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Les médias français zappent la photo du petit Aylan



Les médias français zappent la photo du petit Aylan
«Je ne comprendrai jamais pourquoi les survivants d'un drame se sentent obligés de faire croire qu'ils sont plus à plaindre que ceux qui y ont laissé leur peau.» L'Attentat, Yasmina Khadra, éd. Pocket, 2005, p. 84C'était la honte pour les Français jeudi matin à la Une des journaux locaux. Alors que toute la presse européenne anglaise, espagnole, allemande, turque et italienne, faisait la Une avec la photo de l'enfant syrien noyé, la presse écrite française dans son ensemble à l'exception du journal Le Monde a zappé cette photo choc, qui a fait le tour du monde la veille avec les télévisions d'information continue et les réseaux sociaux. Certaines chaînes comme Itélé ont critiqué ce léger traitement de la presse écrite hexagonale.Son occultation par la totalité des quotidiens français, a même provoqué un tollé obligeant le président français François Hollande à convoquer en urgence une réunion de crise à l'Elysée sur la dramatique question des migrants. En France, hormis La Montagne dans ses pages intérieures ou Le Monde en Une de son édition de vendredi, la presse française avait plutôt consacré sa manchette à la colère des agriculteurs. Interrogé par 20 Minutes, Sean O'Grady, rédacteur en chef au quotidien britannique The Independent, qui a mis la photo quasiment en pleine page, s'en est étonné. «Normalement, nous ne publions pas ce genre de photos, car pénibles à voir, poursuit-il. Mais là, nous voulions qu'elle entraîne une prise de conscience, auprès du gouvernement comme de l'opinion.» Alors l'omission ou banalisation, la non-publication de cette photo choc par les médias français alors que les réseaux sociaux en première ligne Facebook ensuite Twitter avaient largement relayé cette photo terrible d'un enfant frêle qui gisait au bord de la rive, le visage dans le sable et le corps sans vie. Dans son blog consacré aux médias, Renaud Revel, journaliste et spécialiste de la communication, s'étonne et dénonce: «Il aura fallu qu'un gamin échoue sur une plage de Turquie sous l'objectif d'un photographe, dont le cliché risque de lui valoir, -et c'est le plus sordide-, un tombereau de distinctions, pour qu'une poignée de dirigeants politiques incapables de répondre à l'une des exodes les plus considérables qu'ait connue l'humanité depuis la Seconde Guerre mondiale, se décident à bouger. L'attitude des médias n'en est pas moins incompréhensible, insolite et déroutante. On peine à comprendre ce qui a pu inciter l'ensemble des patrons de rédactions de ce pays à oblitérer cette photo.» Pour de nombreux spécialistes français, la presse locale n'a pas zappé la photo, mais ne voulait pas heurter la sensibilité des Français sur un drame qui a été déjà mal géré par les autres membres de la communauté européenne. Ainsi, pour Jean-Marie Charon, spécialiste des médias, son avis sur l'écart entre les médias européens est tout à fait intéressant et affirme qu'il est passionnant de voir les échanges mercredi soir sur Twitter, l'attitude de la presse française, alors que dans le même temps circulaient ces photos sur les réseaux sociaux et en Une des journaux anglo-saxons. «C'est intéressant de voir comment la presse française va réagir à contre-temps.» Pour Renaud Revel, l'effet d'accumulation d'images de migrants échouant sur les côtes méditerranéennes, qui viennent grossir chaque jour celles de la veille, a créé au fil des semaines un phénomène de banalisation. Cette polémique a été rattrapée hier par certains quotidiens qui voulaient expliquer comme le quotidien Le Monde les raisons de cette faute éditoriale et cette ignorance humaine.[email protected] /* */




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