Algérie

Les lourds dossiers de Tayyip Erdogan



Lui-même d’ailleurs a eu à l’éprouver, ce qui l’a amené à procéder d’une manière toute particulière, jamais de front et tout en prenant l’opinion à témoin, surtout qu’il était question d’une adhésion de la Turquie à l’Union européenne (UE), même si très peu y croyaient en réalité.
De ce face-à-face, l’on retiendra que tout aurait pu s’arrêter peu avant les élections de novembre 2002, quand un juge de la Cour constitutionnelle, incarnation du système en place selon nombre d’analystes, en avait alors brandi la menace. Ou encore ne plus se poursuivre comme cela a failli être le cas en 2008, quand l’AKP, le parti de Erdogan, était menacé de dissolution. A croire alors que c’est ce même système qui reculait, ou encore acceptait de se réformer et non pas l’AKP qui avançait, malgré son audience aujourd’hui incontestable. C’est ce qui donne des idées à son leader, à qui l’on prête l’idée d’être le dernier Premier ministre du système parlementaire actuel.
En termes de sièges, la marge est confortable, mais en termes de voix, c’est du 50-50 et Erdogan est interpellé sur ce rapport et doit donc tenir compte de l’autre moitié de la population turque qui n’a pas voté AKP.
Les nationalistes du CHP, le parti de Mustafa Kemal, le fondateur de la Turquie moderne, qui a repris des couleurs à l’occasion du dernier scrutin, veulent se faire entendre avec leur meilleur score (135 sièges) depuis 1977. Quant aux Kurdes, ils ont opéré avec beaucoup d’intelligence. Ils sont en effet partis en rangs dispersés, mais pas opposés, juste pour éviter la barre éliminatoire des 10% pour siéger au Parlement ; leur score est plus qu’appréciable et même historique avec 36 élus contre 20 dans le précédent Parlement. Il ne s’agit pas, pour eux, de faire de la figuration ou de la simple opposition.
Ils s’apprêtent à défendre l’idée d’autonomie dans le cadre d’un système fédéral, ce qui est fondamentalement différent de la revendication d’un Etat kurde. Outre la revendication linguistique, les Kurdes demandent une référence à leur identité dans la nouvelle Constitution promise par M. Erdogan, partisan pendant un temps d’une «ouverture démocratique» en leur faveur, avant de revenir à un discours plus classique : «Un seul drapeau, un seul pays, une seule nation», a-t-il dit lors de sa campagne. Un discours qui manque de constance et qui a été sanctionné par l’électorat dans de nombreuses localités du sud-est de la Turquie.
A l’inverse, les élus kurdes s’apprêtent à défendre une position nouvelle, susceptible, selon eux, de régler un vieux problème face auquel même la force, surtout elle devrait-on dire, s’est avérée vaine. Elle a au contraire approfondi les divergences et coûté au pays des milliers de vies et des ressources qui auraient pu servir autrement qu’à l’entretien de la machine de guerre. Ce qui veut dire un ordre du même type et un impact certain sur les libertés et les droits de l’homme.
C’est ainsi que se situent les questions importantes de ce nouveau mandat. Un recentrage, surtout si l’on considère, comme le font beaucoup de Turcs, qu’une adhésion à l’UE n’est pas seulement hypothétique, mais improbable avec l’opposition de nombreux Etats, lesquels ne se sont pas contentés de discours puisque toute nouvelle adhésion devrait être soumise à référendum.
Au moins, dit-on en Turquie avec beaucoup de sérieux, la phase préparatoire avec ces fameux critères de Copenhague (stipulant une démocratisation totale des systèmes politiques) aura été utile pour le pays. Cette fois, il s’agit d’aller encore plus loin.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)