Les Libyens assaillis par des rumeurs de coup d'Etat

En annonçant, hier, le renversement du gouvernement de Ali Zeidan par un groupe de militaires dirigé par un général à la retraire, la chaîne de télévision Al Arabiya a mis toute la Libye en état d'alerte maximum.La nouvelle, qui s'est répandue comme une traînée de poudre à travers le monde entier, a suscité tellement de réactions que les autorités libyennes ont dû sortir de leur mutisme pour démentir ce qui n'était finalement qu'une rumeur. Mais il n'empêche que, dans les faits, il y a bien eu un appel à un coup d'Etat. Un coup d'Etat qui, néanmoins, est resté au stade des intentions.Tout a commencé par une vidéo publiée sur internet dans laquelle Khalifa Haftar, un ancien commandant de la rébellion qui a participé au renversement du régime de Mouammar El Gueddafi en 2011, a annoncé une «initiative» prévoyant la suspension des autorités de transition.Dans son intervention, Khalifa Haftar ? qui a revêtu pour la circonstance son uniforme ? ira même plus loin en affirmant que «le commandement de l'Armée nationale libyenne va annoncer une initiative pour une feuille de route qui sera rendue publique dans les prochains jours», en consultation avec les différentes parties. Cette initiative, a-t-il dit, prévoit la suspension du Congrès général national (CGN, Parlement) et du gouvernement de transition et la formation d'une commission présidentielle. «L'armée a décidé de réagir non pas pour gouverner mais pour préparer les conditions propices» à des élections, a-t-il ajouté. La suite tout le monde la connaît. Le contenu de la vidéo a été repris en un temps éclair par des réseaux sociaux et des médias qui en ont vite fait un scoop.Haftar, l'arbre qui cache la forêt 'Devant une telle situation, le Premier ministre Ali Zeidan ne pouvait donc pas rester les bras croisés et continuer à savourer tranquillement son week-end. Il a dû improviser un discours pour nier sa mise à l'écart. Apparu à la fois furieux et ferme, M. Zeidan a qualifié les «rumeurs» en question de «ridicules», affirmant avec véhémence que M. Haftar «n'appartient pas à l'institution de l'armée». «Il a été mis à la retraite», a martelé M. Zeidan, ajoutant que les institutions de l'Etat fonctionnaient normalement. Le colonel Ali Al Chikhi, porte-parole du chef d'état-major de l'armée libyenne, a de son côté soutenu aussi que «c'est un mensonge. La situation est sous contrôle et il n'y a aucun mouvement suspect». Originaire de l'Est libyen, le général Khalifa Haftar faisait partie, mentionne-t-on, de l'armée du dirigeant déchu Mouammar El Gueddafi. Il avait fait défection à la fin des années 1980 pour aller s'installer aux Etats-Unis. L'officier supérieur réapparaîtra après le déclenchement de la révolte.Même s'il demeure en poste, Ali Zeidan reste néanmoins très affaibli politiquement. Il est actuellement contesté par de nombreux députés du Parlement. Y compris par ceux appartenant au courant dit «libéral» que représente Mahmoud Jibril, un homme qui n'a jamais caché son appétit vorace pour le pouvoir. Donc, aujourd'hui, presque tout le monde veut avoir la tête de Zeidan. A commencer par les islamistes du PJC, le Parti de la justice et de la construction.La raison s'expliquerait, en partie, par son incapacité à relancer la machine économique libyenne et à restaurer la sécurité dans un pays pris en otage, depuis deux années, par des milices surarmées qui font la loi et des groupes terroristes. Mais la course pour le pouvoir y est aussi pour beaucoup de choses. Comme on le voit bien, le Premier ministre libyen ne reste donc toujours pas à l'abri d'une «mauvaise» surprise.Le raisonnement vaut surtout s'il s'avère qu'il y a effectivement des acteurs qui sont tentés de rééditer le scénario égyptien en Libye afin de «reprendre» la situation en main. Dans le cas présent, on ignore d'ailleurs encore si l'ex-officier libyen qui vient d'appeler au coup d'Etat disposait d'un quelconque soutien dans les rangs de l'armée ou des ex-rebelles. Mais quoi que l'on dise, Ali Zeidan ? que de nombreuses sources présentent comme un homme politique désintéressé et soucieux uniquement des intérêts de la Libye ? dispose d'un avantage important. Il est soutenu par les Occidentaux et les pays de la région. Il ne sera donc pas aisé par ses adversaires de le déboulonner.