Publié le 10.08.2023 dans le Quotidien d’Oran
par Mohamed Rachid Cheriti*
Le progrès est impossible sans changements et ceux qui ne peuvent jamais changer d'avis ne peuvent ni changer le monde ni se changer soi-même. George Bernard Shaw
Le changement ne sera admis que s'il ne porte aucune atteinte à l'origine, il doit être inspiré de l'origine : il faut qu'il soit une imitation du modèle précédent. Adunis
La production mondiale de pétrole commencera à décliner en valeur absolue du fait du tarissement des réserves aisément exploitables, tandis que l'estimation des réserves restantes dépend de leur accessibilité technique. D'un autre côté, l'évidence de contrainte climatique et les coûts économiques associés, catalysent les changements nécessaires et ouvre des démarches sur le rythme et les formes de l'inévitable transition énergétique d'un monde dépendant de ressources naturelles non renouvelables. La plupart des pays du globe en plus des grandes entreprises du secteur d'énergie ont pris conscience qu'un grand changement de direction doit être effectué. Les compagnies pétrolières internationales ont mis au point des stratégies diverses en faveur de l'inclusion des énergies renouvelables telles que les biocarburants, le solaire, l'éolien, l'hydrogène, le stockage du CO2, les batteries, etc., dans leur bouquet énergétique parallèlement à la production des ressources fossiles, pour diversifier leurs investissements et financer les acquisitions dans les énergies renouvelables, tout, sans abandonner les énergies fossiles, arguant qu'il faut répondre à la demande de pétrole et de gaz, et ne pas rater l'objectif de la neutralité carbone d'ici 2050. Symboles de cette transition, les noms de certaines compagnies ont été changés, le géant norvégien Statoil est devenu Equinor, Total est devenu TotalEnergies. Les compagnies pétrolières influencent cette transformation en faisant évoluer leurs portefeuilles d'actifs, à mesure qu'elles tournent la page des combustibles fossiles pour s'engager dans des projets privilégiant les combustibles renouvelables. Je cite les projets et les objectifs de cette métamorphose vers les énergies renouvelables de quelques compagnies mais sans s'y limiter :
1. BP est devenu actif dès les années 1980 dans le solaire et l'éolien terrestre, a diminué ces émissions de 41% en 2022 par rapport à 2019, et a annoncé l'objectif de 50% pour 2030 contre 30-35% prévu en 2020. La société a annoncé un objectif de 10 GW de capacité renouvelable installée nette d'ici 2030. BP investit aussi dans les véhicules électriques, elle possède 22.000 points de charge pour véhicules électriques, et vise à développer son réseau mondial à plus de 100.000 bornes, et prévoit multiplier par plus de 100 ses ventes d'énergie entre 2021 et 2030. La compagnie prévoit d'investir encore plus jusqu'à 8 milliards de dollars pour aider à accélérer sa transition énergétique.
2. Eni : la société nationale italienne des hydrocarbures Eni a annoncé un objectif de 15 GW de capacité renouvelable d'ici 2030.
3. Total qui a changé son nom à TotalEnergies, cinquième groupe pétrolier privé mondial, compte multiplier par six sa production d'énergie à partir de renouvelables, pour passer à 100 GW d'énergies renouvelables en 2030, contre 17 GW aujourd'hui, le géant augmente ses investissements notamment aux Etats-Unis et en Inde d'ici à 2030. Total est devenu majoritaire en 2011 chez le producteur américain de panneaux solaires Sunpower. Elle prévoit un investissement de 16 à 18 milliards de dollars en 2023, dont 5 milliards de dollars pour ses activités à faible émission de carbone.
4. Exxon : l'Américain Exxon a également dévoilé des profits record pour 2022, le major pétrolier a dégagé un bénéfice de 55,7 milliards de dollars sur cet exercice, contre 23 milliards de dollars en 2021. Exxon investira environ 560 millions de dollars pour aller de l'avant avec la construction de la plus grande installation de diesel renouvelable au Canada, ce projet à la raffinerie de Strathcona, qui devrait produire 20.000 barils de diesel renouvelable par jour en utilisant de l'hydrogène à faible teneur en carbone produit avec la technologie de capture et de stockage du carbone, a atteint la décision finale d'investissement en janvier 2023. ExxonMobil prévoit d'investir environ 17 milliards de dollars dans des initiatives à valeur ajoutée et à faibles émissions de 2022 à 2027. Environ 40% seront consacrés au développement de l'activité solutions à faible émission de carbone de la société pour aider les clients à réduire leurs émissions de GES grâce à la capture et au stockage à grande échelle du carbone, à l'hydrogène et aux biocarburants. ExxonMobil compte ainsi réduire d'environ 20% les émissions à l'échelle de l'entreprise à l'horizon 2030 par rapport à 2016.
5. Chevron : le major pétrolier américain Chevron a dégagé 36,5 milliards de dollars de bénéfice net en 2022, plus du double de l'année précédente. Le groupe, qui a publié ses résultats trimestriels et annuels, bat de près de 10 milliards de dollars son précédent record, établi en 2011. Le major américain investira 10 milliards sur les biocarburants, l'hydrogène et la capture de CO2, Chevron collabore au développement d'une installation de production de déchets en hydrogène à Richmond, en Californie, cette installation devrait utiliser jusqu'à 99 tonnes humides de déchets verts et alimentaires par jour et produire jusqu'à 2.400 tonnes d'hydrogène par an. L'hydrogène est destiné à approvisionner les marchés des carburants de transport en Californie du Nord.
6. Statoil : le géant norvégien de l'énergie qui est devenu Equinor a, lui aussi, publié des résultats records pour 2022 grâce à la flambée des cours. Son bénéfice net a en effet plus que triplé l'an dernier pour atteindre 28,7 milliards de dollars. L'entreprise a annoncé un objectif de 12 à 16 GW de capacité renouvelable d'ici 2030. Capacité installée des énergies renouvelables : 0,7 GW, avec une production de 1.562 GWh. 1,6 GW en cours de construction (Hywind Tampen, Norvège, Dogger Bank A, B, C, Royaume-Uni, Braniewo et Zagorzyca, Pologne) et 2.6 GW (Empire Wind 1 et 2, États-Unis, Beacon Wind 1, États-Unis, OWF Ba?tyk II et III, Pologne, Divers projets solaires).
7. Aramco : la compagnie saoudienne Aramco troisième plus grande entreprise dans le monde avec une capitalisation boursière de 2.08 milliards de dollars. Dans le cadre de sa stratégie à long terme d'investissement, Aramco a créé un nouveau fonds de développement durable de 1,5 milliard de dollars pour investir dans les technologies nécessaires pour relever les défis climatiques. Une ambition de réduire ses émissions d'environ 52 MMT CO2e et de réduire l'intensité carbone en amont de 15% d'ici 2035. En 2022, le fonds de R&D lié au développement durable s'élevait à 435 millions de dollars, ce qui équivaut à 59% (une augmentation de 7% par rapport à 2021) des dépenses totales de R&D de 2022 de 737 millions de dollars. Parmi les leviers figurent dans ses objectifs visant à atteindre une capacité de capture, d'utilisation et de stockage du carbone (CCUS) de 11 MMT CO2e par an d'ici 2035, et des plans d'investissement final pour 12 gigawatts de projets solaires photovoltaïques et éoliens d'ici 2030.
8. Repsol : En 2022, Repsol a promu sa transformation en une entreprise multi énergie, la société a annoncé un objectif à atteindre 6 GW de capacité renouvelable d'ici 2025 et 20 GW d'ici 2030, ce qui comprend la pénétration de nouveaux marchés et l'intégration de technologies complémentaires, telles que l'énergie éolienne offshore et les batteries de stockage. La société a également continué à mettre en service des projets en Espagne et aux États-Unis et à ajouter de nouveaux projets au portefeuille sous-développement, un accord a été conclu récemment pour acquérir 100% d'Asterion Energies, qui gère un portefeuille d'actifs renouvelables de 7.700 MW en Espagne, en Italie et en France. Le portefeuille d'actifs d'Asterion Energies comprend 4.900 MW de production solaire photovoltaïque et 2.800 MW de production éolienne, dont 2.500 MW sont à un stade avancé de développement ou en construction.
9. Shell : le groupe britannique s'est lancé très tôt dans l'éolien en mer, l'entreprise a annoncé son objectif de desservir 50 millions de ménages avec des énergies renouvelables d'ici 2030. Les énergies renouvelables ont représenté des investissements de 3,5 milliards d'euros pour Shell en 2022, cela représentait 14% des dépenses du groupe, elle prévoyait de maintenir en 2023 ses investissements dans les énergies renouvelables, la compensation carbone, le captage du CO2, et les biocarburants.
10. Sonatrach : le géant pétrolier algérien a lui aussi hissé aux majors pétroliers et placé la réduction de l'empreinte carbone au cœur de sa stratégie, et entend être un acteur efficace au sein de la chaîne de valeur des énergies renouvelables, les principaux projets selon son bilan de réalisations 2022 sont : la pose de la première pierre d'une nouvelle centrale solaire photovoltaïque ''BRN2'' dans le cadre de partenariat avec Eni, signature d'un accord avec le partenaire Eni afin de mener des projets pilotes pour l'hydrogène vert et les biocarburants, signature d'un MoU avec la société allemande VNG AG pour la réalisation des projets d'hydrogène vert et d'ammoniac. En plus d'un protocole d'accord dans le domaine de la transition énergétique et des énergies renouvelables, qui est signé entre Sonatrach et TotalEnergies, ce protocole concerne de nombreux axes de coopération notamment : les énergies renouvelables, en particulier l'énergie solaire et éolienne, l'hydrogène bas carbone, la réduction et la valorisation des gaz torchés. En 2021, Sonatrach a créé en partenariat avec Sonelgaz une nouvelle société des énergies renouvelables (SHAEMS) chargée de réaliser le programme national de développement des énergies renouvelables pour la production de l'électricité.
Le changement pour le progrès :
Devant la nouvelle tendance qui devrait bouleverser le marché mondial de l'énergie au futur proche et loin, les analyses fournies par les plus grandes institutions et entreprises du secteur de l'énergie dans le monde se concentrent sur des aspects économiques et sur les politiques gouvernementales, en plus des défis environnementaux, technologiques et économiques que rencontre chaque pays, pour évaluer l'avenir du marché énergétique et la transition énergétique. Ces processus impliquent des différends géopolitiques intenses allant des intérêts des pays qui produisent des combustibles fossiles aux opportunités de leurs marchés consommateurs avec des pays consommateurs dans le but de leur sécurité énergétique. Certains pays continuent de privilégier les énergies fossiles non renouvelables, tandis que d'autres mettent l'accent sur des solutions faisant appel aux énergies renouvelables. Ces enjeux conduisent les grandes compagnies pétrolières à diversifier leurs revenus, en plus la transformation des autres vers les énergies renouvelables, même si la prise de conscience écologique n'était pas le seul motif derrière cet effort. En revanche, la confrontation entre les politiques des gouvernements et celles des entreprises peut être un obstacle pour certaine transformation, mais le primordial pour la plupart et dont tout le monde est d'accord en plus de la contrainte carbone, c'est de réduire les obstacles à la promotion du développement d'une énergie verte et sûre, assurer la sécurité énergétique, parvenir à un accès universel à l'énergie, aux fins de réduire la pauvreté, promouvoir la croissance économique et la prospérité, et renforcer l'avantage de recherche et développement technologique.
*Ingénieur spécialisé dans le domaine énergétique
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Posté Le : 22/08/2023
Posté par : rachids