Algérie

Les longs chemins ardus de la vérité



Les longs chemins ardus de la vérité
C'est une histoire de morts-vivants. Engagé dans un titanesque combat depuis une trentaine d'années, Azzedine Meriche, dit Yazid, ne cesse d'enrichir sa dramatique histoire chaque jour d'un petit détail qui guide la marche entreprise pour reconstituer sa famille : son père retrouvé à Chlef où il mène une autre vie, et sa s'ur, enlevée en 1961, faisant toujours l'objet de recherches, bien que des indices favorisent son existence en France. Le combat juridique est lancé par la lettre du 4 juin 2006 adressée au ministère des Moudjahidine, demandant l'annulation du statut de chahid à son père Abdelhamid Meriche, retrouvé dans la wilaya de Chlef sous le nom de Belgacem Meriche après les retrouvailles du 6 avril 2006, consécutives à une séparation de 48 ans (voir Un chahid bien vivant in El Watan du 13 mars 2007). Ces retrouvailles avaient été rendues possibles après le passage à la télévision nationale en date du 5 avril 2006 à l'émission « Et tout est possible », animée alors par le défunt Riad. Suite à cette première lettre, il a été reçu en audience par un inspecteur du ministère des Moudjahidine à qui des documents prouvant que son père est bien vivant, ont été remis. Ne voyant rien venir, Yazid envoie une lettre de rappel en date du 3 décembre 2006, invitant les services concernés à prendre les dispositions qui s'imposent, essentiellement l'annulation du statut de chahid. Faisant suite à cette lettre de rappel, le requérant a été invité, en date du 19 mars 2007, par convocation de la direction des moudjahidine de la wilaya de Jijel, de se présenter, en compagnie de son oncle et de sa tante (qui l'ont accompagné à Chlef pour rencontrer leur frère, ndlr), le 26 mars 2007 à la direction de la wilaya de Mila pour être entendu par le même inspecteur qui l'avait reçu en audience au niveau du ministère. Ledit inspecteur a consigné sur procès-verbal les auditions de l'oncle et la tante, entendus séparément. En date du 2 novembre 2007, une requête a été déposée auprès du procureur de la République près le tribunal de Jijel. Un dossier est ouvert, depuis, à cet effet sous le n° 13479/2007, et plusieurs personnes ont été convoquées pour être entendues. En mars 2008, Yazid est reçu une seconde fois à Mila par le même inspecteur pour être destinataire, non pas des documents relatifs au complot ayant fait disparaître son père de la région, mais, au sujet du cas de sa s'ur cadette, Faïrouz, disparue elle aussi dans des conditions aussi étranges (voir Où est passée Faïrouz ' in El Watan 5 avril 2008).Les conséquences d'une quêteUne disparition qui s'apparente à un enlèvement. Aux fins d'audition du père de Yazid, le procureur de la République près le tribunal de Chlef a été saisi en avril 2008 par le parquet près le tribunal de Jijel. Le père, selon Yazid, a refusé de s'étaler sur l'affaire à Chlef, préférant répondre aux questions du procureur au niveau du tribunal de Jijel. Il sera destinataire d'une convocation datée du 8 septembre 2008 pour se présenter au tribunal de Jijel. N'ayant pas répondu à la première convocation, une seconde lui a été transmise en date du 25 février 2009. Mais, à ce jour, le concerné ne s'est pas présenté à Jijel. Entre-temps, les ennuis ont jalonné le parcours de Yazid qui a perdu au passage, tout simplement, son gagne-pain après son expulsion d'un local qu'il louait. Les conséquences de cette quête de la vérité ont fait que depuis 15 mois il est sans ressources. Si Yazid a, malgré toutes les difficultés, fini par retrouver son père, la bataille continue à être menée pour déterminer le sort de sa s'ur Faïrouz, qui semble elle aussi bien vivante, mais de l'autre côté de la Méditerranée. L'affaire de Faïrouz, née le 14 octobre 1958, commence le 9 mai 1961. Ce jour-là, elle est admise à l'hôpital de Jijel pour une blessure au niveau de l'abdomen. Le lendemain, soit le 10 mai 1961, la petite est libérée avec la mention « Sortie normale » comme le prouve le certificat de séjour n°505/2008 du 04 mars 2008, délivré par l'hôpital Mohamed-Seddik Benyahia de Jijel, établi à la demande de Yazid. Le même jour de sa sortie de l'hôpital, la disparition de Faïrouz est constatée. La famille est informée par des militaires français que la petite est décédée à l'hôpital. Seulement, le corps n'a jamais été restitué à la famille ! Et c'est là, l'un des précieux indices qui ont tout le temps fait croire à Yazid que sa s'ur est toujours vivante. Une mort sans cadavre et sans sépulture ! Le 7 décembre 1962, soit 19 mois après la prétendue mort de Faïrouz, une déclaration de décès est inscrite sur le livret de famille. Date de la mort mentionnée ' 10 mai 1961 ! Bizarrement, le 24 mai 1961, un militaire, un appelé de 21 ans, se présente à la mairie de Djidjelli (Jijel) pour reconnaître pour être son enfant, une fille, venue au monde le 17 mai 1961, soit sept jours après la disparition de Faïrouz. Ainsi, sur le registre européen d'état civil de la commune de Djidjelli, feuillet 06, acte n°20 du 24 mai 1961, on peut lire : « Le 24 mai 1961, à 16 h, a comparu devant nous D. J. F., né le 4 avril 1940 à Saint-Maur des Fossés (Seine), soldat de 2ème classe au 129 RI demeurant à Djidjelli qui nous a déclaré reconnaître pour être son enfant une fille née le 17 mai 1961 à Saint-Maur des Fossés (Seine), inscrite sous le nom de P. I. A signé avec nous Muracciole Mémé, secrétaire général de la mairie, officier de l'état civil par délégation du sénateur suppléant maire. » On remarquera que le mot « naissance » imprimé sur le registre a été barré au stylo et remplacé par une écriture manuscrite du mot « reconnaissance ». Sous la mention « Acte de reconnaissance », le nom du nouveau-né est D.I., sans faire aucune mention du P mentionné dans l'acte. Par ailleurs, la comparaison des signatures du secrétaire général apposées sur les actes consignés sur le même feuillet révèle des différences notables. Les recherches menées pour retrouver cette D.I. ont permis de la localiser en France. L'intéressée, que nous avons pu avoir au téléphone, nous demandera de la laisser tranquille en précisant qu'elle ne désire pas qu'on écrive sur elle. Nous y reviendrons un jour. Devant le silence du ministère des Moudjahidine et les difficultés qui font barrage dans le cas de sa s'ur, Yazid dit accepter volontiers que des tests ADN soient effectués pour confirmer la paternité de son père et avoir le c'ur net en ce qui concerne cette D.I. Ces obstacles qui se dressent devant cette quête de vérité poussent Yazid à demander l'intervention du président de la République afin que toute la lumière soit faite sur ces malheureux épisodes de 1958 et 1961 qui l'ont privé de son père, dans un premier temps, puis de sa s'ur qui n'a pas encore été formellement retrouvée. Mais derrière cette quête, tant de questions s'invitent inlassablement dans cette soupe. Qui est responsable de cet enlèvement, et pour quelles raisons ' Qui a réellement déclaré son décès en 1962 ' Enfin, quel rapport aurait l'affaire de Faïrouz avec celle de son père ' Autant d'interrogations qui méritent l'engagement de la plus haute autorité de l'Etat. Cette histoire nous rappelle que les dramatiques « bienfaits de la colonisation » continuent de charrier des drames.


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