Démentant rapidement mon dernier pronostic sur l'attitude de Damas après l'annonce du retrait américain et les menaces de la Turquie, Bachar Al-Assad est allé au secours des Kurdes. L'armée syrienne est entrée vendredi dernier dans la région de Menbej, dans le nord du pays, jusque-là défendue par les combattants kurdes, qui en avait délogé les djihadistes de Daesh. Du coup, Ankara, qui avait renforcé ses troupes d'intervention aux frontières, et dont Menbej était la cible prioritaire, a protesté contre l'entrée de l'armée syrienne dans une ville syrienne. Le ministre turc de la Défense a affirmé que l'alliance kurdo-arabe des Forces démocratiques syriennes qui administrait la région, «n'avait pas le droit» de faire appel à Damas. Finalement, il n'y aura pas d'affrontement, dans l'immédiat, entre les deux voisins puisque la Russie et la Turquie ont annoncé samedi qu'elles allaient coordonner leur action, après le retrait américain. C'est un répit et un répit seulement pour les Kurdes, nation sans terre, qui risquent de faire encore les frais d'un nouvel accord international, comme ceux qui ont été conclus à leur détriment par le passé. «Les Kurdes, éternels perdants dans le jeu des nations», c'est le titre qui revient le plus souvent dans les commentaires consacrés à la nouvelle donne en Syrie.Notre confrère du magazine électronique Shaffaf, Khatar Boudiab, rappelle fort à propos les échecs successifs de mise en place d'une entité kurde en Iran, et plus récemment en Irak. C'est ainsi qu'après avoir cru gagner des territoires, avec la reprise des villes conquises par Daesh, les Kurdes de Syrie, ainsi que ceux de l'Irak d'ailleurs vont perdre des villes reprises au califat. Les concessions territoriales vont profiter principalement à la Turquie voisine qui a commencé à avancer ses pions depuis longtemps, y compris en offrant des facilités aux milices islamistes. Les visées territoriales, la Turquie ne devrait pas manquer d'en avoir puisque son Président rêverait tout haut, et en plein jour, de rétablir la grandeur présumée du califat ottoman. Jadis, on s'évertuait à nous convaincre que les Turcs ottomans n'étaient pas des occupants et encore moins des colonisateurs, mais qu'ils étaient nécessairement nos amis, puisqu'ils partageaient la même foi. Depuis, le partage ne doit pas avoir été ni être encore aussi équitable puisque le prétendant au futur trône ou fauteuil du califat veut reprendre pied chez les Arabes. Comme pour donner du grain à moudre à nos islamistes turcophiles et leur rappeler qui écrit les partitions, le quotidien saoudien Okaz a publié hier un éditorial virulent contre Ankara.
Il s'agit encore de la ville de Menbedj, ville arabe selon le journal, qui est menacée d'être envahie par Erdogan et qui est l'objectif privilégié «des ambitions turques colonialistes». L'éditorialiste saoudien explique le regain de l'agitation turque en rappelant le contenu d'un article publié il y a un an et demi par le journal turc. Yeni Shaffak, à propos de la ville convoitée. Le journal, proche du Parti de la Justice et du développement (AKP) au pouvoir affirmait que la ville de Menbej serait la propriété du sultan Abdelhamid II, dernier de la dynastie. Annoté de documents et de références, l'article affirme que le sultan aurait acheté de ses propres deniers le tiers de la ville et des villages alentour et il y aurait édifié une école et une mosquée. Okaz rappelle que l'AKP se considère comme l'héritier légitime de la dynastie ottomane et qu'il rêve de rétablir l'empire et son autorité sur les peuples colonisés et sauvagement massacrés. Ce qui signifie, souligne Okaz, que l'entrée des troupes turques à Menbej ne sera qu'une étape avant son annexion et le remplacement de sa population par des citoyens turcs. C'est ainsi que la Turquie a opéré, d'ailleurs, dans tous les villages et localités frontalières sur lesquels elle a réussi à mettre la main, après en avoir chassé les habitants, conclut l'éditorial du journal saoudien.
Faisant écho à cet éditorial, le magazine Elaph, qui participe à la promotion du prince Mohamed Ben Salman, égratigne aussi Erdogan, qui se veut être le champion de l'Islam. Il s'est offusqué par les termes de «terrorisme islamiste», alors qu'il dépense des sommes énormes pour déstabiliser des pays musulmans. «Comment comprendre que tuer des Kurdes musulmans en Syrie et soutenir des groupes extrémistes en Libye est dans l'intérêt de l'Islam et des musulmans ' », interroge l'auteur avant d'ouvrir une piste intéressante, sous forme de recommandations pour mettre fin au terrorisme, qui se résument ainsi : «Pas de financement pour les institutions religieuses dans tous les pays arabes, que celui qui veut bâtir et entretenir une mosquée le fasse avec ses propres moyens. Privatisation d'Al-Azhar et sa transformation en facultés pour l'étude des matières scientifiques uniquement. Suppression de l'enseignement religieux, dès la maternelle, et son remplacement par des cours de morale et d'éducation civique. N'autoriser la construction d'écoles et d'universités que si les projets comportent des terrains de football et de basket au moins, ainsi que des salles pour la musique et les arts. Interdire d'arrêter le travail pour aller faire la prière, puisque le travail est une forme de pratique religieuse.»
Pour la bonne forme, l'auteur de ces propositions irrecevables et irréalisables en milieu arabe se nomme Imil Choukr-Allah. Enfin, je ne sais pas ce qui attend les Kurdes pour l'année 2019, ni ce qu'elle vous réserve amis lecteurs, ainsi qu'à l'Algérie surtout, mais rien n'empêche d'espérer et de vous souhaiter le mieux, faute de croire au meilleur.
A. H.
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Posté Le : 31/12/2018
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ahmed Halli
Source : www.lesoirdalgerie.com