Les locaux de la
rédaction de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo ont été en partie détruits
dans la nuit du mardi 1er au mercredi 2 novembre par un incendie volontaire. Deux
personnes auraient été aperçues dans la nuit en train de jeter des «engins
incendiaires» contre le siège du journal qui devait publier, mercredi, un
numéro sur-titré «Charia hebdo» avec une caricature
de «Mahomet, rédacteur en chef». On pourrait sur-titrer
toute cette histoire par une nouvelle provocation-pub
réussie. Au-delà de toute attente. Charlie Hebdo a eu, comme beaucoup de médias
en France, de l'urticaire et des démangeaisons après le vote «incorrect» des
Tunisiens. Son numéro de «Charia Hebdo» avec le prophète «Mahomet» comme
rédacteur en chef est donc la première grande provocation post-élection en
Tunisie. L'hebdomadaire aurait pu croquer le chef d'Ennahda
comme bon lui semble puisqu'il s'agit en théorie de lui et des présumées
menaces qu'il fait peser sur les libertés. Mais les islamistes tunisiens ont
montré qu'ils étaient d'une grande placidité et ont choisi de ne pas s'énerver
face à leurs détracteurs.
CROQUER «MAHOMET»
POUR CRITIQUER GHANNOUCHI !
Ghannouchi a même demandé à Juppé de garder les yeux bien ouverts
après les avoir si longtemps fermées sur le régime de Ben Ali. Charlie Hebdo a
donc considéré que croquer Ghannouchi ou les nouveaux
dirigeants libyens ne «rapporte» pas. Il a choisi, une fois de plus, de placer
la barre haute en rejouant du «Mahomet» par-ci et par-là. La recette a déjà été
usitée par le passé et le coup de pub assuré pour peu que des musulmans émotifs
se mettent à tomber dans le panneau du marketing bien rodé autour de la
personne et de l'image du prophète. Même si l'écrasante majorité des musulmans
hausse les épaules face à ces manÅ“uvres, il se trouvera toujours quelques-uns à
réagir comme prévu par les concepteurs de la provoc à coups de dénonciations et
de menaces. Mais là, avec un cocktail Molotov qui a incendié ses locaux dans la
nuit du mercredi, Charlie Hebdo a eu un peu plus que ce qu'il désirait. Mais
comme rien ne se perd dans le marché de l'islamophobie
et de la guerre des civilisations, voilà Charlie Hebdo en martyr de la liberté
d'expression. Tout bénef. Le piège se referme mécaniquement. Les musulmans –
pas les islamistes, les musulmans globalement et dans le détail – sont campés
dans le rôle des méchants pourfendeurs de la liberté d'expression. Charlie
Hebdo intronisé première victime de «l'hiver islamiste» qui aurait pris le
relais du «printemps arabe».
ET ON REFAIT LE
MATCH
En France et en
Europe, la liberté d'expression est «sacrée», les croyances des uns et des
autres ne lui sont pas opposables. C'est juste… quoique l'on sache que tout ne
peut pas se dire en France… Bien entendu, ceux qui ont jeté des cocktails
Molotov – on ne sait pas bien entendu qui en sont les auteurs mais on accuse
déjà les musulmans – contre le siège de Charlie Hebdo sont condamnables. La
violence est toujours une mauvaise réponse même quand on a le sentiment d'être
délibérément agressé et provoqué. Elle donne une victoire facile aux islamophobes et aux racistes. Le concert unanime et
prévisible des condamnations de l'incendie le montre aisément. Et ces
condamnations, sans attendre la détermination des auteurs, a déjà désigné le
coupable : l'Islam, les musulmans. Le ministre français de l'Intérieur, Claude
Guéant, n'en doute pas, même s'il prétend faire une «très nette distinction
entre ceux qui vivent leur foi de façon paisible et ceux qui veulent faire de
l'islam un élément de conquête, d'impérialisme intellectuel à l'égard de la
société, et, pour certains d'entre eux encore, se livrent à des agressions». François
Hollande, candidat socialiste à la présidence, a également condamné et exprimé
sa «solidarité à l'égard de la rédaction et des lecteurs de Charlie hebdo». «Ces
actes démontrent que le combat pour la liberté de la presse et le respect des
opinions demeure permanent, et que le fondamentalisme doit être éradiqué, sous
toutes ses formes», a-t-il indiqué. Le maire de Paris est, lui, «révolté». «Tout
acte violent pour mettre en cause cette liberté doit être condamné avec la
dernière fermeté de la même manière qu'il y a eu aussi les intégristes
chrétiens qui ont contesté une pièce de théâtre au Théâtre de la Ville, c'est inadmissible …
On peut ne pas être d'accord avec le numéro de Charlie Hebdo aujourd'hui, mais
nous sommes dans une société qui a besoin d'une liberté d'expression». Le Front
National participe lui aussi à ce concert unanime de condamnation : «L'attentat
contre Charlie Hebdo est à la fois une atteinte à la liberté de la presse et
une agression contre la laïcité». «L'Union nationale» est ainsi faite autour de
Charlie Hebdo. Les représentants officiels des musulmans de France, à l'image
de Mohammed Moussaoui, président du Conseil français
du culte musulman (CFCM), sont dans l'inconfort. M. Moussaoui
souligne, avec pertinence, qu'il ne voit pas de lien entre «ce qui se passe en
Tunisie et en Libye et le fait de caricaturer le prophète». Tout en affirmant
que «rien ne justifie d'agir en dehors de la loi», il a déclaré que le CFCM
continuera à dénoncer «tout dessin sur le prophète car les musulmans ne sont
pas prêts à accepter ces caricatures. Dans le même temps, ils doivent accepter
et comprendre que, dans nos sociétés, le rapport au sacré n'est pas le même
pour tous».
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Posté Le : 03/11/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salem Ferdi
Source : www.lequotidien-oran.com