Algérie

LES MEDIAS VISITENT LE COMPLEXE GAZIER Retour sur la prise d'otages de Tiguentourine



Les médias algériens et étrangers ont pu se rendre jeudi à Tiguentourine, lieu de la prise d'otages qui s'est déroulée dans le complexe gazier. Actuellement en cours de rénovation, les installations industrielles devraient reprendre la production dans un mois. L'armée a renforcé le dispositif pour assurer la sécurité de l'ensemble de la région.
De notre envoyé à In Aménas Tarek Hafid
Tiguentourine garde encore les séquelles de quatre jours d'horreur. Les traces de la violence des terroristes et des assauts répétés de l'armée algérienne sont visibles partout. Dans la base de vie, les murs et les vitres du poste de contrôle et du réfectoire témoignent de l'intensité des tirs. Sur la route qui mène vers l'unité traitement de gaz, on peut apercevoir les carcasses carbonisées des véhicules tout-terrains utilisés par les terroristes. Précieuse pièce à conviction, le tas de ferraille est gardé par des gendarmes lourdement armés. Au sein du site de production, les regards sont automatiquement attirés par la noirceur d'une partie de l'installation industrielle. C'est à cet endroit précisément que les derniers membres du groupe terroriste ont fait exploser les charges explosives. Folie suicidaire qui a coûté la vie à 7 otages étrangers.
L'hommage aux absents
Les 150 journalistes algériens et étrangers qui se sont rendus, jeudi, à Tiguentourine ont enfin pu «mettre des lieux sur des noms», pour reprendre l'expression d'un journaliste d'une agence de presse. Mais il n'y a pas que les installations qui portent les stigmates de la catastrophe de Tiguentourine. Les séquelles transparaissent surtout dans les propos et les regards des dizaines de travailleurs algériens. Lotfi Benadouda, directeur général du complexe gazier, ne cache pas son affliction. «Nous avons vécu une situation très difficile. J'ai perdu de nombreux amis», insiste-t-il face aux journalistes. Malgré la douleur, l'homme répétera inlassablement, en arabe, en anglais et en français, la tragédie qu'il a subie. «J'étais dans la partie réservée à l'hébergement des cadres du complexe lorsque les terroristes ont pénétré dans la base de vie. Ils ont séparé le personnel. Les Algériens ont été placés dans le réfectoire et les expatriés ont été rassemblés à l'extérieur, dans la cour. Ils leur ont mis des colliers d'explosifs. Pour ma part, ce n'est qu'après plusieurs heures que les terroristes se sont rendu compte que j'étais le directeur du site. Ils m'ont chargé de transmettre leurs revendications aux autorités algériennes. J'ai été frappé à deux reprises par un terroriste égyptien qui considérait que je ne répétais pas fidèlement leurs volontés», explique Lotfi Benadouda. Dans leurs récits, les travailleurs font tous référence à la détermination du groupe à la solde de Belmokhtar et à l'intensité de la violence. Tous rendent hommage à leurs amis de British Petroleum, Statoil et JGC ainsi qu'au jeune agent de sécurité Mohamed-Amine Lahmar qui a actionné l'alarme pour donner l'alerte. Cependant, certains travailleurs refusent de parler malgré l'insistance des journalistes étrangers. Pour prendre en charge les personnes victimes de stress post-traumatique, la Sonatrach a mis en place des cellules d'écoute.
Réouverture imminente
Mais pour l'heure, la priorité des employés de Tiguentourine consiste à remettre en marche les installations de production. L'objectif est de parvenir à un taux de production de 35% dans un délai d'un mois. Un challenge que devront relever les ingénieurs et les techniciens de la Sonatrach puisque les personnels de BP et Statoil ne reviendront pas à Tiguentourine avant trois mois. Les partenaires de la compagnie pétrolière algérienne apporteront néanmoins une «assistance à distance ». «Nous avions prévu de remettre en marche les installations quelques jours après la prise d'otages. Mais nous avions constaté qu'il y avait encore des explosifs dans certaines parties du complexe. Actuellement, nous procédons à des vérifications minutieuses pour nous assurer qu'il n'y a aucun impact de balles dans les structures », a indiqué Lotfi Benadouda. Selon lui, le redémarrage devrait concerner le train de production numéro 1 car c'est celui qui a subi «le moins de dommage». Sur le plan financier, la facture risque d'être très lourde. Depuis le premier jour de la prise d'otages et l'arrêt des installations, les trois partenaires subissent un manque à gagner estimé à 14 millions de dollars par jour.
Priorité à la sécurité
Sur le plan sécuritaire, la région d'In Aménas reste en alerte maximum. Une partie du dispositif de l'ANP est visible dès l'arrivée à l'aéroport. Sur le tarmac, deux hélicoptères anti-char MI 24 Super Hynd, sûrement ceux qui ont participé à la couverture aérienne lors de l'opération militaire des unités spéciales. A proximité des appareils soviétiques, sont parqués deux Beechcraft 1900 D. D'apparence anodine, ces avions sont équipés de caméras et de systèmes électroniques qui permettent d'assurer une surveillance de la zone à haute altitude. Les militaires ont également pris en charge la gestion de la sécurité au niveau des installations industrielles. A Tiguentourine, la surveillance de l'usine de traitement de gaz et de la base de vie est assurée par des para-commandos, des fantassins et des gendarmes des Sections de sécurité et d'intervention. Des véhicules blindés BTR 80 ont été placés à l'entrée de chaque site. L'objectif de ce «voyage presse» semble avoir été atteint : les autorités algériennes ont démontré la complexité que représentait l'intervention de libération des otages. Sur le plan de la communication, la visite de Tiguentourine aurait pu être «complète» si les journalistes avaient eu en face d'eux des personnes habilitées à évoquer des questions essentielles. En matière de sécurité, qui était réellement responsable ' Pourquoi avoir permis à BP de confier la gestion du site à une entreprise de sécurité étrangère alors que l'activité de ce type d'entité est totalement interdite par la législation algérienne' Y a-t-il eu réellement des complicités ' Qu'en est-il réellement de cette société de location de véhicules sous contrat avec BP et qui appartiendrait à un membre de la famille d'un «émir» d'Aqmi ' Autant de questions qui restent en suspens. En attendant la tenue du procès de Tiguentourine.


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