Algérie

Les Liaisons dangereuses


Les Liaisons dangereuses
«Les lettres anonymes ont le grand avantage qu'on n'est pas forcé d'y répondre.» Alexandre Dumas, filsOn ne saura jamais exactement quelle est la pulsion secrète qui pousse un homme à écrire: le besoin de s'exprimer, de durer par-delà sa propre existence, éclairer ses contemporains, briller'...Evidemment, je ne veux pas parler du scribe ou du professionnel qui fait pleurer le stylo en le torturant avec acharnement, juste pour pouvoir faire bouillir la marmite, ni de ceux qui utilisent des nègres pour pouvoir affirmer leur nom en exploitant le talent des timorés qui n'ont ni le ressort ni les appuis pour persuader un éditeur... Non! Je veux parler de ces volontés qui, incapables de retenir à l'intérieur d'elles-mêmes le feu qui les consume et qui ne veulent pas le confier aux roseaux comme dans la légende du roi Midas, noircissent des pages et des pages qu'ils livrent ensuite et qu'ils donnent en pâture à un public souvent ingrat.Des genres littéraires, il en existe beaucoup et chaque période amène sa mode qui prospère un moment avant d'être effacée par une nouvelle vague plus jeune, plus audacieuse.Mais à mon sens, le genre le plus original, le plus direct, le plus incisif, le plus révélateur, demeure le genre épistolaire: il est plus franc que des mémoires qui sont destinées avant tout à expliquer le cheminement d'une vie ou les choix qui ont présidé à telle ou telle conduite.Les Liaisons dangereuses révèlent plus que tout autre roman, les vices d'une société corrompue. Les mémoires peuvent être dénuées d'une arrière-pensée revancharde comme elles peuvent être les vecteurs d'un désir de vengeance ou d'un replâtrage tardif des erreurs du passé. Les lettres que Madame de Sévigné adressa à sa fille installée en province, sont un document vivant des moeurs de Versailles de l'époque.Le genre épistolaire est souvent utilisé comme un adjuvant au récit linéaire, une sorte d'appoint ou de contrepoint à un point de vue donné. C'est un artifice utilisé souvent pour donner crédibilité ou plus de sincérité... Cela est valable quand l'auteur est un écrivain reconnu ou un homme cultivé d'une très longue expérience. Mais quand un homme politique se met à dicter ses mémoires (c'est le cas quand il ne sait pas lui-même écrire ou alors que son style s'est trop longtemps complu et usé dans la langue de bois et la pensée unique, car à force d'avoir longtemps donné des ordres verbalement, le poignet tout comme le verbe, perd de sa souplesse et de son originalité) ou à écrire lui-même sur sa machine à écrire, le geste n'est jamais gratuit. On raconte que le président Truman, après avoir quitté la Maison-Blanche, s'est mis à réaliser des films documentaires uniquement pour expliquer à ses concitoyens les conditions qui l'ont poussé à prendre une décision plutôt qu'une autre (il faut dire qu'il en avait lourd sur la conscience: deux bombes atomiques larguées l'une sur Hiroshima et l'autre sur Nagasaki...).Mais dans l'écriture d'une histoire aussi sombre, aussi mouvementée et qui n'est pas toujours rose comme celle d'une guerre de Libération d'un pays qui sera ensuite gouverné par un mousselsel de coups d'Etat permanents, la publication de mémoires peut paraître suspecte quand beaucoup d'acteurs principaux ont déjà disparu, quand des archives sont mises sous scellés ou que la censure pèse.C'est trop facile d'écrire, mais écrire des mémoires ce n'est pas refaire l'Histoire en se refaisant une virginité et en accablant les autres de tous les maux: le public, avide de sensations, veut des noms, des adresses, des chiffres avec preuves à l'appui et si c'est possible, des photos...Mais si, au lieu de se répondre par médias interposés, les hommes politiques se mettaient à prendre leur plus belle plume et, dans la langue de leur choix, à échanger leurs amabilités dans le plus pur style épistolaire, la loi de l'omerta serait brisée. Et la vraie histoire sera connue.


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