui me fait encore horreur, pour une tarte à la crème où je n’avais pas mis de poivre?» Le vizir se prit à rire, et pour le tirer de peine, lui conta comment, par le ministère d’un génie, car le récit du bossu lui avait fait soupçonner l’aventure, il s’était trouvé chez lui et avait épousé sa fille à la place du palefrenier du sultan. Il lui apprit ensuite que c’était par un cahier écrit de la main de Noureddin Ali qu’il avait découvert qu’il était son neveu, et enfin il lui dit qu’en conséquence de cette découverte il était parti du Caire, et était allé jusqu’à Balsora pour le chercher et apprendre de ses nouvelles. «Mon cher neveu, ajouta-t-il en l’embrassant avec beaucoup de tendresse, je vous demande pardon de tout ce que je vous ai fait souffrir depuis que je vous ai reconnu. J’ai voulu vous ramener chez moi avant que de vous apprendre votre bonheur, que vous devez retrouver d’autant plus charmant qu’il vous a coûté plus de peines. Consolez-vous de toutes vos afflictions par la joie de vous voir rendu aux personnes qui vous doivent être les plus chères. Pendant que vous vous habillerez, je vais avertir madame votre mère, qui est dans une grande impatience de vous embrasser, et je vous amènerai votre fils, que vous avez vu à Damas, et pour qui vous vous êtes senti tant d’inclination sans le connaître». Il n’y a pas de paroles assez énergiques pour bien exprimer quelle fut la joie de Bedreddin lorsqu’il vit sa mère et son fils Agib. Ces trois personnes ne cessaient de s’embrasser et de faire paraître tous les transports que le sang et la plus vive tendresse peuvent inspirer. La mère dit les choses du monde les plus touchantes à Bedreddin: elle lui parla de la douleur que lui avait causée une si longue absence et des pleurs qu’elle avait versés. Le petit Agib, au lieu de fuir, comme à Damas, les embrassements de son père, ne cessait point de les recevoir, et Bedreddin Hassan, partagé entre deux objets si dignes de son amour, ne croyait pas leur pouvoir donner assez de marques de son affection. A suivre...


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