Les langues maternelles arrivent à la télé

Le Ma ghribi en débat sur «Canal Algérie» Canal Algérie nous a fait l’heureuse surprise d’inviter le linguiste Abdou Elimam. On sait que depuis plus de 20 ans, cet intellectuel national, dont la renommée dépasse nos frontières, poursuit inlassablement son combat pour la reconnaissance et l’émancipation de nos (toutes) langues maternelles. Son livre-phare, «Le maghribi, alias ed-darija. La langue consensuelle du Maghreb» (éd. Dar El-Gharb - Oran), avait introduit un éclairage historique inédit qui démontre les fondations puniques (la langue de Carthage) de notre langue. L’influence de l’arabe n’étant apparue que tardivement. De tels éclairages historiques sont incontournables si l’on veut, un jour, formuler une politique linguistique nationale sans complexes. Que nos ancêtres n’aient pas été tous berbérophones, cela est un fait d’histoire et d’archéologie. Que la population maghrébine parlait déjà une langue proche de l’arabe (une «langue sémitique», comme le dit A. Elimam), cela est confirmé, de nos jours, par la survivance de notre langue maternelle majoritaire, malgré une politique d’arabisation massive. Abdou Elimam va plus loin puisqu’il dit que la norme arabe (el fosha), parce qu’elle est largement inspirée du texte coranique, n’a pas pu devenir langue maternelle. Et comme cela fait plus de quinze siècles que l’on essaie de la domestiquer sans succès, cela devrait donner à réfléchir. Est-ce une résistance, ou bien est-ce un signe du Ciel? Le résultat est là! Cette arabisation ne réussit pas en profondeur; elle est limitée à l’écrit et à certaines situations formelles. Ailleurs, elle est absente: depuis la naissance jusqu’à la mort de l’individu. De tous ces points - et bien d’autres qu’il développe dans ses ouvrages - Abdou Elimam s’en est entretenu, face à un brillant animateur, il faut le souligner au passage, à la télévision nationale. Canal Algérie nous a fait partager un débat de société crucial. Cette chaîne de TV nationale gagnerait à multiplier ces discussions qui ont le mérite d’abord de provoquer la réflexion. Par contre, l’heure de diffusion bien tardive pourrait être revue lorsqu’il s’agit de sujet aussi vital pour nous. Mounir Naïsou