« C'est sur les
chaises que la noblesse s'acquiert ». Montesquieu(1)
La mathématique
est la science qui étudie par le moyen du raisonnement déductif les propriétés
d'êtres abstraits (nombres, figures géométriques, fonctions, espaces, etc.)
ainsi que les relations qui s'établissent entre eux [Larousse 2007].
Elle exclut toute
incertitude, toute inexactitude. L'enseignement des mathématiques a périclité,
lui qui était il y a une trentaine d'années, l'un des meilleurs dans le bassin
méditerranéen. Un bac mathématique Algérien ouvrait déjà les portes des
Universités françaises, anglaises, américaines, soviétiques etc. Au cycle
secondaire de l'éducation, la pénurie de professeurs agrégés de qualité est
dramatique et a atteint des proportions catastrophiques. Un ancien responsable
du MEN, Ministère de l'Education Nationale, a reconnu que : « Dans les
dernières années on a commis dans notre pays de graves erreurs en négligeant
ces derniers paliers ou en faisant de mauvais choix stratégiques de l'éducation
(2) ». Selon le directeur d'un laboratoire de mathématiques d'une école de
formation d'enseignants, le MEN veut lancer l'agrégation et a tenu tout
récemment avec les ENS, écoles normales supérieures, des réunions autour de ce
sujet. Le problème est que cette agrégation n'a rien à voir avec l'agrégation
française; en Algérie elle est conçue comme un moyen de promotion d'une certaine
catégorie d'enseignants du lycée sans se référer au «niveau » scientifique.
Une seconde fois,
en France, pays natal de Pascal, Descartes, d'Alembert, Cauchy etc., et en
mathématiques, pour devenir «professeur agrégé», il est indispensable de connaître
« par cÅ“ur » le cursus de la graduation, énoncés d'axiomes, de définitions, de
théorèmes, de propositions etc., et leurs démonstrations. Ce genre de
professeurs est très pédagogue. Il donne des cours très agréables. Leur
pédagogie est révélatrice de la « transmission du savoir ». De nos jours, on
peut même ne trouver qu'une seule classe de mathématiques dans toute une
Wilaya.
Platon (3) ne
voulait pas qu'on apprit la géométrie jusqu'aux figures difficiles, il n'en
voyait pas l'utilité. Elles suffiraient à occuper toute la vie d'un homme et le
détourneraient de beaucoup d'autres sciences utiles. Les notions géométriques
sont, en effet, immuables et éternelles, et de plus, elles nous introduisent à
la connaissance des lois de l'univers.
LES MATHEMATIQUES
DANS LES ENSEIGNEMENTS SECONDAIRE ET SUPERIEUR
La spécialisation
en mathématiques n'est une perte pour l'étudiant que dans la mesure où elle
aboutit à le confiner, à l'isoler, sauf si cet «isolement» favorise une
meilleure production scientifique. Elle ne l'est pas lorsqu'elle s'accompagne
d'un travail collectif, d'une grande liberté et des moyens de cette liberté,
d'une gestion réellement démocratique de l'enseignement. Des questions se
posent. Les étudiants vont-ils à l'Université pour acquérir des connaissances
ou pour recevoir une formation ou les deux ? L'étude d'un problème de
mathématiques, est-elle une étude des passions faite sans passions ? Une vérité
scientifique ne s'impose pas de force. Elle se démontre, certes, jusqu'à un
certain point, par le raisonnement, mais elle se prouve surtout, et de la façon
la plus convaincante, par l'expérience. C'est dans les petites classes qu'on
réussi à apprendre quelque chose. Apprendre, n'est autre chose que de se
ressouvenir. La recherche à l'Université ne peut pas se séparer de la formation
des enseignants destinés à l'enseignement du Secondaire. Par le développement
de la recherche, on développera sûrement son complément nécessaire
l'enseignement supérieur et l'enseignement dans les paliers du primaire, moyen
et secondaire. En tout cas, les enseignements supérieur et secondaire
pourraient avoir des échanges constants qui permettraient de donner à
l'enseignement secondaire toute sa qualité. On a pris un retard qui,
maintenant, est tel que c'est le développement futur de la nation qui est en
cause et cette notion de développement prioritaire de l'éducation nationale,
est donc tout à fait essentielle. L'éducation nationale, c'est l'avenir, la
condition nécessaire au développement ultérieur de notre pays.
LES OBJECTIFS DE
L'ENSEIGNEMENT DES MATHEMATIQUES
Le but des
mathématiques est d'accumuler du savoir et d'éliminer la violence. Ainsi, tant
en raison de leur caractère strictement analytique que de la nature de leurs
hypothèses, les mathématiques n'occupent que le second rang dans le domaine de
la connaissance rationnelle, le premier revenant à la dialectique, science
complète et parfaite, la synthèse et l'analyse. Quiconque enseigne quoi que ce
soit, persuade-t-il ou non ce qu'il enseigne ? Chaque étudiant doit recevoir
une instruction indispensable pour le développement de ses aptitudes, de son
esprit de curiosité et de recherche, qui formeront naturellement sa
personnalité. Aux étudiants en qui on soupçonne un peu de curiosité pour la
recherche, on doit donner des articles ou des tirages à part d'un livre à lire
et à discuter. Les jeunes étudiants qui, en raison de leur forme d'esprit, ne
réussissent pas dans l'enseignement supérieurs, sont orientés vers les
techniques, et ils sont reclassés dans la technologie. Il faut assurer la
promotion de chacun à la fonction qui convient le mieux à ses aptitudes.
L'aptitude à la recherche en mathématiques n'est pas du tout proportionnel au
niveau de la connaissance. Nous voyons des étudiants s'initier aux mathématiques,
et nous voyons qu'il y en a qui visiblement, ne sont pas faits pour la
mathématique. D'autres au contraire y réussissent très bien. Il faut conseiller
à ceux qui ne réussissent pas de chercher une autre voie. Continuer dans la
voie actuelle, c'est se résigner à avoir des élèves avec une formation
insuffisante. De nos jours, on étouffe l'esprit des étudiants sous un amas de
connaissances et de modules inutiles, des modules de découvertes où on ne
découvre rien etc. Les notions mathématiques ont été rangées dans une autre
classe que celle des idées pures. Elles sont scientifiques par excellence.
Elles partent en effet des notions qu'elles développent par voie déductive, de
figures dont elles recherchent les propriétés. Les notions qu'elles utilisent
ne sont donc pas des idées pures, mais des images de ces idées mêlées à des
représentations sensibles. Selon Descartes, les mathématiques ont des
inventions très subtils, et qui peuvent beaucoup servir, tant à contenter les
curieux, qu'à faciliter tous les arts et diminuer le travail des hommes. Il
définit la notion de la méthode mathématique par : « Par méthode j'entends des
règles sûres et faciles, telles que quiconque les observera exactement ne
prendra jamais le faux pour vrai, et sans consumer inutilement aucun effort de
son esprit, mais en augmentant toujours par degré sa science, parviendra à la
vraie connaissance de toutes les choses dont il sera capable » (4).
Une hypothèse,
même si elle explique beaucoup de faits, peut toujours être remise en question
[5]. Un exercice d'application de mathématiques se présente comme une occasion
de réinvestir une notion précédemment définie, il vise l'application d'une
notion. « On n'attend rien d'autre de l'exercice mathématique que d'accoutumer
son esprit à se repaître de vérités et ne se contenter point de fausses raisons
» [4]. Plus difficile qu'un simple exercice d'application directe, un problème
est l'occasion pour un étudiant de mettre en Å“uvre, d'une façon adaptée, un
certain nombre de notions qui doivent faire partie de ses acquis. La résolution
de problèmes doit occuper une place importante dans les apprentissages
mathématiques. Ainsi, quand on veut montrer une chose générale, il faut en
donner la règle particulière d'un cas ; mais si on veut montrer un cas particulier,
il faudra commencer par la règle générale. Car on trouve toujours obscure la
chose qu'on veut prouver, et claire celle qu'on emploie à la preuve ; car,
quand on propose une chose à prouver, d'abord on se remplit de cette
imagination qu'elle est donc obscure, et, au contraire, que celle qui la doit
prouver est claire, et ainsi on l'entend aisément [5]. Les lectures, recherches
de faits, observations, problèmes posés, questions restées en suspens…peuvent
faire l'objet d'exercices s'accommodant bien d'un travail mené
individuellement. L'un des objectifs de la formation mathématique, est
d'entraîner les étudiants à analyser les problèmes de la vie courante, à les
formuler ou les modéliser mathématiquement, à résoudre les problèmes
mathématiques qui en résultent et à réinterpréter les solutions mathématiques
de manière à apporter des réponses intelligibles au problème de départ, de
confectionner un outil d'aide à la décision, sous forme d'un logiciel avant
tout pédagogique, avec une inter-activité ou une interface conviviale et facile
à utiliser. Ne serait-il pas plus raisonnable de concentrer toutes les
ressources disponibles sur ceux des étudiants qui auront besoin des
mathématiques pour exercer leur future profession. Les cours de mathématiques
très spécialisés sont dispensés à un public limité et choisi, dans des
établissements spéciaux qui se situent en marge, ou carrément en dehors, de
l'enceinte ou du système Universitaire.
L'INTERET DES
MATHEMATIQUES
La liaison entre
la théorie et la pratique est une nécessité qu'il faut atteindre. On pourrait
pousser beaucoup plus solidement qu'à l'heure actuelle le développement des
mathématiques vers les applications. Une liaison satisfaisante pourrait se
faire entre recherche fondamentale et appliquée, une liaison étroite non
seulement dans les textes, et dans la bureaucratie mais entre les chercheurs,
une liaison vivante et réelle. Les mathématiques ont toujours été enseignées
dans certaines écoles et à certains étudiants. La distinction qui est faite
couramment entre « les mathématiques pour les mathématiciens » et les «
mathématiques pour les non- mathématiciens » est mal fondée et qu'il est
dangereux de l'accepter parce qu'elle conduit au maintien d'un mauvais
enseignement bien que dans certains pays développés, il y a des écoles de
mathématiques pour les mathématiciens où le niveau est élevé et des écoles pour
d'autres formations où on applique les notions de « mathématiques ». Une
question se pose. L'enseignement des mathématiques dures par opposition aux mathématiques
élémentaires à des masses d'étudiants est-il indispensable au développement
économique, technologique et scientifique de notre société ? Les spécialistes
et les usagers de demain auront besoin de bonnes mathématiques. La clé pour les
mettre au point est le temps, celui de réfléchir aux problèmes, celui
d'explorer des voies qui se révèlent être des impasses, celui de trouver une
solution et non pas nécessairement la solution optimale.
RELATIONS ENTRE LES
MEN ET MESRS
Le Ministère de
l'éducation, MEN, continue à sous-payer les enseignants du secondaire
détenteurs de « magisters », il les paye en qualité de PES, soit du niveau de
la « licence ». Les détendeurs de la « licence » seraient suffisants si on leur
donne la formation et les moyens de subsistance adéquats pour former de
valables professeurs d'enseignement secondaire. Il faut attirer les meilleurs
chercheurs aux lycées en les payant au moins correctement et pour leurs titres.
Pourquoi pas au niveau de l'enseignement secondaire, les professeurs ne soient
pas également des chercheurs ? Nous ne défendons pas l'état actuel de
l'enseignement secondaire, des classes d'examen surchargés, des emplois du
temps saturés et un taux de réussite au bac de complaisance de l'ordre de 70%.
Dans les premières années de l'Université, 80% constitue le taux d'échec des
étudiants. Quand l'encadrement est satisfaisant ainsi que les moyens matériels,
l'enseignement secondaire est capable de remplir sa mission. Il faut dans les
réformes, dans les progrès, rechercher l'équilibre enseignement–recherche
pédagogique. En ce qui concerne l'enseignement secondaire, la question est peut
être plus délicate. Il est certain que si la fonction de professeur
d'enseignement secondaire était revalorisée, non seulement du point de vue
matériel mais aussi du point de vue social ; si les classes étaient moins
chargées, les emplois du temps souples, un grand nombre de professeurs
d'enseignement secondaires pourraient être plus en contact avec la science qui
se fait et même pour un certain nombre, devenir des chercheurs. En tout cas,
les enseignements supérieur et secondaire pourraient avoir des échanges
constants qui permettraient de donner à l'enseignement secondaire toute sa
qualité. La situation actuelle, fait que la possibilité d'effectuer des
recherches personnelles par des professeurs d'enseignement secondaire apparaît
dans une grande mesure utopique.
Conclusion:
Il est à rappeler
que l'univers, l'astronomie sont régis par des lois immuables, mathématiques,
accessibles à l'esprit humain. Les étudiants ne sont pas égaux devant la
mathématique : certains refusent la vérité, d'autres refusent la difficulté,
d'autres encore refusent l'étude. Nos maîtres nous ont appris la rigueur. Ne
jamais se contenter de comprendre à moitié. Y passer le temps qu'il faut mais
comprendre, assimiler. Il faut avoir, par ailleurs une mémoire sans défaut. Ce
qu'on apprenait, on ne l'oubliait plus. Il faudrait élaborer l'histoire des
mathématiques et de faire une analyse spécialisée des tendances nouvelles de la
mathématique. En science, il n'est pas question de procéder par décrets.
* Universitaire
Références :
01. Montesquieu
(1748). De l'Esprit des lois. Première partie (livres I à VIII) 57. Du livre IV
: que les lois de l'éducation doivent être relatives aux principes du
gouvernement.
02. Farid
Benramdane. Programmes scolaires en Algérie : Une confusion, deux courants,
trois postures et... le reste.
El Watan,
Contributions : idées-débats, Samedi 28 Janvier 2012, p.21.
03. Platon. Le
Gorgias. Traduction française de GROU avec Introduction, Analyse et Notes par
Paul Lemaire, Librairie A. Hatier, Paris, °367.
04. René
Descartes. Discours de la méthode. Texte présenté et annoté par Jean Costilhes.
1966, Nouveaux classiques, Hatier.
05. Pascal.
Pensées. Texte établi par Léon BRUNSCHVICG, GF FLAMMARION, 1976.
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Posté Le : 05/04/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ali DERBALA
Source : www.lequotidien-oran.com