Moscou remet les gaz
Il y a désormais entre Alger et Moscou une affaire qui peut s?appeler « Les chasseurs Mig ». Si l?armée algérienne garde complètement le silence sur ce contrat passé avec l?industrie militaire russe, à Moscou le journal Kommersant, proche des milieux d?affaires, a annoncé hier que l?Algérie va restituer 15 chasseurs Mig 29 au fournisseur. La compagnie aéronautique unifiée russe (OAK), qui concentre l?ensemble de l?industrie aéronautique russe, a informé le journal qu?un accord relatif à ce « retour à l?envoyeur » a été établi avec les autorités militaires algériennes. Le service fédéral pour la coopération militaire et technique de la Russie et la firme Rosoboronexport, qui s?occupe de la vente à l?étranger du matériel de guerre, ont apposé leur signature à cet accord, tenu secret à Alger. D?après Kommersant, le premier à avoir révélé « le petit » scandale de vente d?avions militaires usés à l?Algérie, les 15 Mig 29 ont été livrés en 2006 et 2007. Aucun officiel russe n?a expliqué les raisons qui ont amené le constructeur Russian Aircraft Corporation (RAC, anciennement Mikoyan Gourevitch ) à vendre à l?Algérie des appareils déjà utilisés. Cela porte un nom : l?arnaque. Curieusement, les hauts officiers algériens n?ont fait aucun tapage même si les sommes engagées pour l?achat sont astronomiques. Le double contrat d?achat d?armement multiple établi entre l?Algérie et la Russie, après la visite à Alger du président Vladimir Poutine en 2006, tourne autour de 14 milliards de dollars. Il est question à Moscou de remplacer les vieux 15 Mig 29 par des avions plus sophistiqués les Mig 35 et Mig 29M2. Si tel est le cas, la Russie fait preuve d?une grande confiance en l?Algérie. La raison est simple : le chasseur Mig 35 vient tout juste de sortir des usines. Sa première apparition publique internationale remonte à début février 2008. Il a été exposé au salon Aero India 2007. C?est un avion de combat équipé d?un radar à système optronique doté de technologies spatiales. Le chasseur tactique polyvalent Mig 29 M2 est tout aussi nouveau et ultrasophistiqué. Les deux appareils font partie du groupe performant composé également du Mig 29K et Mig 29KUB. La Russie n?a proposé, pour l?instant, qu?à l?Inde, son partenaire traditionnel, la vente de ces dernier-nés de son industrie aéronautique. New Delhi a lancé un avis d?appel d?offres pour la livraison de 130 avions de combat. « La corporation Mig espère remporter le concours et pouvoir ainsi livrer plus de 100 chasseurs Mig 35 à l?Inde », a déclaré Alexeï Fiodorov, le directeur général de la RAC, cité par l?agence russe Ria Novosti. Sur ce marché, une forte concurrence est livrée à la Russie par les américains Lockheed Martin et Boeing et l?européen Eurofighter (fabriqué par EADS). Cette concurrence n?existe pas sur le marché algérien. L?Algérie n?a lancé aucun avis d?appel d?offres pour l?achat de chasseurs et de chasseurs-bombardiers. Elle préfère traiter directement avec les constructeurs russes. Par tradition ? Cela dit, il y a derrière l?affaire des Mig quelque chose d?anormal. « Le problème des Mig n?est apparu il y a que six mois : jusque-là l?Algérie était un des consommateurs les plus fidèles d?armements russes », souligne Rouslan Poukhov, directeur du Centre d?analyse de stratégies et de technologies, cité par l?agence française AFP. D?après lui, la décision des autorités algériennes de rendre les Mig est la conséquence de « pressions exercées par les nouvelles autorités françaises sur Alger ». Paris souhaite vendre à l?Algérie l?avion de combat Rafale, refusé, jusque-là, par plusieurs pays comme la Corée du Sud, le Maroc, les Pays-Bas et l?Arabie Saoudite. Le Maroc a, fin 2007, choisi d?acheter des chasseurs F16 américains grâce à une aide financière de Washington. La bureaucratie militaire française a fait rater l?opportunité de vendre des Rafale au Maroc. Si sur le plan technique et opérationnel le Rafale est parfait, il traîne la mauvaise réputation d?être trop cher (autour de 53 millions d?euros l?unité). Andreï Maslov, directeur du centre Rosafroekspertiza, a livré, en décembre 2007, une analyse au journal Kommersant sur la Russie qui « perd pied en Algérie ». Selon lui, les critiques sur la qualité du matériel de guerre fourni par la Russie sont, principalement, venues de l?entourage civil du président Abdelaziz Bouteflika. Des critiques qui ont coïncidé avec l?annulation du mémorandum d?entente établi en 2006 entre Sonatrach et le géant russe Gazprom. « La situation s?est détériorée pour la Russie, car la pression extérieure sur l?Algérie a coïncidé avec l?aggravation de la lutte entre les clans et les groupes d?influence à l?intérieur de ce pays, comme toujours, pour le contrôle des ressources énergétiques », a observé Andreï Maslov. Abdelaziz Bouteflika, qui est depuis hier à Moscou pour une visite officielle de deux jours, est accompagné d?une délégation de hauts officiers de l?armée menée par le général Abdelmalek Guenaïzia, ministre délégué auprès du ministre de la Défense. Cette délégation, arrivée lundi à Moscou, aura à préparer le terrain à la rencontre qu?aura le président algérien aujourd?hui avec son homologue russe. La coopération militaire est l?un des axes prioritaires au deuxième déplacement de Abdelaziz Bouteflika en Russie depuis son arrivée au pouvoir en 1999. L?armée algérienne, dont la plupart des hauts gradés ont été formés en Russie, en ex-Union soviétique, considère la Russie comme « un partenaire privilégié », appelé à prendre part au « programme de modernisation de l?ANP ». Le dossier de l?Opep du gaz, dont l?annonce officielle de création est prévue en juin 2008 à Moscou, sera également abordé lors de cette visite. Alger aspire à « approfondir les consultations » avec la Russie sur ce projet, fortement défendu par l?Iran et le Venezuela. Le ministre de l?Energie et des Mines, Chakib Khelil, fait partie de la délégation présidentielle qui a fait le déplacement à Moscou. Il en est de même du ministre des Finances, Karim Djoudi. La Russie serait, dit-on, intéressé par la réforme bancaire en Algérie et des possibilités d?investissement dans ce domaine. Alger et Moscou sont liées, depuis 2001, par un partenariat stratégique qui n?a toujours pas de contenu consistant même si les échanges entre les deux pays ont tendance à augmenter (640 millions de dollars en 2006). Mais, les investissements directs russes en Algérie n?ont pas dépassé les... 50 millions de dollars.
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Posté Le : 19/02/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : Faycal Metaoui
Source : www.elwatan.com