Les migrations et expulsions de population andalouses se succédèrent, parallèlement à la Reconquête, tout au moins à partir du XIIIe siècle. La récupération du territoire par les royaumes chrétiens du Nord comportait l’absorption de la population musulmane dans certains cas, et dans d’autres cas son expulsion, suivie d’une implantation systématique de colons descendus du Nord.
L’expulsion définitive des musulmans en 1609 a été précédée de toute une série d’expulsions partielles et de sorties plus au moins massives et tolérées, entre le XIIIe siècle et le début du XVIIe siècle. Il serait très risqué de se livrer à un examen quantitatif de la population musulmane expulsée ou émigrée au cours de cette période.
Même la population de Grenade, qui avait gardé son statut musulman dans l’Espagne unifiée des Rois Catholiques, après la prise du Royaume, perd en 1502 cette qualité et est obligée de choisir entre la conversion, en se réconciliant avec la Foi Chrétienne, et l’émigration. C’est à ce moment là que commence vraiment l’histoire des Moriscos espagnols, coupés d’un sol et d’une conscience spécifiquement musulmans, les attaches étant rompues avec une Espagne de plus en plus soucieuse de pureté religieuse et de preuves montrant sa foi militante et intransigeante.
Nous désignons par Moriscos (appellation du vocabulaire espagnol) les arabo-musulmans opposés aux chrétiens, du point de vue militaire, religieux, culturel ou linguistique. Les maures ainsi chassés du contient européen, sur lequel ils avaient pris pied depuis près de huit cents ans, conçurent à l’égard des espagnols une haine implacable. Ils emportèrent dans leur exil, le désir farouche à la fois de se venger et de récupérer d’une manière ou d’une autre la valeur de leurs biens perdus. L’édit d’expulsion leur assignait la Turquie comme lieu de séjour, avec défense sous peine de mort de passer en Afrique. Néanmoins, beaucoup d’entre eux ne tardèrent pas à se fixer en Tunisie, Algérie et Maroc.
Durant l’expulsion générale et définitive en 1609, l’expulsion des Moriscos de Valence fut la première ; Elle fut réalisée en un temps record et acheminée dans une seule direction : l’enclave espagnole d’Oran et les ports d’appui d’Arzew et Mostaganem, d’où les Moriscos furent presque immédiatement filtrés vers les royaumes de Fez et de Tlemcen.
Des auteurs comme Fonseca et Rojas et l’auteur du Manuscrit de Bologne, nous disent que les Moriscos se trouvaient chaque jour davantage à la merci des attaques des arabes et des pirates. Dans ces circonstances, les Moriscos tels que les Aragonais durent se décider pour le pays qui pouvait leur garantir le meilleur accueil possible. A cette époque, c’était la Tunisie. Rappelons seulement que dans le port d’Agde, où s’embarquèrent un bon nombre d’Aragonais, se trouvait un consul turc qui les protégea et leur conseilla de se diriger vers la Tunisie, qui a cette époque était déjà une régence turque.
Tous les auteurs espagnols de l’époque se font l’écho du mauvais accueil que les africains faisaient à leurs coreligionnaires espagnols. Fonseca et Rojas écrivent que les pertes furent si nombreuses qu’il n’en resta que le quart. Bien sûr, une telle appréciation est exagérée, mais certainement, les Moriscos, eurent beaucoup de problèmes et subirent de grandes pertes à cause de la disette, de l’épuisement et des mauvaises conditions de leurs nouveaux lieux d’habitation.
Ces Moriscos, du fait de leur afflux massif, furent très mal accueillis sur les plages et dans le territoire oranais. Le gouverneur espagnol de cette région, le Duc d’Aguilar, avait négocié leur admission avec les royaumes de Fez et de Tlemcen. Mais ces régions ne pouvaient absorber sans bouleversement un si grand nombre de gens dans un laps de temps aussi court, d’autant plus que les biens que les expulsés emmenaient avec eux éveillaient l’ambition et la cupidité des naturels. Nombre de Moriscos valenciens, arrivés en 1609 dans ces lieux, furent massacrés et volés impunément.
Un bon connaisseur de cette zone à cette époque, le Père Haedo, nous dépeint l’excellent accueil que recevaient les Moriscos en arrivant à Alger, où ils retrouvaient une importante colonie de leurs compatriotes de la péninsule. Haedo, vers 1605, affirme qu’il y avait à Alger quelques « mil casas » de moriscos. Cette minorité aurait gonflé extraordinairement avec les nouveaux apports de 1609-1614.
En Maroc, ce furent les Moriscos andalous, en suivant un courant d’immigration qui venait des derniers siècles du moyen âge : on peut dire que l’Andalousie musulmane, avec sa culture rayonnante, s’était déversée sur le Maroc pendant son agonie, pour donner lieu à une nouvelle renaissance en territoire marocain.
En Tunisie, nous retrouvons quelques groupes de Moriscos valenciens, une très forte majorité d’aragonais et aussi un bon contingent de castillans.
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Posté Le : 17/08/2010
Posté par : hawzi
Source : Extrait de la thèse de doctorat inédite Los moriscos españoles emigrados al norte de Africa, después de la expulsión. Traduction de l’extrait par J. et C. Penella, révision de M. de Epalza et J. Servage