Algérie

Les limites d'une fiction sur le terrorisme international



Les limites d'une fiction sur le terrorisme international
Sur le plan du divertissement, le film Secret Défense, de Philippe Haim, qui vient de sortir sur les écrans français, est réussi. Sur un thème difficile, il est divertissant tout en permettant une large réflexion. Pour une fois qu'un long métrage français d'espionnage arrive à la performance du rythme haletant et du souffle américain du genre, cela peut suffire à faire le bonheur du cinéphile. D'autant que le film est servi par des comédiens de talent, en premier lieu Gérard Lanvin, superbe en chef espion. La deuxième raison de satisfaction est qu'il montre des hommes et des femmes qui ne sont pas des héros, mais des êtres comme tout le monde, au service d'un engagement. D'un autre côté, celui du terrorisme, le film jette un regard cru sur la férocité au service de la peur et de l'anéantissement « gratuit » de l'autre. Le film montre, là aussi pour la première fois, comment le terrorisme tente de recruter, dans les prisons, les largués de la société. Toujours au plan des surprises heureuses, Philippe Haim réussit à ne pas être manichéen. Le terrorisme dit islamiste n'est rien d'autre que barbare. Tout amalgame avec l'Islam est verrouillé par l'auteur et c'est véritablement le bon point du film. Il a évité l'écueil classique du mélange des genres qui pousse à la détestation de l'Islam par certaines franges médiatiques, surtout depuis le détournement de l'Airbus Alger-Paris en décembre 1994, puis les sanglantes bombes de 1995 dans le métro parisien. Un risque de rejet accru depuis la montée en puissance d'Al Qaïda après le 11 septembre 2001. Philippe Haim, malgré cette actualité brûlante, tente une histoire inventée de toutes pièces. La crédibilité en prend un coup. Si dès les premières images le spectateur, notamment algérien, se sent touché au plus profond lorsque les « espions » visionnent une vraie communication d'Al Qaïda annonçant la soumission du GSPC à la nébuleuse de Ben Laden, le reste du long métrage ne sera plus qu'imaginaire, basé sur une unique source, celle des services français. La deuxième allusion à l'Algérie sera du reste lorsque le gaz censé tuer des Parisiens dans le métro lors d'une attaque terroriste projetée provient d'Algérie. Non pas de l'Algérie indépendante, mais d'un reliquat de produits testés par l'armée française pendant la guerre d'Algérie. On en reste un peu étonné.Il faut dire que lors de la préparation de son film, le réalisateur s'est embarqué (enbeded, diraient les Américains) dans les rouages de la DGSE, les services de contre-espionnage français, devenant pour ainsi dire l'un des leurs. A la manière du syndrome dit de Stockholm qui fait aimer les ravisseurs par leurs otages, Philippe Haim n'a vu que du beau dans les services de la DGSE. Il a peut-être tout « avalé », mais alors qu'il nous en dise plus, ce qu'il ne fait pas. Son regard est aussi conforté par les spécialistes patentés, ceux que l'on voit à longueur d'année sur les plateaux télé, pas toujours pour dire des choses pertinentes : Antoine Sfeir, Malek Chebel, Anne Giudecelli entre autres. Voilà pourquoi le personnage caricatural du terroriste fait beaucoup plus penser à Dr No contre James Bond ou à Fantomas. Toute la base idéologique de l'islamisme radical ' et son ancrage politique passe ' au second plan. D'ailleurs, selon le synopsis du film, « mouvements terroristes et services de renseignements se livrent une guerre sans merci au nom d'idéologies que tout oppose. Pourtant, terroristes et agents secrets mènent presque la même vie ». Ah bon ! Alors, rien de plus facile pour l'auteur du scénario de faire au plus simple : la lutte entre un chef terroriste bourgeois buveur d'alcool et tombeur de jolies filles et un chef de la DGSE : « Ils s'affrontent en utilisant les armes, dont les plus redoutables : les êtres humains ». Le mal est partout. Il n'y a pas d'axe du bien, même dans l'antiterrorisme. Heureusement qu'il y a le mot « fin ». On sort du cinéma heureux qu'un film d'espionnage français soit enfin à la hauteur d'un spectacle de qualité, mais frustrés d'avoir assisté à ce jeu quelque peu puéril du chat et de la souris. Le drame planétaire de la violence terroriste est trop sérieux pour se contenter de cette fiction, même si l'auteur en reconnaît les limites.


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